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Cher adhérent,
Comme certains de vos confrères le savent déjà, la déléguée interministérielle à la sécurité routière vient d’adresser aux préfets une « Note d’information du 18 juin 2024 relative aux procédures applicables aux véhicules retrouvés volés mis en fourrière» (pièce jointe n° 1).
Ce document arrête une position expresse et claire de l’Etat sur l’interprétation de la procédure et de la tarification applicables au placement sous la garde conservatoire des gardiens de fourrière des véhicules retrouvés volés sur la voie publique.
En résumé, la note d’information affirme que l’article R. 325-13 du code de la route vous impose d’appliquer les règles des mises en fourrière « classiques » et la tarification règlementée de l’arrêté du 14 novembre 2001.
Nos organisations contestent cette position, qui nous semble fausse en droit.
- Cette note fait suite à une initiative conjointe de MOBILIANS et de la FNA visant à sortir du contexte de flou juridique, sur tout le territoire français, qu’ont alimenté les démarches des assureurs auprès des préfectures et des commissariats pour les inciter à vous forcer à appliquer à la garde des véhicules volés les tarifs de fourrière.
En effet, conscients de l’insécurité à laquelle ce flou condamne les professionnels, nous avons, ensemble, adressé le 24 mai 2024 à la Déléguée interministérielle à la sécurité routière un courrier demandant l’élaboration d’une circulaire de clarification de la position de l’administration, et pour garantir le traitement rapide de notre demande nous l’avons doublé de l’envoi d’un courrier-type à tous les préfets de l’hexagone (pièces jointes n° 2 et n° 3).
Nous sommes heureux d’avoir été rapidement entendus par l’Etat. Car nous ne doutons pas que la Déléguée interministérielle à la sécurité routière, qui a rédigé cette note en à peine trois semaines et qui avec ce texte nous donne les moyens d’agir directement devant le Conseil d’Etat pour qu’il tranche la question du droit applicable, a parfaitement compris nos attentes et intentions. Nous la remercions pour cela.
Ainsi, conformément à notre objectif, nous pouvons désormais soumettre directement cette doctrine administrative au contrôle du Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, et nous allons exercer un recours à cet effet dans les prochains jours. Cela nous permettra d’obtenir rapidement une position juridique claire et définitive sur la procédure qui doit être appliquée aux véhicules volés, plutôt que d’attendre le développement lent et incertain d’une jurisprudence à partir de décisions souvent laconiques et contradictoires des tribunaux de commerce et des cours d’appel.
Les réponses attendues du Conseil d’Etat :
Dans sa future décision, le Conseil d’Etat pourra donner deux sortes de réponses, mais dans chaque cas vous pourrez être gagnants :
- Première réponse : les véhicules retrouvés volés sur la voie publique peuvent être traités comme des véhicules accidentés, en panne ou incendiés. Ils ne sont donc pas soumis à la procédure de « mise en fourrière » définie par l’article R. 325-12 du Code de la route. Cette réponse impliquerait que vous n’êtes pas tenu d’appliquer les tarifs maxima fixés par l’arrêté du 14 novembre 2001 pour l’enlèvement et la garde de ces véhicules. Les assureurs, contraints de vous payer l’intégralité de vos frais de garde selon vos tarifs « libres», seraient sans aucun doute incités à récupérer beaucoup plus rapidement qu’aujourd’hui les véhicules qui vous sont confiés.
- Second type de réponse, inverse : ces véhicules doivent faire l’objet d’une mise en fourrière classique. Or, dans cette hypothèse, vous n’auriez plus à subir des impayés pendant des années à cause de la mauvaise volonté des assureurs. Vous pourriez désormais contourner ce problème en faisant détruire ou vendre ces véhicules via le SIF, et vous seriez indemnisé de vos prestations de la même façon que pour les véhicules abandonnés en fourrière (article R. 325-29 du code de la route).
Mais en attendant que le Conseil d’Etat se prononce sur notre recours (d’ici 8 mois à un an), que pouvez-vous ou devez-vous faire ?
Nos préconisations découlent directement des conséquences de l’application des règles de la fourrière aux véhicules volés que l’administration vous impose à présent.
Conséquences pour les nouveaux véhicules concernés par une garde conservatoire
Conséquence 1 : vous devez appliquer les tarifs maximas de fourrière.
En ce qui concerne les nouvelles opérations d’enlèvement et de garde fondées sur l’alinéa 2 de l’article R. 325-13 du code de la route, et tant que le Conseil d’Etat n’aura pas annulé la note du 18 juin 2024, celles-ci devront être effectuées en parfaite conformité avec les règles de mise en fourrière que ce document enjoint d’appliquer. Vous devrez donc traiter vos prestations exactement comme pour des opérations de fourrière classiques, y compris en matière tarifaire.
Nous attirons votre attention sur le fait que le non-respect de ces règles et le refus d’appliquer les tarifs maxima de fourrière vous exposeraient à des sanctions pouvant aller jusqu’à un retrait d’agrément.
Cependant, si dans quelques mois un arrêt du Conseil d’Etat annulait totalement ou partiellement la note du 18 juin 2024 et avalisait le principe d’application de tarifs « libres », alors vous seriez fondé non seulement à appliquer à nouveau vos tarifs « libres » aux opérations réalisées postérieurement à cet arrêt, mais aussi, en principe, à demander l’indemnisation de votre moins-perçu (correspondant à la différence entre le montant obtenu avec les tarifs de fourrière et celui que vous auriez dû percevoir en appliquant vos tarifs « libres ») pour la période antérieure, sous réserve de pouvoir en justifier.
Conséquence 2 : par précaution vous devez adresser au plus vite au préfet du département et à l’autorité de fourrière (si ce n’est pas le préfet) une LRAR notifiant vos tarifs « libres »
Dans la perspective d’une récupération du moins-perçu, nous vous invitons à adresser dans les meilleurs délais – pour information et « fixation » – aux communes en charge de votre fourrière au sens de l’article R. 325-19 du code de la route et au préfet de votre département un courrier leur notifiant les différents tarifs « libres » que vous pratiquez, avec la mention de ce que vous vous réservez le droit d’ajouter aux tarifs maxima fixés par l’arrêté du 14 novembre 2001 que la note du 18 juin 2024 vous contraint à appliquer un complément financier si ultérieurement le juge administratif confirme qu’en réalité vous pouviez appliquer aux prestations de l’article R. 325-13 vos tarifs « libres ». Un nouveau courrier pourrait ensuite leur être adressé à chaque actualisation de tarifs.
→ Voir dans le Kit pratique, le courrier type à personnaliser
Conséquence 3 : Exigez le respect du process d’une mise en fourrière dans le SIF
Par ailleurs, étant contraint (serait-ce temporairement) d’appliquer la procédure de mise en fourrière classique, vous pourrez valablement refuser les visites d’expertise de véhicules que des assureurs voudraient vous imposer, sauf s’ils consentent par écrit à vous en indemniser selon les tarifs que vous leur indiquerez (par exemple avec une base horaire – toute heure commencée étant due – ou forfaitaire, voire selon un abonnement).
→ Voir dans le Kit pratique, la FAQ sur l’expertise
Conséquence 4 : Faites signer un document de complément de prix de prestation
Enfin, vous pourrez faire signer aux propriétaires ou assureurs venant récupérer les véhicules placés sous votre garde conservatoire un document joint à la facture par lequel ils reconnaissent que si le juge administratif juge ultérieurement que contrairement à ce qu’indique l’administration les tarifs « libres » de la société (autres que ceux, plafonnés, de l’arrêté du 14 novembre 2001) peuvent être appliqués, ils devront payer un complément de prix s’élevant à (x) €. Ainsi, vos factures pourraient être accompagnées d’un document joint permettant au propriétaire du véhicule ou à l’assureur de prendre connaissance de trois montants :
- sur la facture (celle-ci comportant si possible une phrase invitant à prendre connaissance dans le document joint des tarifs publics de l’entreprise susceptibles de s’appliquer suite à une décision attendue du Conseil d’Etat) : le montant calculé selon le tarif « fourrière» ;
- sur le document joint : le montant théoriquement dû en tarif « libre», en visant de façon claire le tarif unitaire des prestations d’enlèvement et de garde journalière applicables ;
- toujours sur le document joint : le complément dû en cas de récupération du moins-perçu (si avez la capacité de le calculer et de le faire figurer sur le document).
Ce document serait daté et signé du propriétaire ou du mandataire de l’assureur, avec l’indication de son identité et de ses coordonnées (et voir ci-dessous, notre conclusion).
Par ce formalisme, vous disposeriez de documents destinés à faciliter vos démarches de recouvrement (y compris forcé), de votre complément de prix par les particuliers et par les assureurs. Et ce n’est qu’en cas d’échec de ce recouvrement que vous pourriez ensuite rechercher la responsabilité de l’Etat (qui serait le principal responsable de votre perte de recettes du fait de la diffusion de sa note erronée du 18 juin 2024).
→ Voir dans le Kit, les mentions types à intégrer dans vos documents
Les véhicules volés en garde conservatoire actuellement dans vos parcs
Enfin, en ce qui concerne les gardes conservatoires en cours, ou déjà en litige :
- Si l’opération fondée sur l’article R. 325-13 du code a déjà été mise en œuvre selon les règles des mises en fourrière (avec un enregistrement dans le SI Fourrière comme « opération de fourrière » aux « tarifs fourrière »), vous avez tout intérêt à suivre les recommandations susvisées (avec : une notification aux administrations des tarifs « libres» que vous appliquez en cas de remise en cause de la note du 18 juin 2024 ; avec la notification aux propriétaires ou assureurs des calculs en tarifs « fourrière » mais aussi en tarifs « libres » ; etc.).
- Si cela n’a pas été le cas, et / ou que vous êtes litige (en phase amiable ou contentieuse) avec un assureur ou un propriétaire sur le paiement de vos prestations fondées sur vos tarifs « libres», vous avez tout intérêt à poursuivre votre action et à attendre que le Conseil d’Etat se prononce sur le droit applicable ; votre seul risque tiendrait à la dépréciation éventuelle de la valeur du véhicule que pourrait invoquer le propriétaire ou l’assureur à votre encontre en cas de confirmation juridictionnelle de la note du 18 juin, mais cet argument ne tiendrait pas pour un véhicule qu’il souhaiterait faire détruire.
Mais alternativement, vous pouvez aussi, pour faciliter la gestion de votre parc et de vos procédures, accepter in fine l’application des tarifs de fourrière, sous réserve de l’application d’un complément en cas de décision juridictionnelle avalisant l’application des tarifs « libres » (voir plus haut).
Notre organisation est à votre entière disposition pour répondre à vos interrogations ou demandes de précisions sur ce sujet.
Nous conclurons en soulignant que vous devez vous garantir des moyens de preuves s’agissant de tous vos échanges et démarches (indifféremment vis-à-vis de l’administration, des propriétaires ou des assureurs). En particulier :
- vos courriers à l’administration notifiant vos tarifs « libres» devront être signés, scannés, puis envoyés en recommandé avec AR (par précaution : scannez ensemble la copie du courrier, l’avis d’envoi et l’avis de réception ; et conservez par ailleurs ces éléments papiers agrafés ensemble dans un dossier matériel dédié) ;
- vos factures appliquant les tarifs de fourrière et le document joint visant les montants théoriquement dus calculés selon les tarifs « libres» ainsi que le moins-perçu récupérable en cas d’invalidation de la note du 18 juin 2024 devront être édités en deux exemplaires destinés à être conservés l’un par le propriétaire / assureur et l’autre par votre société (le second exemplaire du document joint devant être impérativement daté et signé du propriétaire / assureur – ou du mandataire de ce dernier – avec mention de son identité / coordonnées, pour prouver qu’il en a bien eu connaissance).
Nous sommes conscients que la situation actuelle est loin d’être confortable et qu’elle entraînera, même temporairement, un déséquilibre économique dans votre activité. Cependant, nous poursuivons notre action avec détermination et épuiserons toutes les voies de recours possibles pour vous défendre. Nous poursuivons également notre action en faveur d’une révision des tarifs fourrières (majorations de nuit/weekend et révision de la grille tarifaire).