Jamais notre secteur d’activités n’aura connu pareil contexte à la veille d’élections présidentielles majeures. Il faut dire que depuis deux ans nous subissons des crises de différentes natures, crise sanitaire, guerre en Ukraine, crise inflationniste et pénurie d’approvisionnement. Tous les métiers sont sous tension. A cela s’ajoute, la crise climatique qui ne peut être endiguée que par des actions politiques fortes.
Dans ce contexte inédit et rapide, les artisans de l’automobile ont un rôle à jouer. Les politiques publiques en devenir devront s’appuyer sur eux pour réussir cette transition, à condition des les y associer. Deux thèmes revêtent une importance pour l’avenir : la mise en place des ZFE m dont très peu de nos concitoyens connaissent l’existence et l’économie circulaire aujourd’hui menacée par un texte réglementaire inadapté.
Mise en place des ZFE : une nécessaire prise de conscience
Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ont été créées pour protéger les habitants des villes et métropoles où la pollution de l’air est importante. Pour circuler dans une ZFE, la vignette Crit’Air doit être apposée au parebrise. Elle permet de distinguer les véhicules en fonction de leur niveau d’émissions de polluants atmosphériques.
Dans une ZFE, ce sont les collectivités territoriales qui fixent les périodes où la circulation est restreinte, les types de véhicules concernés (voitures, poids lourds, etc) ainsi que le niveau Crit’Air minimum pour pouvoir circuler. Le Législateur lui, à travers l’adoption de la loi du 22 août 2021 dite loi Climat vise à accélérer la transition écologique de la société et de l’économie françaises.
Les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants doivent mettre en place ces ZFE m d’ici le 31 12 24. Cela représente 33 nouvelles ZFE m. De plus, les 10 métropoles qui enregistrent des dépassements réguliers des valeurs limites de qualité de l’air doivent respecter un calendrier d’interdiction.
Calendrier peu connu et parfois plus sévère dans certaines agglomérations
Exemple : Métropole du Grand Paris : interdiction des Crit’Air 3 à compter de 2023 et Crit’Air 2 à compter de 2024
Des impacts majeurs
D’ici 2025 il y aura 45 ZFE m soit plus de 10 millions de véhicules concernés par des restrictions de circulation soit environ 1/3 du parc automobile français. Particuliers et entreprises seront vite confrontés à un choix cornélien : quel véhicule acheté pour éviter ces restrictions tout en ne grevant pas leur budget ou leur déplacement ?
Selon une étude menée par l’Association Eco-entretien dont la FNA est membre :
– 37% des français seulement sont capables de donner une définition correcte d’une ZFE
– 43% sont défavorables au dispositif ZFE
– 8 véhicules sur 10 sont impactés par le dispositif
– 1 véhicule sur 2 impacté par les ZFE ne sera pas remplacé notamment en raison de moyens financiers insuffisants,
– 36% des conducteurs de véhicules exclus par ZFE ne disposent d’aucun budget pour l’achat d’un véhicule Crit’Air 1
Pour les entreprises de proximité, les impacts sont aussi sérieux. Nous prenons l’exemple de tous les professionnels parcourant des km tous les jours avec leur VUL ou les entreprises de dépannage remorquage pour leurs interventions. Ils cumulent :
- Offre de véhicule insuffisante, voire inexistante,
- Aides disponibles insuffisantes, éparpillées sur différents sites rendant leur accès compliqué,
- Rétrofit privilégié pour les véhicules lourds et professionnels non encore démocratisé,
- Capacités d’investissement grevées par des PGE et les crises successives,
- Sans négliger l’impact des livraisons des produits nécessaires à l’activité avec la lourde problématique du dernier kilomètre, peu anticipé dans les ZFE
Face à cela, la FNA déplore le manque d’association des acteurs économiques et de la prise en compte de leurs problématiques.
Les actions de la FNA
La FNA agit auprès des pouvoirs publics à tous les niveaux.
Au national par l’adoption d’un texte au cœur de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (Loi climat). Un décret précisera les modalités de dérogation aux obligations pour des motifs légitimes. Parmi les motifs retenus lors des débats législatifs un usager doit avoir un droit d’accès aux entreprises des services de l’automobile comme les centres de contrôle technique, afin de maintenir son véhicule dans des niveaux d’émission conformes et préserver sa sécurité. Il est en outre précisé que ces motifs de dérogations doivent aussi prévoir les déplacements de l’usager pour des motifs impérieux, ou en cas d’urgence (santé, convocation à un tribunal, etc.).
Au niveau local, une action directe et ciblée en fonction des réalités de chaque ZFE reste le meilleur levier. Nous sommes en mouvement. Nous invitons chacun à se saisir du sujet et rester en alerte. Des enquêtes publiques sont peut-être en cours près de chez vous. Rapprochez-vous de votre FNA de proximité.
Economie Circulaire : vers une crise majeure ?
L’économie circulaire est une réalité pour les artisans automobiles. Depuis des décennies ils proposent des pièces d’occasion à leurs clients, notamment pour réparer des véhicules d’occasion.
Un cadre est venu structurer cette pratique avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui impose aux professionnels de l’automobile (carrossiers, réparateurs) de proposer à leurs clients des pièces issues de l’économie circulaire (PIEC). Cette obligation est applicable depuis le 1er janvier 2017. Ces pièces sont issues des centres de véhicules hors d’usage (VHU) agréés par l’État ou après leur remise en état selon les spécifications du fabricant sous l’appellation échange standard.
En place depuis 2006, la filière REP actuelle des VHU s’est professionnalisée pour répondre à ces objectifs. Filière efficiente, la dernière étude de l’ADEME précise que plus de 1 623 522 VHU ont été déclarés pris en charge par les centres VHU agréés en 2019.
https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5089-automobiles-donnees-2019.html
Un cadre réglementaire en cours de rédaction mortifère
Le ministère de la transition écologique vient de fixer le périmètre de la loi antigaspillage pour une économie circulaire – loi AGEC qui renforce les obligations des producteurs de véhicules. Le futur cadre réglementaire, déterminé sans aucune concertation, menace des entreprises aujourd’hui agréées et l’équilibre financier de toute une filière pourtant aujourd’hui montrée en exemple. A partir du 1er janvier 2024, chaque centre VHU agréé devra nouer un contrat avec un éco-organisme ou des systèmes individuels mis en place par les constructeurs pour leur marque. Sans ce sésame, ils ne pourront pas continuer leur activité de traitement et de recyclage des VHU. La FNA, membre du comité VHU actuel depuis l’origine, a interpellé Barbara Pompili ministre de la transition écologique le 8 avril dernier, demandant au mieux la suspension des travaux, au pire des garanties pour les centres VHU agréés. Deux entretiens ont déjà eu lieu pour obtenir des garanties.
Les dangers
- Un fonctionnement en vase clos, par une sélection restrictive des centres VHU,
- Un nivellement vers le bas, des centres affiliés privés de réel pouvoir de négociation les obligeant à accepter des conditions financières incompatibles avec leur rentabilité,
- Obligation d’assurer gratuitement le transport vers le centre référent de la marque,
- Un déséquilibre financier de la filière par une remise en cause des sources d’approvisionnement des véhicules,
- Disparition des centres agréés indépendants, et une recrue d’essence de la filière illégale du fait de la disparition des agréments,
Les demandes de la FNA
- La suspension des travaux du décret en cours pour laisser le temps au Législateur européen de de réviser la directive européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux VHU, qui encadre la gestion de ces véhicules. Tout est sur la table : des objectifs de revalorisation/recyclage au cadre de fonctionnement (collecte sans frais, surveillance des entreprises …). Modifier le cadre national aujourd’hui fait peser un risque majeur sur des entreprises aux équilibres financiers fragiles.
- La reconnaissance d’un droit au contrat pour tous les centres VHU agréés auprès de l’éco-organisme ou des systèmes individuels, contrat dont les clauses devront être discutées avec les OP représentatives.
- Une disposition autorisant les centres VHU ayant fait l’acquisition d’un véhicule, quelle que soit la marque, de le traiter/valoriser/détruire, sans cela la filière s’écroule,
- La mise en place d’une éco contribution sérieuse pour permettre à l’éco organisme de financer la collecte gratuite, et le traitement des VHU en particulier incomplets.
- Un renforcement des informations de sécurité transmises par le constructeur au centre VHU (motorisation électrique, batteries par exemple) et en langue française.
- Prévoir un taux minimum de traitement des pièces issues de l’économie circulaire,
- Lever les freins à la destruction administrative des véhicules encore trop fréquents et renforcer la traçabilité des véhicules remis aux broyeurs,
La FNA regrette que la volonté initiale du Législateur de lutter contre la filière illégale se transforme en une remise en cause de toute une filière qui a lourdement investi pour se conformer à la réglementation applicable et qui réalise un travail admirable en faveur de l’économie circulaire.