DERRIÈRE LE VOLANT épisode 6: Héraut d’un métier mal-aimé

27 décembre 2024Actualité FNA

DERRIÈRE LE VOLANT épisode 6: Héraut d’un métier mal-aimé

Biberonné à la FNA auprès de son père, Bertrand Billaud, Président de la branche Contrôle technique de la fédération, est un fervent défenseur de sa profession. Une profession dont il porte la voix jusque sous les ors de la République. Une profession à l’image parfois négative qu’il entend redorer. 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai commencé comme mécanicien d’au milieu des années 80. Le contrôle technique alors n’existait pas. Je travaillais dans la concession Mazda de mon père, à La Roche-sur-Yon (85). Dans les années 90, mon père a vendu le garage et moi j’y suis resté en tant que salarié. Je n’avais pas la fibre commerciale et je n’avais aucune envie de vivre les galères que vivaient mes parents avec les exigences financières de la marque pour avoir du stock de voitures. Et puis, en janvier 92, le contrôle technique règlementaire est arrivé en France.

Vous vous êtes tout de suite intéressé au sujet ?

Non, pas du tout ! En revanche mon père, qui avait vendu son garage, a créé la société CATY en juin 96 avec un investisseur. Il s’agissait alors du 15e centre de contrôle technique de Vendée. Nous étions vraiment au tout début du contrôle technique, mais l’activité est partie en flèche.
Mon père était à 3 ou 4 ans de la retraite et m’a proposé de reprendre l’activité. J’avais un peu peur de m’ennuyer dans ce profil technique mais en 1997, j’avais déjà 3 centres. Aujourd’hui, j’en ai 4 dans un rayon de 20 km, et j’ai 12 salariés. Alors évidemment, il a fallu que j’apprenne d’autres métiers (gestion d’une entreprise, du personnel…). Et c’est là que les échanges avec la FNA et avec la Chambre des métiers de l’artisanat, où je suis élu également, sont essentiels.

Vous êtes aujourd’hui Président de la branche contrôle technique de la FNA, mais comment l’histoire a-t-elle débutée entre vous et la fédération ?

Elle a commencé très tôt. Déjà, à 10 ou 12 ans, j’assistais chez moi à des réunions de la FNA départementale à laquelle mon père adhérait. Du coup, la FNA est dans mon ADN de professionnel de l’automobile. En 2017, je faisais partie du bureau présidé par Raymond Minez et notre juriste de branche Emilie Repusseau, et comme je faisais encore beaucoup de contrôles techniques, cela me permettait d’avoir aussi une vision très pragmatique du métier sur le terrain. En mai 2018, il y a eu une très grosse réforme du contrôle technique avec beaucoup de réunions au ministère auxquelles la FNA m’a proposé de participer. Cela m’a permis de comprendre l’importance qu’il y avait, pour faire évoluer nos métiers, à remonter l’info auprès du Ministre, de l’UTAC, de l’OTC, des réseaux qui ne sont pas en relation directe avec le client final, l’automobiliste. Or notre atout à la FNA c’est que dans ces discussions, nous sommes capables de dire quelles vont être les conditions de travail sur le terrain et quelles incidences les décisions prises en haut vont avoir sur notre métier, mais aussi sur le réparateur qui, lui est en bout de chaîne. 

Concrètement justement, de quelles manières la FNA a-t-elle eu un impact sur le contrôle technique au fil des années ?

Je vais vous donner quelques exemples très concrets. Ainsi, à la mise en place du contrôle technique en 1992, si les centres de contrôle technique, en France, sont indépendants à 95 %, c’est parce que mes prédécesseurs à la FNA ont milité auprès des ministères pour que ce soit le cas. Dans les autres pays européens, à l’inverse, le marché du contrôle technique se partage entre 2 investisseurs et de grosses sociétés. Or, c’est une chance pour nous, mais aussi pour les automobilistes, car cela permet d’avoir un maillage de proximité réel, et cela nous oblige à garder un certain niveau de qualité, de service client. Autre exemple : les défauts critiques. En 2018, lors de la modification du contrôle technique et des grandes directives européennes, on nous disait que des points critiques allaient être mis en place, sur les pneumatiques notamment. Concrètement, il était prévu qu’il n’y ait pas de défaut mineur sur le pneu. C’était soit tout blanc, soit tout noir. Et mon statut m’a clairement permis de dire non. Nous nous sommes battus pour que le défaut mineur, qui permet encore au client de rouler, existe. En 30 ans, le métier a évolué mais nous avons notre mot à dire, et il faut qu’on se batte pour être présent. Et la FNA nous permet cela : elle nous permet de porter très haut notre voix, de nous faire entendre. Et des fois, cela paye ! D’autre part, les relations importantes et les échanges avec nos branches métiers, (maintenance, vente, carrosserie, dépannage, station-service) nous permettent d’informer sur les évolutions de la réglementation et d’assurer une meilleure compréhension à l’ensemble de la profession.

Le métier du contrôle technique est en perpétuel mouvement. Quels grands défis vous attendent dans les années à venir ?

Je pense que notre plus gros défi c’est l’évolution des véhicules, avec de nouvelles marques (chinoises, américaines …) qui arrivent sur le marché avec de nouvelles technologies, et l’Europe qui demande aux constructeurs plus de sécurité et moins d’émissions polluantes, tout cela étant géré par de l’électronique embarquée.

Or, la durée d’un contrôle technique ne doit pas excéder ¾ d’heure pour maintenir un tarif abordable. Le rôle du contrôleur est donc de réaliser un contrôle identique sur tous les véhicules en respectant les procédures de contrôle validé par le ministère. Mais l’évolution des véhicules n’est pas toujours anticipée et lors du premier contrôle les contrôleurs techniques sont mis en difficulté pour respecter ces procédures. Par exemple, lorsque les trains arrière des camping-cars ont été élargis pour une meilleure tenue de route, ils ont été homologués sans tenir compte des contraintes de contrôle technique. Or, une fois dans nos centres, ils étaient trop larges pour entrer sur nos bancs de freinage. Il a donc fallu nous débrouiller avant que le ministère ne réagisse… 3 ans plus tard ! 

La multiplication des ADAS, de l’électronique, les évolutions techniques, peuvent donc mettre en difficulté notre métier. Pour faciliter le travail des contrôleurs et s’assurer de pouvoir respecter les procédures, il est important d’anticiper l’arrivée de ces nouveaux véhicules dans nos centres. La FNA a ainsi proposé de réaliser un contrôle technique à l’homologation du véhicule de manière à vérifier que nos appareils de mesure seront bien compatibles avec l’électronique embarquée des véhicules lorsqu’ils arriveront dans nos centres 4 ans plus tard. D’autant que les organismes qui homologuent les véhiculent sont les mêmes que ceux qui homologuent les appareils de contrôle.

Où en sont vos discussions sur le sujet du coup ?
Pour le moment, pas bien loin ! La réponse que nous avons reçu c’est que ce n’est pas au constructeur de s’adapter au contrôle technique, mais c’est au contrôle technique, de s’adapter aux constructeurs… Donc ça c’est vraiment le prochain gros défi de notre métier et de la FNA.

Quel regard portez-vous sur votre métier de contrôleur technique ? 

C’est un métier qui souffre parfois du regard négatif qu’on lui porte. Or, la qualité de notre métier, c’est de conseiller le client, de l’alerter sur les défauts de sa voiture qu’il conviendra de corriger, de l’inviter à se rapprocher de son mécanicien pour que sa voiture soit entretenue correctement. Pour preuve, lorsque le contrôle technique été mis en place en France, tout le monde s’est dit qu’il allait faire disparaitre du parc les anciennes voitures. Puis, lorsque la pollution diesel est arrivée, qu’il allait faire mettre à la poubelle tous nos vieux diesels. Puis en 2018, idem avec les fameux points critiques qui, finalement, ne représentent que 1 % des véhicules qui passent dans nos centres ! Pourtant, à l’époque, toute la presse disait que nous allions empêcher les gens de rouler…Moralité, en 30 ans de contrôle technique, le parc roulant a vieillit de plus de 3 ans ! En fait, au lieu de mettre les vieilles voitures à la casse, nous avons plutôt fait en sorte que les véhicules, contrôlés tous les 2 ans, vieillissent mieux, soient mieux entretenus. Notre but n’est pas que le contrôle technique soit vécu comme une sanction systématique. Sans compter que nous permettons également indirectement à limiter l’accidentologie ou encore à faire baisser les émissions de polluants. Ces rôles là, ils sont intrinsèques au contrôle technique et il s’agit de les valoriser. C’est aussi cela le rôle de la branche FNA.

Quel message avez-vous envie de faire passer à vos adhérents et ceux qui ne le sont pas encore ?
Je dirais qu’il faut être fier de notre métier. Certains craignent presque de dire qu’ils font du contrôle technique. Or, si notre ministère a choisi les centres de contrôle VL pour faire les nouveaux contrôles sur les deux roues, c’est qu’à priori, nous remplissons bien notre mission. D’autant que lors de la mise en place de ce contrôle technique, on nous promettait la guerre avec les motards mais on avait oublié que les contrôleurs et contrôleuses sont d’abord des hommes et des femmes qui peuvent être motards et également passionnés de motos. Finalement, au bout de 6 mois, ils viennent assez naturellement dans les centres. J’ai récemment fait une journée d’information dans mes centres sur le sujet, j’ai accueilli 150 motards… C’est dire si la greffe a pris. Et puis cela a permis de dynamiser la profession.

Hier, l’automobiliste confiait son véhicule à son mécanicien pour le présenter au contrôle technique. Aujourd’hui il vient directement nous voir et nous fait confiance pour avoir un avis sur l’état réglementaire et sécuritaire de son véhicule. Il faut arrêter de se dire que nous sommes juste là pour sanctionner et braquer les gens. Les sanctions, c’est le rôle de la gendarmerie et la police.

J’invite donc tous ceux qui s’intéressent à notre métier et qui veulent mettre leurs expériences techniques et relationnelles client à venir nous rejoindre car la profession a et va avoir besoin de bras dans les années à venir ! Le contrôle technique est un métier de passion et d’épanouissement.