La Commission européenne adopte un nouveau règlement d’exemption par catégorie

16 juin 2022Actualité FNA

La Commission européenne adopte un nouveau règlement d’exemption par catégorie

Le 10 mai 2022, la Commission européenne a adopté son nouveau règlement d’exemption par catégorie des accords verticaux qui est entré en vigueur le 1er juin 2022. Beaucoup d’articles sont parus sur des repositionnements des constructeurs, sur l’avenir des contrats des agents … La FNA revient sur ce texte et appelle votre vigilance.

De quoi parle t-on ?

Pour satisfaire au mieux leurs clients, des entreprises vont s’affronter sur un marché donné soit par les prix, soit par des innovations, de la qualité, des services associés … Dans l’Union européenne, le principe d’interdiction des ententes anticoncurrentielles peut être exempté si certaines conditions sont réunies. C’est précisément le rôle du règlement d’exemption qui a permis au fil du temps aux constructeur de construire leur réseau de distribution des véhicules.

Des règlements d’exemption qui évoluent avec le temps et la société

Le règlement 330/2010 du 20 avril 2010 qui est arrivé à échéance n’était plus en phase avec les nouvelles formes de commerce d’aujourd’hui. Le règlement qui vient d’être publié au journal officiel, réajuste le cadre et fournit des règles plus claires pour le développement du commerce en ligne ou l’arrivée, dans ces schémas de distribution, de nouveaux acteurs comme les plateformes en ligne. De fait, les constructeurs vont devoir mettre à jour tout leur contrats et stratégie de distribution des véhicules avant le 31 mai 2023.

Les réseaux de distribution mieux encadrés

  • Ventes actives dans les réseaux de distribution exclusive et sélective

Dans les réseaux de distribution exclusive, le fournisseur (constructeur) confie à un distributeur (concessionnaire/agent) l’exclusivité de la distribution de son produit. Cette exclusivité est souvent associée à une limitation territoriale ou de clientèle. Le nouveau règlement introduit la possibilité d’une exclusivité partagée, qui permet à un fournisseur de désigner un maximum de cinq distributeurs par territoire exclusif ou groupe de clients.

Dans les réseaux de distribution sélective, le fournisseur (constructeur) sélectionne les distributeurs (concessionnaires / agents) qui auront le droit de commercialiser ses produits. Cette sélection se fait selon des critères objectifs qualitatifs définis et de manière non discriminatoire. En contrepartie, les distributeurs s’engagent à ne pas vendre à des distributeurs non agréés. C’est souvent le modèle choisi par les constructeurs aujourd’hui.Le nouveau règlement renforce la protection de ces réseaux : un constructeur pourra désormais interdire aux acheteurs et à leurs clients de vendre à des distributeurs non agréés situés sur un territoire où le fournisseur exploite un système de distribution sélective, que ces acheteurs et clients soient eux-mêmes situés à l’intérieur ou à l’extérieur de ce territoire. On vise ici par exemple certaines pratiques de sociétés de location.

  • Les ventes passives sur Internet

Le règlement tient compte des jurisprudences de la Cour de justice de l’UE. Si vous exploitez un site Internet, en principe ce sont des ventes passives. Si la langue utilisée n’est pas celle de votre territoire, mais une autre où un autre distributeur intervient, alors cela pourra être considéré comme de la vente active. En revanche, un fournisseur pourra vous imposer des normes de qualité pour la publicité en ligne ou un certain contenu.

Les nouvelles formes de ventes en lignes mieux encadrées

  • Encadrement de la double distribution

On parle d’une double distribution lorsqu’un fournisseur (un constructeur) vend ses biens (ou services) par l’intermédiaire de distributeurs indépendants (concessionnaires /agents) mais aussi directement aux clients finaux, sur un site internet par exemple. Pour éviter qu’il n’exerce trop de pression sur son réseau ou qu’il fausse la concurrence y compris de ses propres distributeurs, le règlement exclut de l’exemption des échanges d’informations entre lui et ses distributeurs qui, soit ne sont pas directement liés à la mise en œuvre de l’accord vertical (ici contrat entre le constructeur et son réseau), soit ne sont pas nécessaires pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services contractuels.

Exemple : on tolérera par exemple les retours d’expérience utilisateurs pour rectifier les défauts.

  • Plateforme en ligne hybride ne bénéficie pas de l’exemption par catégorie

Les services d’intermédiation en ligne ont pris une importance considérable dans les échanges commerciaux mondiaux. Rien qu’en Europe, 42% des PME auraient recours à des « marketplaces » pour commercialiser leurs produits et leurs services. Dans ce règlement, un constructeur qui mettrait en place une fourniture de services d’intermédiation en ligne– une plateforme –  pour son réseau et en plus y vendrait en direct ses propres véhicules, ne peut pas bénéficier de l’exemption.

  • Les obligations de parité ou clauses de la nation la plus favorisée

Le règlement supprime le bénéfice de l’exemption si le fournisseur impose des obligations qui viendraient contraindre son distributeur de vendre ses produits à des conditions identiques ou voire meilleures que celles offertes sur d’autres plateformes par exemple.

  • Assouplissement des règles encadrant les ventes en lignes et ventes en magasins des mêmes produits

La Commission exempte désormais les doubles affichage des prix permettant de facturer au même distributeur un prix de gros plus élevé pour les produits destinés à être vendus en ligne que pour les produits destinés à être vendus hors ligne. Il en va de même pour les critères imposés pour les ventes sur site qu’en ligne. Par cette différenciation, non permise avant, la Commission reconnait qu’il n’y a plus besoin de protéger davantage le commerce en ligne. Bien entendu, la différence de coûts doit se justifier.

Et le contrat d’agence dans tout cela ?

Attention, nous n’évoquons pas ici les contrats d’agence entre un concessionnaire et ses agents qui relèvent actuellement de ce qui est défini plus haut. Mais, du contrat d’agence au sens du droit communautaire et pour lequel certains réseaux commencent à réfléchir du fait de la hausse de la vente en ligne mais aussi par la reprise en main du mode de distribution.

Les contrats d’agence n’entrent pas dans le périmètre du droit de la concurrence de l’Union européenne. Ils ne sont donc pas concernés par le règlement d’exemption. Pour être qualifié de contrat d’agence, les lignes directrices sont précises. L’agent ne supporte pas de risques financiers ou commerciaux significatifs en relation avec les contrats conclus ou négociés pour le compte de son mandant (pour notre secteur le constructeur). Il existe trois types de risques financiers ou commerciaux qui sont déterminants pour qualifier un accord de contrat d’agence :

  • les risques spécifiques au contrat, qui sont directement liés aux contrats conclus et/ou négociés par l’agent pour le compte du mandant, tels que le financement des stock,
  • les risques liés aux investissements spécifiques au marché lesquels sont généralement irrécupérables,
  • les risques liés à d’autres activités exercées sur le même marché de produits, dans la mesure où le mandant exige que l’agent entreprenne ces activités non pas en tant qu’agent pour le compte du mandant, mais aux risques et périls de l’agent.

À la lumière de ce qui précède, un accord sera généralement classé comme un accord d’agence  lorsque toutes les conditions suivantes s’appliquent :

  1. l’agent n’acquiert pas la propriété des biens achetés ou vendus et ne fournit pas lui-même les services achetés ou vendus
  2. l’agent ne contribue pas aux frais liés à la fourniture ou à l’achat des biens ou services contractuels, y compris les frais de transport des biens.
  3. l’agent ne conserve pas à ses propres frais ou risques des stocks de marchandises contractuelles, y compris le coût de financement du stock et le coût du stock perdu. L’agent doit pouvoir restituer sans frais les invendus au donneur d’ordre, sauf si l’agent est en faute.
  4. l’agent n’assume pas la responsabilité de l’inexécution du contrat par les clients, à l’exception de la perte de la commission de l’agent, sauf si l’agent est en faute,
  5. l’agent n’assume aucune responsabilité envers les clients ou d’autres tiers pour les pertes ou dommages résultant de la fourniture des biens ou services contractuels,
  6. l’agent n’est pas obligé, directement ou indirectement, d’investir dans la promotion des ventes,
  7. l’agent n’effectue pas d’investissements spécifiques au marché dans les équipements, les locaux, la formation du personnel ou la publicité, tels que le réservoir de stockage d’essence dans le cas de la vente au détail d’essence,
  8. l’agent n’entreprend pas d’autres activités au sein du même marché de produits requises par le commettant dans le cadre de la relation d’agence (par exemple, la livraison des biens), à moins que ces activités ne soient entièrement remboursées par le commettant.

La Commission donne des conseils sur le choix du contrat d’agence. Il reste relativement contraignant. Au vue de ces précisions, les réseaux constructeurs devraient prendre en charge une part conséquente des investissements de ses « agents ». Il reste à voir quelle stratégie sera menée.