Le renforcement du DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) et la loi santé au travail

La loi du 2 aout 2021, dont le lancement est effectif depuis le 31 mars 2022, fait de la prévention des risques en entreprise une priorité, notamment au travers du document unique d’évaluation des risques professionnels, (nouvel article L 4121-361 du code du Travail).

Les changements liés au DUERP ne sont pas finis, le CESE (le conseil économique, social et environnemental) a rendu un avis fin avril 2023 dans lequel il a proposé de conditionner le versement de certaines aides publiques aux employeurs au respect des dispositions légales sur le DUERP.

Le 6 décembre 2023, c’est l’IGAS qui rendait son rapport, renforçant une fois de plus les obligations des employeurs. 

Dans l’attente de prochains décrets ou décisions, faisons le point au fil de l’eau, sur certaines mesures (en rouge dans la note).

Pour rappel, depuis 2004, les employeurs doivent rédiger et mettre à jour un DUERP, quel que soit l’effectif de l’entreprise (même pour 1 stagiaire). Force est de constater, que peu d’entreprise ont rédigé un DUERP ou si il existe, il s’agit souvent d’une ébauche non finalisée.

En cas d’accident, le DUERP est souvent le premier document réclamé par la DREETS. En tant qu’employeur, vous êtes tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de vos salariés.

C’est grâce à la mise en place du DUERP que vous pouvez « identifier, évaluer et prévenir » les risques professionnels dans votre entreprise.

Notez que l’absence d’inscription des risques professionnels dans le DUERP vous expose à une amende allant de 1 500 € (personne physique) à 7 500 € (personne morale), et que l’absence de DUERP peut être pénalement sanctionnée en cas d’accidents les plus graves.

ATTENTION : depuis le 31 mars 2022, le DUERP devient un acteur de la démarche de prévention des risques, il faut absolument en rédiger un et l’actualiser dès que nécessaire.

Si vous en avez un, notez que son contenu, sa conservation, son actualisation et sa dématérialisation ont été modifiés.

Son contenu

Jusqu’à présent, vous deviez évaluer les risques pour la santé et la sécurité des salariés. Depuis le 31 mars 2022, il faut assurer la traçabilité collective des expositions.

A ce catalogue, s’ajoute l’évaluation des risques liées à l’organisation du travail, cela peut concerner, les risques psychosociaux, l’organisation du télétravail, les risques chimiques… (article L.4121-3 du Code du travail).

Les résultats de l’évaluation des risques vont déboucher sur des obligations différentes selon la taille de votre entreprise.

  • Vous êtes une entreprise de moins de 50 salariés : il faudra définir des actions de prévention des risques et protection des salariés, dont la liste sera consignée dans le DUER, y compris en cas de mise à jour ;
  • Vous êtes une entreprise d’au moins 50 salariés : il faudra mettre en place un programme annuel consistant en un plan d’actions concrètes dans le cadre d’un calendrier défini.
  • Le décret n° 2022-395 (Jo du 20 mars) modifie les modalités relatives à l’évaluation des risques chimiques à l’article R4412-6 du Code du travail et précise que, pour son évaluation des risques, l’employeur doit prendre en compte, en cas d’exposition simultanée ou successive à plusieurs agents chimiques, les effets combinés de l’ensemble de ces agents.

Sa mise à jour

Le décret n° 2022-395 (Jo du 20 mars), supprime l’obligation de mise jour annuelle du DUERP, pour les entreprises de moins de 11 salariés, cela ne vous dédouane pas de le mettre à jour dès que vous avez identifié un risque et mis en places les mesures de préventions nécessaires. 

Cependant, toutes les entreprises (dès 1 salarié) doivent actualiser le DUERP, lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, ou lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

Reste à identifier le type de décisions dont le décret fait état.

Il faut systématiquement transmettre le document au service de santé et prévention au travail (médecine du travail) auquel vous êtes adhérent, à chaque mise à jour.

Traçabilité et conservation du document

Auparavant, il fallait faire une mise à jour annuelle sans se poser la question de savoir si vous pouviez écraser ou non les versions successives du document.

Depuis le 31 mars 2022, il faut conserver le document dans sa version initiale et ses versions successives, pour une durée minimale de 40 ans, sur version papier ou dématérialisée.

Au 1er juillet 2023, pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 150 salariés et dès le 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 50 salariés, la conservation devait se faire sur un portail numérique déployé et administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs.

A ce jour, le dépôt dématérialisé n’est pas opérationnel. Suite à une question écrite sénatoriale, le Ministre du travail en date du 30 novembre 2023 a répondu que le dépôt dématérialisé ne sera pas mis en œuvre immédiatement et que de nouvelles concertations sur le sujet son lancées, en lien avec le rapport rendu le 6 décembre 2023,  par l’IGAS – Inspection générale des affaires sociales. 

 Le rapport préconise les recommandations suivantes :

  • Une volonté de revenir à un logique de simple mise à disposition du DUERP au profit des salariés et anciens salariés, qui pourrait prendre différentes formes selon la catégorie de travailleurs ;
  • Pour les salariés toujours dans l’entreprise : mise à disposition directe par l’employeur du DUERP en vigueur et des différentes versions couvrant la période d’activité ;
  • Pour les anciens salariés dont l’entreprise a définitivement cessé son activité : transmission du DUERP par le biais du dossier médical en santé au travail – DMST auquel les salariés ont accès auprès du service de prévention et de santé au travail dont ils dépendent – SPST ;
  • Pour anciens salariés dont l’activité de l’entreprise est poursuivie : ils bénéficieraient d’une mise à disposition du DUERP via le DMST ou une mise à disposition directe par l’employeur ;
  • Information via un téléservice de la liste des SPST agréés pour donner l’accès au DMST au salarié ;
  • Exit le portail numérique national ? l’IGAS fait ressortir : des obstacles techniques, un coût conséquent, un risque d’atteinte au secret des affaires via la divulgation d’informations sensibles liés à la mise en place du portail ;

Le rapport préconise également un renforcement des obligations des employeurs 

  • Etendre l’accès aux salariés de l’entreprise à l’ensemble des versions du DUERP correspondant à leur période d’activité et non aux seuls éléments afférents à l’activité du demandeur comme c’est le cas actuellement ;
  • Principe selon lequel l’employeur doit préserver les secrets légaux et protéger la sécurité publique et celle des personnes lorsqu’il tient un DUERP à la disposition d’un ancien salarié.

Création d’une amende administrative 

  • Actuellement, alors que seule une sanction pénale est prévue, l’IGAS propose la mise en place d’une amende administrative si l’employeur ne respecte pas les obligations créées par la loi santé au travail : transmission des mises à jour ; conservation du document pendant 40 ans , mise à disposition pour les anciens salariés ….

Dans les faits, le DREETS, sur proposition de l’inspection du travail, pourrait prononcer une amende administrative d’un montant maximal de 4 000 euros par salarié concerné par le manquement.

Dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, l’IGAS envisage d’inclure les informations relatives au modalités de mise en œuvre des  obligations employeurs, dans le rapport annuel écrit relatif à la santé, sécurité et conditions de travail rédigé par l’employeur pour mise à disposition auprès du CSE.

Dernière proposition de l’IGAS 

Modifier la définition du DUERP qui assurerait la traçabilité collective des risques professionnels et non la traçabilité collective des expositions aux risques professionnels.

Nous ne savons pas à ce jour, si le Ministère du travail fera droit aux propositions de l’IGAS.

Dans cette attente, prenez ces différentes mesures très au sérieux et n’attendez pas le dernier moment pour vous mettre en phase avec la loi santé au travail et les préconisations de l’IGAS si elles sont retenues.

Nous ne pouvons que vous recommander :

  • De mettre en place un DUERP au sein de votre entreprise et de le mettre à jour ;
  • D’afficher clairement où le document peut être consulté ;
  • Conserver les versions successives du document sous format papier ou dématérialisé et les tenir à disposition en cas de contrôle (ne laisser pas le document dans les mains de votre cabinet comptable cela ne servira à rien en cas de contrôle de l’inspection du travail) ; 
  • De le transmettre à votre service de santé au travail à chaque mise à jour.

La mise à disposition du document

Le document sera tenu à la disposition de plusieurs acteurs (certains sont nouveaux) :

  • Les salariés pour les versions à compter de leur entrée dans l’entreprise ;
  • Les anciens salariés pour les périodes durant lesquelles ils ont travaillé dans l’entreprise ;
  • Les membres du comité social et économique ;
  • Le service de prévention et de santé au travail dans son ensemble et pas que le médecin du travail ;
  • L’inspection du travail ;
  • Les agents du service de prévention des organismes de sécurité sociale ;
  • Les agents des organismes professionnels de santé, sécurité et des conditions de travail des branches d’activité présentant des risques particuliers des inspecteurs de la radioprotection

Le DUERP et les représentants du personnel

Les membres du comité social et économique doivent être informés et consultés sur le DUER et sur ses mises à jour, donc, sur le programme annuel de prévention. Le C.S.E devient étroitement associé à l’élaboration du document.

Aide et accompagnement dans la rédaction et le suivi du document

Pour vous aider dans la rédaction et la gestion de votre document, vous pouvez vous renseigner auprès de différents acteurs qui travaillent sur un outil respectant les obligations de la loi santé au travail :

  • Votre médecin du travail ;
  • Votre groupement Fna : utilisation de leur propre outil ou de l’outil OIRA gratuit de l’INRS ;
  • IRP Auto : Attention le service devient payant au 1er avril 2022.
  • Depuis octobre 2022, l’Assurance Maladie met en ligne un outil d’évaluation des risques professionnels dédié aux entreprises de moins de 50 salariés, gratuit et anonyme. DUER 

Rubrique : commerces et services – commerces et réparation automobiles, poids lourds

  • L’INRS vient d’éditer une nouvelle brochure en 2023 d’aide au repérage des risques professionnels dans les PME-PMI. Pour la consulter : Brochure INRS prévention des risques
  • L’état met en ligne une campagne de communication sur la prévention et la sécurité au travail :  Campagne prévention

ATTENTION : la loi est entrée en vigueur le 31 mars 2022, mais plusieurs mesures doivent être précisées par décret toujours en attente à ce jour.