Responsabilité pénale de l’employeur

Santé et Sécurité des salariés :

l’employeur est responsable

 

L’absence, l’insuffisance, la non mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) et de la formation à la sécurité des salariés entraînent automatiquement la faute inexcusable de l’employeur en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, soit à la demande de la caisse d’assurance maladie, soit à la demande du salarié ou des ayants droit.

Même en l’absence d’accident du travail, ces lacunes suffisent aujourd’hui à faire condamner un employeur.

Infraction, délit, contravention

 

Les infractions sont constatées par les inspecteurs du travail ou les officiers de police judiciaire. La responsabilité pénale est reconnue par les juridictions répressives : tribunal correctionnel, Cour d’assises ou chambre criminelle de la Cour de cassation.

En matière de santé et sécurité, la responsabilité du chef d’entreprise (et/ou  des salariés qui ont concouru aux dommages) pourra être recherchée, de même que la responsabilité de l’entreprise.

Article 222-19 du code pénal :
« Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.».

Homicide involontaire

 

Dans un arrêt du 3 janvier 2006, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’une société à 15000 euros d’amende pour homicide involontaire. Cette responsabilité découle du fait que le président de la société ou son délégataire n’a pas accompli toutes les diligences normales pour faire respecter les prescriptions qui s’imposaient à la personne morale dans le domaine de la maintenance des éléments de l’appareil de levage susceptibles de se détériorer par leur usage et de créer une situation dangereuse (Cour de cassation, Chambre criminelle, pourvoi n° 05-81876).

 

   L’employeur qui n’a pas réalisé un Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER) conforme
ou une mise à jour au moins annuelle doit payer des dommages et intérêts à chacun de ses salariés !

La Cour de cassation vient de préciser que l’obligation de DUER n’est pas subordonnée à l’existence d’un risque particulier pour l’entreprise, et que les salariés peuvent demander une indemnisation au titre du non-respect patronal de cette obligation ! (Cour de cassation chambre sociale du 8 juillet 2014, pourvois n° 13-15470 et 13-15474)

L’employeur a tort même si le salarié a commis une faute

 

En cas d’accident de travail, la responsabilité de l’employeur reste engagée même si la victime a elle-même commis une faute.

Un ouvrier du bâtiment qui déchargeait du matériel sur un chantier tombe de 2 mètres de haut. Il n’a pas tenu compte des avertissements de son collègue le prévenant qu’il risquait de tomber parce qu’il était mal positionné. Cet ouvrier a demandé aux juges que soit reconnue la faute inexcusable de l’employeur pour obtenir une indemnité supplémentaire.

La Cour de cassation a retenu la faute inexcusable de l’employeur, rappelant que l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Il commet une faute inexcusable s’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cour de cassation, 2e chambre civile, arrêt n° 08-15944 du 11 juin 2009).

Actions de prévention contre le risque pénal

 

Le Document Unique de Prévention des Risques est LE document référence demandé par le juge en cas de poursuites suite à un accident du travail. L’absence du Document ou une rédaction incomplète représentent les motifs les plus sérieux pour une qualification en circonstance aggravante ou en faute inexcusable de l’employeur. Outil de prévention des risques professionnels, le Document Unique est donc aussi un élément de protection juridique.

 

Obligation de formation à la sécurité

La formation et l’information des salariés sont une obligation du chef d’entreprise en matière de prévention des risques professionnels. Elles concernent tous les salariés, y compris les nouveaux embauchés, les intérimaires, les sous-traitants, ceux qui viennent de changer de poste, ceux qui interviennent de façon occasionnelle dans les activités d’entretien ou de maintenance. Elles ont pour but de faire connaître aux salariés les machines qu’ils devront manipuler, les risques liés à l’utilisation de ces outils et les précautions à prendre pour assurer leur propre sécurité et, le cas échéant, celle des autres personnes occupées dans l’entreprise. Les salariés doivent suivre ces formations et respecter les consignes qui leur sont transmises.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’une société pour avoir causé la mort d’un salarié par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité de résultat imposée par la loi ou le règlement.

Le salarié avait été mortellement blessé alors qu’il manœuvrait une nacelle autoportée, mise à sa disposition sans aucune démonstration de fonctionnement.

 

L’omission de respecter la notice d’utilisation de la nacelle qui prescrivait la présence de deux opérateurs formés avait amené la cour d’appel de Metz à condamner la société pour homicide involontaire, en précisant que la victime n’avait pas bénéficié de sa formation qui lui aurait permis de se rendre compte du danger (Cour de Cassation, Chambre criminelle du 15 janvier 2008, pourvoi n° 07-80800).

 

⮲ Etablissez et conservez des preuves de la réalisation des actions de formation : feuilles de présence, supports pédagogiques, notes de service, programmes clairement établis, etc. 

 

Si la faute inexcusable est reconnue, l’employeur est responsable sur son patrimoine et doit rembourser à la caisse les indemnités complémentaires allouées à la victime. L’évolution de la jurisprudence entraîne une reconnaissance accrue de la faute inexcusable. Les sommes versées par les entreprises deviennent exorbitantes. C’est pourquoi le document unique, le plan de prévention et la formation à la sécurité des salariés doivent être réalisés de façon prioritaire.