La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans le secteur automobile

La loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic introduit dans son article 4 de nouvelles professions assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT).

 

A compter du 10 juillet 2027, les personnes se livrant à titre habituel et principal à la vente ou à la location de véhicules automobiles, à l’exception des constructeurs et des importateurs de véhicules automobiles commercialisés auprès d’un distributeur ou d’un concessionnaire, seront soumises aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, lorsque le prix de vente, de revente ou de location du véhicule est supérieur à un seuil (article L. 561-2, 10°bis du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à compter du 10/07/2027).

 

Nous vous présentons dans cette note les nouvelles obligations mises à la charge des professionnels la vente ou à la location de véhicules automobiles dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, à savoir :

  • des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle
  • une obligation de déclaration et d’information auprès des agents de la cellule de renseignement financier nationale

 

Les modalités d’application des mesures seront prochainement précisées par décret.

 

Définitions :

 

Le blanchiment des capitaux : le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, ainsi que le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit (articles 324-1 et suivants du code pénal).

 

Le financement du terrorisme : le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme, indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte (article 421-2-1 du code pénal).

Les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle

A compter du 10 juillet 2027, le vendeur et loueur automobiles seront soumis à une obligation de vigilance à l’égard de la clientèle lorsque le montant de l’opération est supérieur à un certain seuil (décret en attente de parution).

 

  • Comment identifier et évaluer les risques en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ?

Les dispositions légales et règlementaires imposent au professionnel de formaliser dans un document une évaluation des risques. Ces risques doivent être classés, selon les critères prescrits par les textes, en fonction :

  • de la nature de l’activité,
  • de sa situation géographique,
  • des caractéristiques de sa clientèle,
  • de la nature des opérations
  • des conditions des transactions,

Un tel document doit être assorti de procédures internes formalisées permettant la mise en œuvre d’une vigilance adaptée au profil du client et à la relation d’affaires.

Pour les groupes de sociétés dont la société mère est domiciliée en France, un dispositif d’identification et d’évaluation des risques existant au niveau du groupe ainsi qu’une politique adaptée, définis par celle-ci doit être appliqué dans chacune des filiales.

Les mesures de vigilance à mettre en place s’appliquent à l’égard de la clientèle en relation d’affaires et on distingue :

– les mesures de vigilance simplifiées (articles L. 561-9 et R. 561-14 et suivants du CMF) lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme parait faible (notamment en fonction du montant de l’opération, du profil du client, de la durée de la relation d’affaires)

– les mesures de vigilance au regard des risques plus élevés (articles L. 561-10  et R. 561-18 et suivants du CMF).

 

  • Qu’est-ce qu’une relation d’affaires au sens de la règlementation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (dit « LCB-FT ») ?

La relation d’affaires s’entend de la relation professionnelle ou commerciale avec un client et qui s’inscrit dans une certaine durée.

La relation d’affaires peut être prévue par un contrat prévoyant que plusieurs opérations successives seront réalisées entre le professionnel et le client ou créant des obligations continues pour la réalisation de plusieurs opérations ou d’une opération présentant un caractère continu. A contrario, le « client occasionnel » s’entend de toute personne qui s’adresse au professionnel pour la réalisation d’une opération isolée (articles R. 561-10 et suivants du CMF).

 

Exemples :

♦ un particulier ou une société loue tous les trimestres pendant un an, une flotte de véhicules auprès d’une société de location de véhicules → il peut s’agir d’une relation d’affaires inscrite dans la durée.

 

♦ un particulier ou une société loue un véhicule ponctuellement pour une durée d’un mois → il ne s’agit pas d’une relation d’affaires au sens de la règlementation LCB-FT.

 

Les obligations de vigilance avant d’entrer en relation d’affaires :

 

Avant d’entrer en relation d’affaire avec le client, ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction, il faut :

 

1) Recueillir les informations relatives à l’objet et à la nature de cette relation :

◊ Identifier le client ou le cas échéant, le bénéficiaire effectif

Le terme « bénéficiaire effectif » désigne la personne associée ou actionnaire qui détient directement ou indirectement plus de 25% des droits de vote ou du capital de la société et elle exerce un pouvoir de contrôle sur celle-ci (articles L. 561-2-2 et R. 561-3 du CMF).

 

◊ Vérifier les éléments d’identification sur présentation de tout justificatif

Cela suppose de recueillir tout document comportant au moins des éléments de nature à confirmer l’identité du client ou son représentant légal (ou bénéficiaire effectif)  : carte d’identité, passeport, permis de conduire, etc.

 

2) Identifier et vérifier dans les mêmes conditions l’identité des clients occasionnels et, le cas échéant, de leurs bénéficiaires effectifs, lorsqu’il est possible de soupçonner qu’une opération pourrait participer au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme ou lorsque les opérations sont d’une certaine nature ou dépassent un certain montant.

 

Qu’est-ce qu’un soupçon  au sens de la règlementation LCB-FT ?  Il s’agit d’un doute qui conduit le professionnel à s’interroger sur la licéité de l’origine des sommes ou sur la licéité de l’utilisation qui serait faite des sommes engagées.

 

Lorsque le risque est faible, le professionnel soumis aux obligations de vigilance, doit être en mesure de le justifier auprès de l’autorité de contrôle.

 

Les obligations de vigilance au cours de la relation d’affaires :

 

Pendant toute la durée de la relation d’affaires, le professionnel doit exercer une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées, notamment en veillant à mettre à jour les données sur la clientèle et la nature des opérations.

L’obligation de déclaration et d’information aux agents de la cellule de renseignement financier nationale (TRACFIN)

L’agence gouvernementale « TRACFIN » est un service de renseignement français, chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent et rattaché au ministère de l’Économie et des Finances.

A compter du 10 juillet 2027, le vendeur ou loueur de véhicules automobiles seront tenus de déclarer au service TRACFIN (article L. 561-15 et suivants du CMF) :

 

  • Les sommes ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme;

 

  • les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini à  l’article D561-32-1, II du CMF.

 

La déclaration est effectuée au moyen d’un formulaire et revêt un caractère strictement confidentielle (articles L. 561-18 et R. 561-31 du CMF).

Autorité de  contrôle et sanctions

Le contrôle du respect des obligations prévues en matière de LCB-FT est assuré par les institutions listées à l’article L. 561-36 du CMF.

La Commission nationale des sanctions (CNS), instituée par la loi auprès du ministre de l’économie, est une institution indépendante chargée de sanctionner les manquements commis par certains professionnels en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Cette institution peut prononcer l’une des sanctions administratives suivantes (article L. 561-40 du CMF) :

1° L’avertissement ;

2° Le blâme ;

3° L’interdiction temporaire d’exercice de l’activité ou d’exercice de responsabilités dirigeantes au sein d’une personne morale exerçant cette activité pour une durée n’excédant pas cinq ans ;

4° Le retrait d’agrément ou de la carte professionnelle.