En tant que professionnel, vous vendez quotidiennement des biens, des services à des acheteurs eux-mêmes professionnels ou consommateurs. En cas d’apparition d’un problème de fonctionnement, différentes garanties peuvent être invoquées par le client. Que couvrent- elles ? Comment les faire appliquer ? Que risquez-vous ?
Schématiquement, la loi impose au vendeur professionnel deux obligations de garantie :
- La garantie légale de conformité (articles L. 217-1 et suivant du code de la consommation)
- La garantie des vices cachés (articles 1641 et suivants du code civil).
A ces deux garanties légales, nous ajouterons une autre obligation incombant à tout vendeur à savoir l’obligation de délivrance conforme (article 1604 du code civil).
Le vendeur professionnel ne peut s’y soustraire.
A côté de ces deux garanties légales, il existe une garantie commerciale facultative que le vendeur/fabricant/constructeur peut proposer à ses clients. Attention, l’acheteur bénéficie toujours des garanties légales. La garantie commerciale ne se substitue nullement aux garanties légales.
Pour consulter la synthèse des différentes garanties applicables, cliquez sur ce lien.
Qu’est-ce que la Garantie Légale des Vices Cachés ?
En vertu de l’article 1641 du Code civil, le vendeur doit donner à l’acheteur la chose qui a été exactement convenue dans le contrat. Il est responsable des vices cachés de la chose vendue la rendant impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait.
Cette garantie s’applique que le véhicule soit neuf ou d’occasion et quel que soit le vendeur professionnel ou particulier. L’acheteur peut intenter son action aussi bien contre le vendeur que contre le fabricant.
Cas particuliers : Ventes Judiciaires : L’achat est effectué aux risques et périls de l’acquéreur à l’exception du sous acquéreur à qui on a reconnu une action possible conte le fabricant (Cass.civ.1ère, 3 mars 1992) Ventes aux enchères volontaires (eBay, etc. …): Ce sont les règles du droit commun qui s’appliquent. Le crédit Bailleur ; mandataires automobiles transparents : N’ayant pas la qualité de vendeur, ils n’y sont pas tenus. Le dépôt vente : Agissant en tant que simple intermédiaire à la vente comme c’est souvent le cas pour les négociants en véhicules d’occasion, ils ne sont en principe pas tenus à l’obligation de garantie légale. Les juges ont parfois reconnu la qualité de vendeur à un intermédiaire sur le marché de l’occasion en se fondant sur la théorie de l’apparence. CA Reims, 1ère Civ, 9 juillet 2007 : Lorsque la qualité de simple dépositaire (l’intermédiaire) ainsi que l’identité du véritable propriétaire sont révélées à l’acheteur, même si le dépositaire a émis une facture, c’est contre le propriétaire déposant que l’action doit être dirigée. Dans le même sens : Cass.Civ. 1ère, 5 février 2009 : Un dépositaire (l’intermédiaire) n’a pas été considéré comme vendeur dans une espèce où le certificat de cession avait été signé par le déposant (vendeur). Tout défaut ne constitue pas pour autant un vice caché. Dans le secteur de l’automobile, la jurisprudence est très dense. En tant que professionnel (ou assimilé), spécialiste en votre domaine, vous êtes réputés connaître tous les vices pouvant affecter le bien vendu. Les juges apprécient néanmoins au cas par cas les litiges qui leur sont soumis. Un véhicule d’occasion ancien au kilométrage important n’est pas comparable à un véhicule neuf. Les juges apprécient la qualité du vendeur et de l’acheteur. Ex : Un garagiste achète un véhicule à un particulier et le revend. Le nouvel acheteur intente une action contre lui, le circuit électrique présentant un vice caché. Le garagiste avait les compétences nécessaires pour le déceler. La vente est annulée CA Chambéry, 28 février 2006. |
Définition d’un vice caché
Pour être qualifié de vice caché, le défaut doit répondre aux conditions de l’article 1641 du code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Pour introduire une action en résolution (annulation) de la vente (action rédhibitoire) ou une action en réduction du prix (action estimatoire), l’acheteur doit démontrer la réunion de 3 conditions. Il doit être caché, antérieur à la vente et suffisamment important.
- Un défaut antérieur à la vente
Le défaut doit exister au moment de la vente au moins en germe. L’acheteur doit cependant le prouver au moyen d’une expertise. Si le défaut est postérieur à la vente, l’acheteur ne pourra pas se prévaloir de la garantie des vices cachés.
Exemple : Défauts liés à l’usure, à un défaut d’entretien par l’acheteur.
Le recours à une expertise technique :
Seul un expert en automobile (amiable ou judiciaire), pourra déterminer si le vice existait au moment de la vente. Le processus de dégradation des composants d’un véhicule peut être difficile à démontrer. L’expert recherchera au mieux à dater la survenance du désordre sinon veillera à « replacer ses effets dans une chronologie suffisante pour en tirer des conséquences de droit ».
L’expert peut avoir recours à des laboratoires spécialisés pour l’aider dans sa tâche.
Il reviendra aux tribunaux, au besoin en se fondant sur des présomptions, de se prononcer sur l’antériorité du vice :
- Antériorité acquise pour un vice apparu sur un véhicule présentant 615 km au compteur (Cass. Civ.1ère 19 octobre 2004),
- Antériorité rejetée pour des désordres apparus 6 mois après la vente après 7300 km,
A noter : Si la preuve est insuffisante et qu’un doute important subsiste, la condition d’antériorité ne sera pas jugée comme établie (Cass.Com., 27 novembre 1984 ; CA Douai, 12 Janvier 2004).
- Un défaut caché
L’acquéreur ne pourra pas se retourner contre le vendeur pour les défauts apparents qu’il aura pu observer au moment de la vente (article 1642 du Code civil). Les juges considèrent qu’un défaut est caché dès lors qu’un examen normal ne permet pas de le révéler.
Vices révélés par l’examen ou l’essai :
Constituent des vices apparents tous ceux qui ont été révélés par l’essai routier du véhicule (TGI Bordeaux 7 avril 1987) ou l’examen de l’extérieur. L’acheteur est en pratique tenu à un examen aussi méticuleux que ses connaissances le lui permettent. Ainsi, les juges tiennent compte de la qualité de l’acheteur à savoir, soit un non professionnel « utilisateur averti dont les connaissances en mécanique sont supérieures à la moyenne », soit un professionnel de même spécialité.
En revanche, si l’attention de l’acheteur a été attirée au préalable sur l’existence de défauts, il doit être plus vigilant et procéder à des vérifications complémentaires.
Exemples de vices apparents : l’usure importante d’un pneu, un problème moteur signalé par un voyant …
Exemple de vices cachés :
- l’accident subi avant sa vente,
- la mauvaise réparation d’un véhicule,
- le desserrage de la fixation du chapeau de la tête de bielle du moteur d’un véhicule neuf,
- le fait qu’un véhicule ne corresponde pas à un type national ou communautaire rendant son immatriculation impossible.
Exemple de Jurisprudence / Contrôle technique
Cass. Civ. 1 – 19 novembre 2009 : Un consommateur ne peut pas se retourner contre le vendeur d’un véhicule d’occasion en invoquant des défauts qui étaient mentionnés dans le rapport du contrôle technique :
« Le rapport établi à la suite d’un contrôle technique peut révéler, par des énonciations claires et compréhensibles pour tout acquéreur, l’existence de vices rendus de la sorte apparents ».
Conseil FNA
Le vendeur a une obligation d’information et de conseil envers l’acheteur. Vous devrez prouver que vous avez effectivement fourni au consommateur toutes les informations lui permettant de connaître l’état du véhicule au moment de la vente.
Vous devez impérativement établir un écrit et lui faire signer. La remise du rapport du contrôle technique, des éléments de suivi de l’entretien, carnet et factures constituent également une preuve.
- Un défaut suffisamment important
Sur le fondement de l’article 1641 du code civil, le défaut doit « rendre la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en n’aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu ». En matière d’automobile, on attend certes que la voiture puisse circuler mais pas seulement. Un défaut en apparence mineur peut rendre le véhicule impropre à son usage.
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- Impropre à l’usage objectivement attendu
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Les juges sont donc contraints, pour juger de la gravité d’un vice, de rechercher à quel modèle d’utilisation vendeur et acheteur faisaient référence lorsqu’ils ont conclu la vente. Le vice caché peut être constitué par un amoindrissement ou des restrictions d’utilisation du véhicule. Si rien n’est spécifié dans le contrat (usage spécial), on se référera à un usage normal objectivement attendu.
Exemples :
Dandinement
Un défaut mécanique provoquant un dandinement dans les virages a été jugé comme un inconvénient intolérable, l’acquéreur du véhicule en cause l’exploitant dans le cadre d’une entreprise de pompes funèbres (Cass.Civ.1ère, 6 avril 1994).
Bruit fatigant
Un bruit anormal n’empêche certes pas la conduite d’un véhicule mais la rend fatigante ce qui diminue sans conteste l’usage du véhicule. Le bruit a été qualifié de vice caché (Cass.civ. 1ère, 3 mars 1992).
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- Véhicules neufs et d’occasion
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Pour les véhicules neufs, l’appréciation du juge sera plus sévère. L’acquéreur s’attend légitimement à un service optimal. En revanche, pour les véhicules d’occasion anciens et au kilométrage élevé, le vice caché devra être suffisamment grave pour légitimer une action. Le vice doit dépasser ce qui est normalement prévisible pour un véhicule d’occasion.
Par exemple, l’usure d’une pièce interne au moteur sera considérée comme un vice suffisamment grave pour légitimer la résolution de la vente d’un véhicule d’occasion ayant peu roulé.
Par contre, une boite à vitesse et des organes mécaniques hors d’usage sur un véhicule présentant un kilométrage et un âge importants (En l’espèce, 232 693 km et plus de 10 ans, acheté à faible coût), ne peuvent être considérés comme des vices cachés (CA de Lyon 4 octobre 2007).
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- La dangerosité du véhicule
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A noter : Le seuil souvent retenu par les tribunaux pour marquer le niveau de gravité exigé est le risque qu’il engendre pour la sécurité d’utilisation du véhicule.
Le devoir d’information du Vendeur : les Conditions Générales de Vente
Depuis la Loi Hamon du 18 mars 2014, le vendeur est tenu à une obligation d’information renforcée relative aux garanties légales. Cette information passe notamment par les Conditions Générales de Vente (CGV) qui doivent, depuis le 1er mars 2015, comporter un certain nombre de mentions.
Quelles informations doivent figurer dans les CGV ?
- Nom et adresse du vendeur garant de la conformité des biens
- Mention selon laquelle le vendeur est tenu des défauts de conformité du bien (L. 217-4 du code de la consommation) et des vices cachés (article 1641 et suivants du code civil)
Les mentions suivantes doivent également figurer, au sein des CGV, dans un encadré :
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Comment mettre en œuvre l’action ?
La preuve
- Qui doit apporter la preuve du vice caché ?
C’est à l’acquéreur qui invoque un vice caché qu’il appartient de prouver l’existence du vice, ses conséquences sur l’utilisation normale du bien, et son antériorité à la vente.
Le vendeur pourra s’exonérer de son obligation de garantie s’il prouve que les défauts résultent des risques ayant pris naissance postérieurement à la vente et devant être assurés par l’acheteur ; ou bien que le vice était apparent, ou encore que l’usure était parfaitement normale.
- La preuve peut être apportée par tous moyens
Le vice caché est un fait juridique. Il est donc soumis au système de la preuve libre. L’acheteur doit faire la preuve par tous moyens : Attestations ou Factures de réparation, rapports d’expertise…
Le professionnel ne peut pas imposer le recours à une expertise ni laisser entendre que, à défaut de recours à une telle mesure, une demande fondée sur la garantie des vices cachés ne pourrait aboutir (TGI Bordeaux, 11 mars 2008).
Quel est le délai pour agir ?
L’action fondée sur la garantie des vices cachés doit être introduite dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. En pratique, la jurisprudence considère que ce n’est qu’après le dépôt du rapport de l’expert que l’acheteur apprend de façon certaine qu’il s’agit d’un vice.
Attention: l’action en garantie des vices cachés est également enfermée dans un délai de 5 ans à compter de la vente.
Les droits de l’acheteur
L’acheteur a deux possibilités :
- soit il garde le bien et demande une réduction du prix (action estimatoire)
- soit il rend le bien et demande que le prix lui soit restitué (action rédhibitoire). Il demande alors la résolution de la vente pour vice caché, c’est-à-dire son annulation rétroactive. Il pourra demander également le remboursement des frais occasionnés (La jurisprudence considère qu’en tant que professionnel, le vendeur est toujours présumé de mauvaise foi. Peu importe que le vice soit décelable ou non. Exemple de frais occasionnés : immatriculation d’un véhicule neuf ou de transfert de carte grise pour un véhicule d’occasion,….).
Attention : Vous ne pouvez pas demander une indemnité liée à l’utilisation du véhicule ou à l’usure résultant de son utilisation (Cass. civ. 1ère 21 mars 2006)
Vous ne pouvez pas non plus imposer une solution à l’acheteur ou lui demander de se justifier. Ce choix lui appartient (Cass. civ. 1ère, 23 mai 1995).
Cas particulier : les ventes successives
Il faut savoir que la garantie se transmet aussi aux propriétaires successifs. Un sous- acquéreur aura le droit d’agir soit contre son vendeur, soit directement contre n’importe quel intermédiaire de commercialisation du bien. Néanmoins, le sous-acquéreur peut agir contre le vendeur d’origine à la condition qu’il bénéficie lui-même de cette action. Le vendeur intermédiaire ne peut agir en garantie des vices cachés s’il avait connaissance du vice ou si lors de l’achat il a accepté une clause de non garantie.
Le vendeur actionné en garantie, peut à son tour engager une action récursoire contre son propre vendeur. Il devra cependant prouver que le vice existait lorsqu’il a reçu le bien et il doit agir dans le délai de deux ans à compter du jour où il a été assigné par son acheteur.