Vous êtes locataire d’un local commercial et souhaitez prendre votre retraite. Dans ce cas, vous pouvez céder votre bail et ce, même si l’acquéreur projette d’exercer une nouvelle activité. Afin d’y procéder, vous devrez suivre les modalités prévues à l’article L. 145-51 du Code de commerce.
Les modalités applicables à la cession d’un bail commercial
Le locataire qui souhaite mettre fin à ses activités, notamment à l’occasion d’un départ à la retraite, peut céder son contrat de bail commercial dans les limites des stipulations du contrat et de la réglementation en vigueur.
Le bail commercial peut être cédé à l’occasion de la vente du fonds de commerce ou dans le cadre du transfert universel de patrimoine s’il dispose du statut d’entrepreneur individuel. Il s’agit d’un droit d’ordre public prévu à l’article L. 145-16 du Code commerce. Toute stipulation interdisant la cession du droit au bail dans ces situations n’aurait aucun effet car la clause serait alors réputée non écrite.
Toutefois, il est possible de limiter le droit du locataire de céder son droit au bail aux seuls cas visés à l’article L. 145-16 du Code de commerce ou d’aménager les modalités de la cession. Par exemple, une clause du contrat de bail peut exiger l’autorisation préalable du bailleur et lui permettre d’intervenir à l’acte de cession.
En conséquence, le locataire doit vérifier les stipulations de son contrat avant d’envisager la vente de son bail commercial.
En cas de cession isolée du bail (en dehors des cas de vente du fonds de commerce ou de transfert universel du patrimoine) expressément prévue dans le contrat ou en l’absence de clause le lui interdisant, le locataire devra recueillir l’accord préalable du bailleur conformément aux dispositions de l’article 1216 du Code civil. Dans ce cas, le locataire notifie son projet par courrier recommandé avec accusé de réception ou au moyen d’une signification établie par commissaire de justice (anciennement appelé « huissier de justice »).
Il est recommandé de recueillir l’accord écrit du bailleur. Un défaut de réponse du bailleur peut constituer une faute pouvant engager sa responsabilité, notamment si cette inaction a causé un préjudice au locataire. De même, le refus du bailleur ne doit pas être délivré de manière arbitraire. Le bailleur doit justifier son refus par un motif légitime. Par exemple, il a été jugé que le bailleur peut subordonner son accord à l’acceptation par l’acquéreur d’une clause prévoyant une modification du bail en cours dès lors que cette modification n’est pas de nature à compromettre l’exploitation du bail. Néanmoins, cette modification ne peut porter sur le montant du loyer, la durée du bail et plus généralement ne peut être de nature à faire échec au droit de renouvellement au sens de l’article L. 145-15 du Code de commerce. En cas de refus du bailleur, le locataire dispose toujours de la possibilité de saisir le juge pour que ce dernier autorise la cession ou lui alloue des dommages-intérêts le cas échéant.
Enfin, lorsque le locataire souhaite prendre sa retraite, la recherche d’un repreneur exerçant les mêmes activités autorisées dans le bail peut se révéler ardue. En principe, si le locataire souhaite céder son droit au bail à un commerçant exerçant une activité différente de la sienne, il doit suivre la procédure de déspécialisation en vertu des articles L. 145-47 et suivants du Code de commerce.
La cession de bail avec déspécialisation en cas de départ à la retraite
Le locataire faisant valoir ses droits à la retraite peut céder son bail commercial à un tiers, soit pour exercer la même activité, soit pour une activité différente pour laquelle il lui faudra en principe obtenir une déspécialisation (changement d’activité).
Afin de faciliter la cession du droit au bail dans le cas d’un départ à la retraite, un régime dérogatoire est introduit à l’article L. 145-51 du Code de commerce.
Pour bénéficier du dispositif dérogatoire, le locataire commercial doit être une personne physique ayant, au préalable, demandé à bénéficier de ses droits de retraite ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée par le régime d’assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales. Ce droit s’applique également dans l’hypothèse où le locataire est en situation de cumul de la retraite et d’une activité professionnelle.
Le dispositif est étendu à l’associé unique d’une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) et au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une SARL (société à responsabilité limitée).
La nature des activités dont l’exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble, notamment au regard du règlement de copropriété.
Par exemple :
La création d’un fonds de commerce de « laverie automatique » peut être considérée comme incompatible avec les caractéristiques de l’immeuble lorsque cette activité est envisagée dans un immeuble à usage d’habitation. En effet, le règlement de copropriété de l’immeuble peut interdire l’exercice de certaines activités qui ne seraient pas conformes à la destination de l’immeuble.
Les modalités de mise en œuvre en cas de déspécialisation
- La signification
Le locataire doit signifier à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, son intention de céder son bail.
La signification est un acte extrajudiciaire (c’est-à-dire en dehors d’une procédure judiciaire) accompli par un commissaire de justice (ex huissier de justice).
L’acte devra contenir les informations suivantes :
– le prix proposé
– la nature des activités dont l’exercice est envisagé par le future acquéreur du bail.
Le locataire n’a pas l’obligation de transmettre au bailleur la copie du compromis de vente.
- La réponse du bailleur
Le bailleur dispose, dans un délai de deux mois, d’une priorité de rachat du droit au bail aux conditions fixées dans la signification. A l’expiration du délai, si le bailleur n’a pas exercé son droit de priorité son accord est réputé acquis.
Si le bailleur souhaite s’opposer à la cession du droit au bail et au changement d’activité, il doit saisir le tribunal judiciaire du lieu où se trouve le local commercial dans un délai de deux mois à compter de la signification. La saisie du tribunal judiciaire n’entraine pas la suspension du bail; le locataire restera tenu d’exploiter le local loué et exercer son activité pendant la période d’opposition du bailleur.
Pour s’opposer à la cession, le bailleur ne peut légitimement invoquer que les motifs tirés de l’article L.145-51 du Code de commerce. Ainsi, il a été reconnu que le droit de céder le bail ne peut être limité que dans la mesure où le nouveau commerce serait incompatible avec la destination, les caractères, et la situation de l’immeuble. De ce fait, tout autre motif soulevé par le bailleur pour s’opposer à la cession sera considéré comme injustifié.
- Les effets en cas de cession et déspécialisation du bail
Dans le cas d’une cession-déspécialisation du bail, le bailleur ne peut réclamer à cette occasion, une modification du montant du loyer. En revanche, il a été admis en jurisprudence que le bailleur peut invoquer le changement d’activité à l’occasion du renouvellement du bail afin d’obtenir le déplafonnement du loyer.
Le déplafonnement peut intervenir lors du renouvellement en cas de modification notable d’un des éléments de la valeur locative, telle que la destination des lieux loués.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à consulter la note dédiée au déplafonnement du loyer.