Comment se termine un bail commercial

Vous avez signé un bail commercial depuis quelques années et vous souhaitez savoir dans quels cas et sous quelles conditions le bail peut se terminer.

En fin de bail, plusieurs situations peuvent se présenter :

  • Résiliation amiable du bail commercial ou résiliation pour faute (clause résolutoire),
  • Refus de renouvellement du bailleur,
  • Indemnité d’éviction,
  • Congé donné par le preneur (locataire)
  • Départ à la retraite ou invalidité du preneur,
  • Procédure collective affectant le preneur,
  • Libération des lieux

La résiliation amiable du bail commercial

A tout moment, le locataire et le « propriétaire-bailleur » peuvent convenir d’une résiliation anticipée du bail (on parle également de révocation mutuelle du bail). Cette résiliation amiable n’est pas soumise aux conditions de forme et de délai prévues par le code de commerce. Elle est donc acquise dès qu’une partie accepte l’offre de résolution de l’autre partie.

Cependant, elle nécessite un commun accord des parties et peut donc être négociée. Le propriétaire peut accepter sous réserve, éventuellement, que lui soient versées des indemnités.

Il est vivement conseillé de formaliser cette résiliation anticipée amiable par écrit afin de disposer d’une preuve et d’éviter ainsi tout litige ultérieur.

Conformément à l’article L 143-2 du Code de commerce, la rupture anticipée du contrat de bail doit être notifiée aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce (c’est-à-dire à ceux bénéficiant d’un nantissement ou d’un privilège comme le banquier prêteur par exemple), lesquels disposent d’un mois à compter de la notification pour éventuellement solliciter de nouvelles garanties de la part du Preneur. La résiliation ne devient définitive qu’à l’expiration de ce délai.

Résiliation anticipée du bail commercial

Outre la résiliation amiable, produit de la volonté commune des parties, toujours possible, le bail commercial peut prendre fin, de manière anticipée et ce, pour plusieurs raisons :

⇒ Résiliation triennale par le locataire

Le locataire dispose de la faculté de résiliation anticipée triennale. Avant l’échéance de chaque période de 3 ans (ou triennale), il peut mettre fin au contrat de bail, simplement en donnant congé au minimum 6 mois avant, au propriétaire. Il n’a pas à fournir de motif pour cette résiliation.  La résiliation doit être donnée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice), au choix des parties.

Attention : Tout congé délivré postérieurement ne pourra prendre effet qu’à l’issue de la période triennale suivante.

Néanmoins, une clause du contrat de bail peut prévoir un préavis plus long (supérieur à 6 mois), en aucun cas un préavis plus court.

Les parties peuvent subordonner l’exercice de la résiliation triennale « anticipée », au versement d’une indemnité au profit du bailleur uniquement pour certains baux :

  • Baux conclus pour plus de 9 ans
  • Locaux monovalents (locaux spécialement construits pour une exploitation déterminée et inaptes à tout autre usage ou bien des locaux qui ont été aménagés ultérieurement en vue d’une seule utilisation. EX : garages, stations-service, …)
  • Baux de locaux à usage exclusif de bureaux
  • Baux de locaux de stockage

La résiliation triennale par le locataire entraîne pour ce dernier la perte de tous les avantages liés au bail commercial, et notamment de l’indemnité d’éviction.

Depuis la loi Pinel (loi n° 2014- 626 du 18 juin 2014)

Suppression de la clause de renonciation à la résiliation triennale

Attention : Il était auparavant possible que le locataire renonce à cette faculté (résiliation anticipée triennale) par stipulation contractuelle (clause insérée dans le bail, le plus souvent à l’initiative du bailleur). Dès lors, en cas de difficultés économiques, les conséquences financières pouvaient s’avérer très lourdes pour le preneur.

Depuis le 20 juin 2014 (entrée en vigueur de la loi Pinel), la possibilité de résilier le bail au bout de trois ans redevient une disposition d’ordre public économique : le contrat de bail ne peut plus déroger à la résiliation triennale.

Exception : les baux d’une durée supérieure à neuf ans, les baux de locaux monovalents, les baux à usage exclusif de bureaux et ceux des  locaux de stockage peuvent déroger à la résiliation triennale par une clause prévue au contrat.

⇒ Résiliation triennale conditionnelle du bailleur

Il s’agit du congé donné par le propriétaire dans le but de construire ou reconstruire, du congé pour reprise temporaire pour surélever, du congé aux fins de construction d’un local d’habitation sur tout ou partie d’un terrain loué nu ou de restauration immobilière en secteur sauvegardé (en général dans un périmètre de 500 mètres autour d’un monument historique ou d’un secteur à part entière déterminé par arrêté interministériel et avis de la commune concernée). Toutes ces reprises se feront avec indemnité d’éviction pour le locataire.

Le congé doit être motivé et doit être délivré par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice) au moins six mois avant la date d’expiration du bail.

⇒ Résolution judiciaire du bail pour faute et clause résolutoire

Conformément au droit commun (article 1217 du code civil), le bail peut toujours faire l’objet d’une résolution judiciaire par l’une ou l’autre des parties en cas d’inexécution des obligations issues du contrat.

Le manquement invoqué devant le juge doit cependant revêtir une gravité suffisante pour entraîner la résolution du bail. Le manquement est apprécié souverainement par le juge au vu des éléments de fait exposés par la partie demandant la résolution.

Par ailleurs, la résiliation de plein droit du bail peut être prévue par le contrat sous la forme d’une clause résolutoire, le plus souvent en cas de non-respect de ses obligations par le locataire (défaut de paiement du loyer, ou sous-location sans autorisation par exemple).

Cependant le propriétaire ne peut faire jouer la clause résolutoire immédiatement. Il doit d’abord mettre le locataire en demeure d’agir en lui adressant un commandement par lequel il l’informe des infractions précises qui lui sont reprochées et qu’il entend mettre en œuvre la clause résolutoire en cas de non régularisation de la situation. Ce n’est qu’à la fin d’un délai d’un mois  que le propriétaire peut demander au juge de prononcer la résolution du contrat de bail.

La protection générale du preneur contre les clauses résolutoires

L’article L. 145-41 du code de commerce prévoit que la clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux (Cass. Civ. 3ème 19 fév. 1997, .D. Aff. N° 15, p. 469).

A peine de nullité le commandement doit mentionner ce délai.

L’alinéa 2 de l’article L. 145-41 du code de commerce prévoit que le locataire peut saisir le juge afin d’obtenir des délais supplémentaires.

La protection contre les clauses de résiliation pour non exploitation du fonds

L’article L. 145-42 du code de commerce prévoit la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le temps nécessaire à la réalisation des transformations pour déspécialisation du fonds, cette suspension ne pouvant toutefois excéder 6 mois à compter de l’accord sur la déspécialisation ou de la décision judiciaire l’autorisant.

La protection en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

L’article L. 622-13 du code de commerce prévoit que «nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde». Le même principe est prévu par l’article L. 631-14 du code de commerce pour le redressement judiciaire et par l’article L. 641-11-1 du code de commerce pour la liquidation judiciaire.

L’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) a pour effet de suspendre les poursuites individuelles : le non-paiement des loyers antérieurs au jugement interdira toute action en justice du propriétaire pour obtenir le paiement de ces loyers.

En ce qui concerne les loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure, ils devront être payés à échéance, sous peine de résiliation.

L’article L. 622-14 al. 5 du code de commerce suspend l’exigence d’exploitation pendant la période d’observation.

⇒ Départ à la retraite du preneur à bail ou survenance d’un handicap 

Les personnes physiques exploitant un fonds de commerce ont la faculté de mettre fin au bail à tout moment (ou de céder le droit au bail pour une autre activité) afin de prendre leur retraite, sous réserve d’en justifier.

Ces mesures ont été étendues aux personnes ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité, à l’associé unique d’une EURL et au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une SARL.

Le locataire doit alors délivrer un congé par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice) ou par lettre recommandée avec accusé de réception (voir ci-dessous) et respecter un délai de préavis de six mois à l’égard du propriétaire.

Depuis la loi Pinel (loi n° 2014- 626 du 18 juin 2014)

Cette résiliation anticipée est désormais admise pour les ayants droit du preneur s’il décède. Les ayants droit n’ont plus l’obligation de continuer à payer le loyer du local commercial s’ils n’en reprennent pas l’exploitation.  

La résiliation peut être adressée au propriétaire soit par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice), soit par LRAR, en respectant un préavis de 6 mois.

Applicable aux successions ouvertes à compter du 20 juin 2014.

⇒ Résiliation triennale du locataire 

Le bail est résilié automatiquement lorsque le local est détruit soit :

  • par un incendie,
  • lorsque la vétusté implique un coût des travaux disproportionné par rapport à la valeur de l’immeuble
  • lorsque l’administration ordonne la démolition.

Le preneur cesse de payer les loyers, mais n’a pas droit à l’indemnité d’éviction.

Arrivée du terme

⇒ Le refus de renouvellement avec indemnité

Ce droit appartient au bailleur de façon absolue ; mais dans ce cas, le preneur a droit à une indemnité égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement : c’est l’indemnité d’éviction.

L’indemnité d’éviction doit couvrir l’ensemble du préjudice liée à l’éviction. Elle est calculée en fonction de la « valeur marchande du fonds de commerce, […] des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur » (article L. 145-14 du code de commerce).

– Bon à savoir :

Le locataire, dont le bail n’est pas renouvelé, n’est pas tenu de quitter les lieux avant d’avoir reçu son indemnité d’éviction. Sauf dans le cas où l’évacuation est rendue nécessaire en raison de l’état de l’immeuble (insalubrité, risque d’effondrement, etc.).

⇒ Le refus de renouvellement sans indemnité

Un bail commercial est conclu pour une durée minimum de 9 ans. Le locataire dispose d’un droit au renouvellement du bail à son terme.

Mais le propriétaire peut refuser le renouvellement du bail, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant, en délivrant un congé visant ces motifs dans les formes et délais prévus par la loi.

Ce ou ces motifs sont très divers : retard de paiement, dégradation ou défaut d’entretien du local loué, transformation ou changement de destination des lieux, sous-location ou cession de bail interdite, etc.

Ceci étant, le congé pour motif grave et légitime est un acte affectant significativement le locataire sortant, puisqu’il le prive de son droit au renouvellement et de son corollaire, l’indemnité d’éviction. Par la même, il le contraint à quitter les lieux rapidement.

En conséquence, l’article L. 145-17 du code de commerce dispose que la validité du congé est soumise à la condition que le propriétaire adresse préalablement au locataire une mise en demeure par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice) et que l’infraction commise par le locataire ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après cette mise en demeure du propriétaire d’avoir à la faire cesser.

⇒ Libération des lieux

Le locataire doit restituer les lieux en bon état. A défaut, il doit des dommages et intérêts au propriétaire.

Toutefois, la Cour de cassation a décidé que les dommages et intérêts ne sont dus que si le bailleur a réellement subi un préjudice.

Dans une affaire jugée le 3 décembre 2003 (Cour de cassation, Troisième Chambre civile, n° 02-18033), le locataire avait rendu les lieux en mauvais état. Malgré cela, le propriétaire avait loué le local à un nouveau locataire, qui avait entièrement réaménagé les lieux à ses frais, sans bénéficier d’une diminution du loyer. Le préjudice du propriétaire n’était donc pas établi et il n’a pas obtenu de dommages et intérêts.

C’est la remise effective des clés ou le refus injustifié du propriétaire de les recevoir qui entraîne la libération des lieux.

– Attention : il est fréquent que le bailleur insère dans le contrat une «clause d’accession en fin de bail». Elle lui permet de récupérer les améliorations apportées par le locataire, sans lui verser aucune indemnité.

Obligation d’établir un état des lieux

Depuis le 20 juin 2014 (loi Pinel), la rédaction d’un état des lieux d’entrée et de sortie est obligatoire lors de la conclusion d’un bail, de cession de droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux.

Pour les baux conclus avant le 20 juin 2014, l’état des lieux de sortie n’est obligatoire que si un état des lieux d’entrée a été rédigé. En l’absence d’état des lieux d’entrée, le local est est présumé avoir été délivré en bon état des réparations locatives, le locataire doit par conséquent rendre le local en bon état.

Conseil FNA : Compte tenu du nombre de litiges, nous vous recommandons de veiller à ce que l’état des lieux soit réalisé si possible par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice).

Forme du congé

La loi Pinel a également assouplit depuis 2014 les règles de forme du congé donné par le locataire ou le propriétaire. Il est désormais possible pour les parties de donner congé soit par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice) soit par lettre recommandée avec accusé de réception, au choix des parties. Auparavant, seul le congé donné par acte extrajudiciaire était possible.

Applicable aux congés donnés à compter du 20 juin 2014.

La demande de renouvellement de bail du locataire à son propriétaire, à l’expiration du bail, reste soumise au formalisme de l’acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice).