Recouvrement amiable d’une créance sans Commissaire de justice

 

Les risques d’impayés sont permanents dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle. Il est essentiel de connaître quels sont vos droits, mais aussi vos obligations vis-à-vis de votre débiteur. Les litiges peuvent avoir de nombreuses causes (litiges nés d’un différend sur l’exécution de votre prestation, insolvabilité du débiteur, mauvaise foi …). 

Le législateur a mis en place un arsenal de procédures amiables ou judiciaires destiné à vous aider à faire face à ces situations. Vous privilégierez l’une ou l’autre procédure, en fonction de la situation du débiteur et le cas échéant, en fonction du montant du litige. 

Nous étudierons dans cette note le recouvrement amiable des créances sans Commissaire de justice (Nouvelle appellation issue de la fusion des huissiers de justice et des commissaires-priseurs).

COMMENT PROUVER QUE VOTRE COCONTRACTANT VOUS DOIT DE L’ARGENT ?

Savoir se ménager des preuves écrites : 

L’article 1353 du code civil dispose « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». En droit français, pour être valable un contrat ne nécessite pas en principe d’être matérialisé par un écrit. Un accord peut très bien être verbal. Mais encore faut-il pouvoir prouver cet accord.

Attention, en tant que professionnel, vous êtes tenus à une obligation d’information et de conseil renforcée ; d’autant plus  si votre partenaire est un consommateur. Vous devez vous ménager des preuvesUn vendeur de véhicules, un réparateur doivent établir des écrits : contrat de vente, ordre de réparation, décharge de responsabilité portant la signature du client. Vous pourrez ainsi démontrer que le client a accepté les termes du contrat et notamment son prix

Mise en Demeure de payer la somme due : 

Le recouvrement amiable commence par l’envoi d’une mise en demeure de payer la créance. A la réception de cette lettre, le consommateur doit s’inquiéter et est susceptible de faire valoir ses droits. 

Qui l’envoie : 

Plusieurs options sont possibles (article 1344 du Code civil): 

  • Soit vous l’envoyez directement, 
  • Soit vous mandatez un tiers, à savoir une société de recouvrement avec qui vous aurez préalablement conclu une convention. 
  • ou un Commissaire de Justice.

Il présentera à votre client une “sommation de payer” valant mise en demeure. Ses actes restent à votre charge

Vous ne pouvez pas vous rendre au domicile de la personne ou appeler son voisin, son employeur …. 

Comment rédiger une mise en demeure ? 

La mise en demeure est l’acte par lequel le créancier exige solennellement de son débiteur défaillant le paiement de la somme due en vertu des termes négociés dans le contrat qui vous lie et figurant sur la note, la facture …. 

La lettre de mise en demeure doit être sans ambiguïté et adressée en LRAR. Vous devez rappeler :

  • les termes du contrat, 
  • le délai initialement prévu (retrait du véhicule et le paiement), 
  • un bref rappel des faits 
  • mise en demeure de régler la somme de ……, 
  • Les frais de gardiennage, les dommages et intérêts moratoires que vous seriez en droit de réclamer à compter de la réception de la présente lettre sur le fondement de l’article 1231-6 du Code civil. 

 

Lettre recommandée avec accusé de réception

Objet : Mise en demeure

Madame, Monsieur,

Les réparations convenues concernant votre véhicule… que vous nous aviez remis le… ont été menées à bien depuis le…, date à laquelle nous vous avons prévenu de l’achèvement des travaux. 

Il est constant que vous n’avez à aucun moment contesté ni l’étendue des réparations effectuées ainsi que leur qualité, ni le montant de la facture. Néanmoins depuis ce jour, vous ne vous êtes pas manifesté pour reprendre possession de votre véhicule ou pour nous faire part d’éventuelles difficultés financières.  

Par conséquent, nous vous mettons en demeure par la présente de retirer ce véhicule dans un délai de huit jours à compter de la réception de cette lettre recommandée avec accusé de réception et de régler préalablement le prix convenu pour les différentes réparations.

A compter du huitième jour ci-dessus indiqué, vous nous serez par ailleurs redevables de frais de garde, soit…€ par 24 heures, conformément à ce qui est affiché dans nos locaux affectés à la réception du public. 

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.

PJ : Factures, ordres de réparation qui seront, par précaution, numérotés et listés …. 

LES REACTIONS POSSIBLES DU CONSOMMATEUR

Trois situations peuvent se présenter 

Il conteste vous devoir cette créance

Vous recevrez probablement un courrier en LRAR contestant la créance sur le fond. Conservez bien tous les courriers. 

Il reconnaît vous devoir la somme réclamée 

A vous de déterminer si vous acceptez de lui accorder des délais de paiement s’il vous le demande auquel cas cet arrangement devra être formalisé par un écrit. Vous devrez être aussi précis que possible (modalités de paiement, sanction en cas de retard ….). 

La dette est prescrite : cela signifie que vous ne pouvez plus réclamer le règlement de la créance. 

La prescription a subi une profonde réforme en juin 2008 et les délais ont changé. 

Les délais de prescription dépendent de la qualité des parties : 

  • Vente ou prestation de service entre un professionnel et un consommateur : 

Dans le secteur de la consommation, le délai de prescription est de deux ans sur le fondement de l’article L. 218-2 du Code de la Consommation

  • Vente ou prestation de service entre deux professionnels :  

On est passé d’un délai de 10 à 5 ans. C’est le délai de prescription de droit commun. Il va s’appliquer à chaque fois qu’une loi spéciale ne prévoit pas de délai spécifique. 

Rappelons aussi que le point de départ de la prescription est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître l’existence de ce droit. 

Par exemple : l’action contre un consommateur en paiement d’une facture impayée du 1er janvier 2020 se prescrira le 31 décembre 2021 et non dans les deux ans du jour où le professionnel aura compris que son client ne s’acquittera pas volontairement de sa dette.

  • Interruption de la prescription : 

Lorsqu’un évènement interrompt la prescription, le délai écoulé est effacé et un nouveau délai de même durée que l’ancien commence. Les causes d’interruption de la prescription sont les suivantes:

  • La reconnaissance par le débiteur de sa dette, 
  • La demande en justice, même en référé et jusqu’au procès, 
  • Un acte de saisie (sur salaire, sur compte bancaire …) 

Important : les pourparlers, les réclamations ou mises en demeure, mêmes envoyés en recommandé avec accusé de réception n’interrompent pas le délai de prescription, qui continue donc à courir. Il ne faut donc pas perdre trop de temps à envoyer des courriers recommandés.

  • Suspension de la prescription : Dans certains cas, le temps cesse de s’écouler et reprend lorsque la cause de la suspension a cessé. 

La médiation ou la tentative de conciliation : Depuis la réforme des prescriptions de 2008, la prescription est suspendue pendant toute la durée de la médiation / conciliation. Elle reprend ensuite pour la durée restant à courir et au minimum pour six mois (même s’il ne restait que 4 mois par exemple avant la suspension)