Le droit de préférence du locataire commercial

Votre bailleur envisage de vendre le local que vous louez à usage commercial ou artisanal et vous vous interrogez sur vos droits.

En tant que locataire commercial, vous disposez d’un droit de préférence conformément aux dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Il s’agit de la faculté pour le locataire de se porter acquéreur en priorité en cas de vente volontaire du local commercial par le propriétaire au profit d’un acheteur initial.

Champ d’application du droit de préférence

Le droit de préférence légal ne porte que sur les ventes d’un local à usage commercial ou artisanal conclues de manière volontaire, c’est-à-dire que le prix et les modalités sont librement fixés par le propriétaire.

 

Sont exclues du champ d’application du droit de préférence (liste non exhaustive) :

  • la vente sur adjudication à la suite d’une saisie immobilière
  • la vente aux enchères publiques
  • la vente dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société propriétaire
  • la vente portant sur plusieurs locaux d’un ensemble commercial
  • la vente unique de locaux commerciaux distincts
  • la vente globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux
  • la vente d’un local à usage industriel ou de bureaux
  • la vente d’un local au conjoint du bailleur ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint

L’exercice du droit de préférence

  • La notification préalable obligatoire

Avant toute vente, le bailleur doit obligatoirement informer le locataire de son projet de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

La lettre de notification constitue une offre ferme de vente et doit contenir les informations essentielles :

  • Le prix net vendeur, étant précisé que le montant ne peut inclure des honoraires de négociation
  • La désignation du bien
  • Les conditions de la vente envisagée, à savoir les modalités de paiement et les éventuelles charges imposées à l’acquéreur
  • La reproduction des quatre premiers alinéas de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce

Le prix et les conditions de vente précisés dans la notification sont non négociables par le locataire.

La notification répondant aux dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commence engage le bailleur qui ne pourra se rétracter avant l’expiration du délai accordé au locataire pour se prononcer.

Dans l’hypothèse où le propriétaire bailleur souhaite vendre le local commercial à des conditions ou un prix plus avantageux pour l’acheteur initial, il doit notifier au locataire ces changements dans les mêmes formes que celles appliquées à la notification initiale. A défaut, le notaire peut procéder à cette notification.

Le non-respect de l’obligation de notification entraine la nullité de la vente. Toutefois, cela n’ouvre pas le droit pour le locataire de contraindre le propriétaire à vendre s’il souhaite renoncer à son projet de vente.

 

  • La réponse du locataire

A compter de la réception de la notification, le locataire dispose d’un délai d’un mois pour faire connaitre au bailleur sa volonté d’exercer son droit de préférence :

  • En cas de refus du locataire : le bailleur poursuit le projet de vente au profit de l’acheteur initial
  • En cas d’acceptation du locataire :
    • Le locataire dispose d’un délai de deux mois pour réaliser la vente aux prix et conditions fixés dans la notification.
    • Si dans sa réponse, le locataire précise qu’il souhaite recourir à un prêt, l’acceptation sera subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est repotée à quatre mois

Le locataire devra faire savoir sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

Le défaut de réalisation de la vente dans les délais impartis (deux mois ou quatre mois en cas d’obtention du prêt) rend l’acceptation de l’offre sans effet. Pour cela, ledit défaut doit être imputable exclusivement au au locataire. Le propriétaire pourra poursuivre son projet de vente en faveur de l’acheteur, sous réserve que le projet n’ait pas été modifié à des conditions plus avantageuses pour ce dernier.

La réalisation de la vente du local commercial

  • Réalisation de la vente par le locataire du bail

En cas d’acceptation de l’offre dans les conditions ci-dessus exposées, le locataire doit réaliser la vente dans le délai imparti.

L’acquisition du local par le locataire entraine l’extinction automatique du bail principal.

En revanche, si le local est sous-loué, son acquisition par le locataire principal n’entrainera pas l’extinction du contrat de sous-location.

 

  • Réalisation de la vente au profit du tiers acquéreur et ses conséquences sur le locataire

En cas de rejet de l’offre ou de défaut de réalisation de vente par le locataire principal, le bailleur, propriétaire du local poursuit son projet de vente au profit du tiers acquéreur.

 

    • Conséquences sur le contrat de bail

Le contrat de bail commercial est opposable à l’acheteur sous certaines conditions :

⇒Le bail est constitué par acte authentique, c’est-à-dire devant notaire. Pour les baux de plus de 12 ans, il est nécessaire que l’acte authentique ait été publié au service chargé de la publicité foncière. Dans le cas contraire, ces contrats sont inopposable à l’acheteur pour la durée qui excède les 12 ans.

⇒ OU le bail a une date certaine. Le contrat de bail acquiert date certaine lorsqu’il a été enregistré. En revanche, si le bail est conclu entre deux commerçants,  la date inscrite sur le bail fait foi sauf preuve contraire.

⇒ OU l’acheteur a connaissance de l’existence du bail commercial avant la vente. En cas de contestation en l’absence de date certaine, il appartiendra au locataire d’apporter la preuve de cette connaissance par l’acquéreur.

Toute promesse de renouvellement, tout avenant ou accord conclu entre le propriétaire et le locataire qui a eu pour effet de modifier le bail initial devra répondre aux mêmes conditions ci-dessus exposées pour pouvoir être opposé à l’acquéreur.

Il est fortement recommandé, s’ils ne sont pas formés par voie authentique, d’enregistrer le bail initial et ses avenants.

 

Procédure d’enregistrement d’un acte conclu sous seing privé (c’est-à-dire contrat signé entre les parties sans l’intervention d’un notaire ou d’une commissaire de justice – huissier) :

Dans les quatre mois suivant la signature du bail, le bailleur ou le locataire envoie au service des impôts dont dépend le local commercial, les trois exemplaires signés du contrat de bail.

A réception, l’administration fiscale renverra tous les exemplaires cachetés au bailleur et au locataire.

Le cachet apposé par le service des impôts atteste de la date certaine du bail. Cette notion de date certaine rend le bail opposable aux tiers : cela signifie qu’il doit être respecté non seulement par le bailleur et le locataire, mais également par les tiers.

Le coût de l’enregistrement s’élève à 25€, selon l’article 739 du Code général des impôts relatif aux actes de baux à durée limitée d’immeubles, de fonds de commerce ou de clientèles lorsque l’enregistrement est requis par les parties, et est dû par les deux parties.

 

    • Conséquences sur le dépôt de garantie et le cautionnement

Il appartient au bailleur initial de restituer le dépôt de garantie au locataire, sauf clause contraire insérée dans le contrat de vente. Si l’acte de vente prévoit un transfert de l’obligation de restituer le dépôt de garantie à la charge de l’acquéreur, le locataire aura le choix entre invoquer cette clause et demander la restitution à l’acquéreur ou la refuser et s’adresser à l’ancien bailleur.

D’autre part, la caution qui garantit le paiement des loyers est transmis automatiquement à l’acheteur, sauf clause contraire prévue dans l’acte de vente.

 

    • Conséquences sur le renouvellement ou non renouvellement du bail
      • En cas de congé donné par le bailleur avant la vente du local

⇒ Le congé produit ses effets au bénéfice de l’acquéreur. Toutefois, le vendeur reste tenu à l’égard du locataire au règlement de l’indemnité d’éviction. Dans cette hypothèse, le locataire conserve le droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement complet de l’indemnité d’éviction. Le règlement de l’indemnité d’éviction est une obligation due par l’ancien bailleur et ne peut être transférée à l’acquéreur.

 

      • A défaut de congé par le bailleur :

⇒ En principe, le locataire qui souhaite obtenir le renouvellement de son bail en fait la demande dans les six mois précédant l’expiration du bail ou à tout moment au cours de sa prolongation (Art. L. 145-10 Code de commerce). Le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification de la demande en renouvellement pour faire connaitre au locataire sa décision de refuser en précisant les motifs. A défaut, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail.

 

⇒ Si la demande de renouvellement a lieu avant la vente et que le délai n’a pas encore expiré, le bailleur doit en informer l’acquéreur afin qu’il puisse se prononcer sur la demande. Dans le cas contraire, l’acquéreur pourra agir en responsabilité contre le vendeur pour manquement à son obligation d’information.

 

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les notes relatives au renouvellement et aux modalités d’extinction du contrat de bail.