L’indemnité d’éviction

Vous êtes locataire d’un local commercial et votre bailleur vous adresse un congé avec refus de renouvellement du votre contrat de bail. Si le bailleur ne justifie pas son refus de renouvellement pour un motif grave et légitime conformément aux articles L. 145-17 et suivants du Code de commerce, il sera tenu de vous verser une indemnité d’éviction.

Après avoir étudié comment un bail commercial pouvait prendre fin et comment il pouvait se renouveler, nous détaillerons dans cette note les modalités de versement de l’indemnité d’éviction en cas de non renouvellement du bail.

Définition

L’indemnité d’éviction est une somme d’argent versée par le bailleur à l’occasion d’un refus de renouvellement du bail commercial.

Elle a pour objectif de réparer le préjudice subi par le locataire, à savoir, la perte du bail ou de son fonds de commerce.

Ainsi, l’indemnité d’éviction ne sera pas due au locataire si, à la date de son départ volontaire des lieux, il n’avait plus aucune activité. Le refus de renouvellement ne lui avait alors causé aucun préjudice (Cass. 3ème civ, 10/02/1994, n°97-16.134).

De la même manière, l’indemnité d’éviction ne sera pas due si le bailleur justifie le non renouvellement du bail par un motif grave et légitime à l’encontre du locataire. Par exemple, lorsque l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli en raison de son état d’insalubrité reconnue par une autorité administrative ou en cas de défaut de paiement du loyer.

L’offre d’indemnité d’éviction

En principe, le bailleur devra délivrer au locataire, un congé avec refus de renouvellement (ou refuser la demande de renouvellement du locataire) et contenant une offre d’indemnité d’éviction.

En cas de contestation sur l’offre ou sur le non-renouvellement du bail, le locataire dispose d’un délai de deux ans à compter de la date d’effet du congé ou de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement, pour saisir le juge en fixation de l’indemnité d’éviction.

Cette action en justice est également ouverte lorsque le congé ou le refus de renouvellement est signifié au locataire sans offre d’indemnité d’éviction.

La fixation du montant de l’indemnité d’éviction

Le montant de l’indemnité d’éviction peut être fixé par accord amiable des Parties, qui peuvent faire appel à un expert professionnel. A défaut d’accord, l’indemnité sera fixée par une décision du juge.

Aux termes de l’article L. 145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction comprend :

  • A titre principal, la valeur marchande du fonds de commerce. La valeur peut être évaluée à partir du chiffre d’affaire ou du taux de recettes.

Seules les activités autorisées par le bail seront prises en compte dans l’évaluation de l’indemnité.

  • A titre accessoire, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour l’acquisition d’un nouveau fonds de commerce.

Le montant de l’indemnité d’éviction est déterminé suivant les usages de la profession du locataire.

Elle pourra être déterminée autrement si le bailleur démontre que le préjudice est moindre. Par exemple : le bailleur offre à son locataire des locaux de remplacement présentant les mêmes avantages que l’ancien local qu’il louait.

Pour la fixation judiciaire de l’indemnité d’éviction, la valeur des éléments du fonds de commerce est appréciée à la date à laquelle les juges statuent lorsque l’éviction n’est pas encore réalisée (Cass. 3ème civ, 24 nov. 2004).

Le juge peut également ordonner une expertise judiciaire qui évaluera la valeur des éléments du fonds de commerce et les frais accessoires.

Le droit de repentir du bailleur

Le bailleur qui a refusé de renouvellement avec indemnité d’éviction peut revenir sur sa décision. Il s’agit du droit de repentir.

Ce droit peut être exercé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision de justice fixant l’indemnité d’éviction est passée en force de chose jugée (c’est-à-dire est devenue définitive, sans recours possible). A l’expiration du délai le refus du bailleur de renouveler le bail devient irrévocable.

Enfin, pour exercer ce droit, le locataire doit être dans les lieux. Il ne doit pas avoir déjà loué ou acheté un autre local destiné à sa réinstallation.

L’exercice du droit de repentir entraine le renouvellement du bail dans les mêmes stipulations.

Le paiement de l’indemnité d’éviction

Si le bailleur n’exerce pas son droit de repentir et que la décision de justice fixant l’indemnité d’éviction acquiert force de chose jugée (décision n’est plus susceptible de recours) alors il sera tenu de régler au locataire, le montant de l’indemnité d’éviction.

 

  • Par quel moyen le propriétaire peut-il régler l’indemnité d’éviction ?

Aux termes de l’article L. 145-29 du Code de commerce, le propriétaire dispose de la faculté de verser le montant de l’indemnité d’éviction soit au locataire lui-même soit à un séquestre (une personne missionnée pour assurer la garde et l’administration d’un bien). A défaut d’accord entre les parties, le séquestre sera nommé par le juge.

 

  • Que faire en cas de retard ou de non paiement de l’indemnité ?

D’une part, le locataire peut notifier un commandement de payer par acte extrajudiciaire (acte d’huissier) qui doit contenir, à peine de nullité, la reproduction du deuxième paragraphe de l’article L. 145-30 du Code de commerce :
«  Lorsque le délai de quinzaine prévu à l’article L. 145-58 a pris fin sans que le bailleur ait usé de son droit de repentir, l’indemnité d’éviction doit être versée au locataire ou, éventuellement, à un séquestre, dans un délai de trois mois à compter de la date d’un commandement fait par acte extrajudiciaire qui doit, à peine de nullité, reproduire le présent alinéa ».

Le bailleur devra alors verser le montant de l’indemnité dans les trois mois suivant la réception du commandement de payer. A défaut, le locataire pourra faire procéder à l’exécution forcée de la décision de justice fixant l’indemnité d’éviction en faisant appel à un commissaire de justice (anciennement huissier de justice).

En cas de retard de paiement, le locataire a la possibilité de réclamer le paiement des intérêts légaux prévu à l’article 1231-7 du Code civil.

D’autre part, le locataire dispose d’un droit de rétention en garantie du paiement de l’indemnité d’éviction en application de l’article L. 145-28 du Code de commerce. En d’autres termes, le locataire a le droit de se maintenir dans les lieux tant qu’il n’a pas reçu le règlement de l’indemnité d’éviction.

En cas d’exécution provisoire d’un jugement fixant le montant de l’indemnité d’éviction ordonné par le juge des référés, le locataire  conserve son droit au maintien dans les lieux jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prononcée et que celle-ci acquiert autorité de la force jugée.

L’exercice du droit au maintien dans les lieux par le locataire évincé

Le locataire dispose du droit de se maintenir dans les lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction.

Toutefois, ce droit n’est accordé que sous deux conditions :

– le renouvellement du bail a été refusé par le bailleur

– le locataire peut se prévaloir du droit à indemnité d’éviction.

Pendant la période du maintien dans les lieux, le bailleur et le locataire restent soumis aux mêmes droits et obligations que ceux prévus au contrat de bail expiré (non renouvelé).

En revanche, en contrepartie de ce droit, le locataire ne sera pas tenu au règlement d’un loyer mais devra verser une indemnité d’occupation. Cette indemnité correspond à la valeur locative du local commercial. Elle vient se substituer au règlement du loyer et doit être versée au bailleur par les mêmes procédés que ceux appliqués au paiement des loyers en application des clauses du contrat de bail.

Le montant de cette indemnité peut être fixé par le juge. L’action en fixation de l’indemnité d’occupation doit être intentée dans un délai de deux ans à compter :

– de la date d’effet du congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction

– ou du jour où la décision fixant l’indemnité d’éviction a acquis autorité de la chose jugée

L’indemnité d’occupation sera due jusqu’à la libération effective des lieux par le locataire.