L’extension d’activité du locataire commercial

Vous êtes locataire d’un local commercial dans lequel vous exercez l’activité prévue dans votre contrat de bail. Après quelques années d’exploitation, vous souhaitez développer votre entreprise en adjoignant une seconde activité. Dans quelles conditions pouvez-vous procéder à l’adjonction d’une nouvelle activité ?

Le principe du respect de la destination du local commercial

En principe, les parties au contrat de bail, à savoir le bailleur et le locataire, déterminent d’un commun accord la destination des lieux. En d’autres termes, les parties décident d’affecter le local commercial à l’exercice d’une ou plusieurs activités.

 

A compter de la prise d’effet du contrat de bail, le locataire est tenu d’utiliser le local pour exercer les activités autorisées dans le contrat. Dans le cas contraire, l’exercice d’une activité autre que celles autorisées dans le bail constitue un manquement au bail pouvant exposer le locataire à des sanctions : la résiliation ou le non-renouvellement du bail voire la condamnation au versement de dommages et intérêts au bailleur.

 

Par conséquent, le locataire qui souhaite étendre son activité et modifier partiellement la destination du local doit au préalable en informer son bailleur. Le code de commerce encadre la manière par laquelle un locataire peut procéder à la déspécialisation partielle de ses activités. Nous verrons que bien qu’il ne soit pas obligatoire d’obtenir l’accord préalable du bailleur, ce dernier a des moyens de s’opposer à l’adjonction d’activité envisagée par le locataire dans certaines conditions.

La procédure d’extension des activités du locataire

L’article L. 145-47 du code de commerce dispose que : « le locataire peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ». En vertu de cette disposition, le locataire est autorisé à annexer à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.

Il s’agit d’une règle d’ordre public, toute clause interdisant l’adjonction d’une activité connexe sera réputée non écrite.

Les juges ont eu l’occasion de préciser la notion « d’activité connexe ou complémentaire ». Il s’agit d’activités ayant un rapport étroit ou étant nécessaire à un meilleur exercice de l’activité principale.

 

Exemple : Un local ayant seulement pour destination l’activité de réparation automobile peut avoir pour activité connexe la vente de produits d’entretien et d’accessoires automobiles. Si cette activité n’est pas déjà prévue dans le contrat de bail, le locataire peut l’adjoindre à son activité principale en suivant la procédure prévue par l’article L. 145-47 du Code de commerce.

 

Exemple : l’activité de réparation de voitures avec atelier de carrosserie et de peinture n’a pas été considérée comme connexe ou complémentaire de l’activité de garagiste sans réparations avec poste d’essence prévue au contrat de bail (Cass. 3ème du 17/03/1971, n°69-14.324).

 

Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires. L’information doit être adressée au bailleur par acte de commissaire de justice (ex-huissier de justice) ou par lettre recommandée avec avis de réception, en indiquant les activités dont l’exercice est envisagé.

Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois son opposition au caractère connexe ou complémentaire des activités envisagées.

Si le propriétaire ne s’oppose pas à l’extension d’activité, dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la notification, ou en cas d’absence de réponse de sa part, le locataire sera autorisé à poursuivre son projet d’extension d’activité.

En cas de refus explicite du propriétaire, le locataire n’aura d’autre solution que de saisir le tribunal judiciaire pour obtenir l’autorisation d’extension de son activité.

Attention : le locataire ne doit pas exercer la nouvelle activité envisagée  avant d’obtenir l’autorisation du propriétaire. Une extension d’activité réalisée sans l’information préalable du bailleur, ou malgré son opposition, constitue un manquement du locataire à ses obligations pouvant conduire à la résolution du contrat de bail.

En cas de contestation, le tribunal judiciaire se prononce sur le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée en fonction notamment de l’évolution des usages commerciaux.

 

Exemple : Cass. 3ème civ, 17/03/1971, n°69-14.324, les juges ont refusé de retenir le caractère connexe et complémentaire de l’activité de réparations de voitures, atelier de carrosserie, peinture avec celle de garagiste sans réparations, avec poste d’essence prévue au bail. Dans cet arrêt, les juges se sont fondés sur les usages locaux existants.

Les conséquences de l’ajout d’activités connexes

L’ajout d’une activité connexe n’entraine pas automatiquement une augmentation immédiate du loyer. La modification du prix du bail prévue à l’article L. 145-50 du code de commerce ne s’applique qu’en cas de déspécialisation plénière, c’est-à-dire une modification totale de l’activité autorisée par le bail.

 

Toutefois, le propriétaire peut prendre en compte l’ajout des activités connexes pour la prochaine révision triennale sur le fondement de l’article L. 145-47, alinéa 3 du Code de commerce.

 

Par dérogation à la règle du plafonnement du loyer révisé, le propriétaire peut effectuer la révision triennale sur la valeur locative du local si celle-ci a été modifiée par l’ajout des nouvelles activités connexes à l’activité principale. En d’autres termes si l’ajout d’une nouvelle activité connexe a pour effet d’augmenter la valeur locative du local, le bailleur pourra réviser le montant du loyer lors de la prochaine révision triennale prévue au contrat de bail. Dans ce cas, le nouveau montant pourra dépasser le plafond imposé par l’article L. 145-38 du Code de commerce.