Le bail commercial est connu pour sa caractéristique « 3-6-9 ». Lors de la signature du contrat de bail, le montant du loyer est fixé librement par les parties. Lorsque le bail est conclu pour 9 ans, le montant du loyer peut être révisé tous les 3 ans ainsi que lors du renouvellement du bail.
Le bailleur et le locataire ne sont cependant pas totalement libres de fixer le nouveau loyer. Le législateur a ainsi introduit un système de plafonnement des loyers censé ralentir la hausse des loyers commerciaux. Dans certaines circonstances néanmoins, le bailleur peut exiger que le loyer soit porté au-delà du plafond fixé par le législateur : c’est le déplafonnement.
Le plafonnement du loyer
Votre bailleur va vous proposer un nouveau loyer lors :
- de la révision de votre loyer (tous les 3 ans),
- du renouvellement de votre bail,
Le montant de ce nouveau loyer doit correspondre à la valeur locative qui est fixée selon 5 critères :
Définition de la valeur locative Article L. 145-33 du code de commerce A défaut d’accord amiable sur le montant de la valeur locative, cette valeur est déterminée d’après : 1 Les caractéristiques du local considéré ; 2 La destination des lieux ; 3 Les obligations respectives des parties ; 4 Les facteurs locaux de commercialité ; 5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; |
Il revient aux parties de fixer amiablement la valeur locative. A défaut, le juge fixe la valeur locative par référence aux 5 critères énumérés ci-dessus. Il dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour évaluer le montant du loyer révisé ou renouvelé, en adoptant le mode de calcul qui lui parait le meilleur.
En tout état de cause le montant du loyer renouvelé ne peut dépasser un plafond.
Si le bail renouvelé est de 9 ans le taux de variation du loyer ne peut excéder l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou l’indice des activités tertiaires (ILAT)*. Ces indices sont publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. Le loyer est donc plafonné.
* La loi Pinel du 18 juin 2014 a modifié les articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce : la référence à l’indice du cout de la construction est supprimée et remplacée par l’un de ces deux indices pour tous les contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.
La variation à retenir est celle intervenue depuis la date de fixation du loyer initial du loyer du bail expiré jusqu’à la date de conclusion du bail renouvelé.
Un bail à paliers (bail dont le montant du loyer est fixé de manière progressive sur une période donnée. Ex : loyer de 100 en année 1, 150 en année 2, 200 en année 3, …) n’échappe pas au plafonnement lors du renouvellement (Cass. Civ. 3e, 6 mars 2013, n° 12-13962).
Exemple Bail conclu le 31 janvier 2019 pour un loyer de 15 000,00 €. Au 31 janvier 2022 (date du renouvellement), le dernier indice ILC publié est celui du 3e trimestre 2021, soit 119,70. Le montant du loyer renouvelé sera égal à : 15 000,00 X 119,70 (divisé par) 113,45 (indice 3e trimestre 2018) = 15826,00 € (arrondi) |
La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 18 août 2022 a plafonné la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux (ILC) à 3,5 %. Ce plafonnement concerne la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises (PME) titulaires d’un bail commercial dont les révisions du loyer sont encadrées par l’indice trimestriel des loyers commerciaux (révisions automatiques, révisions triennales, au renouvellement de bail).
Le plafonnement de la variation de l’ILC est temporaire et vise à répondre au contexte actuel d’inflation. Il s’applique pendant un an. Il concerne 4 indices : le 2e trimestre 2022, le 3ème trimestre 2022, le 4ème trimestre 2022 et le 1er trimestre 2023, qui seront respectivement publiés en septembre 2022, décembre 2022, mars 2023 et juin 2023 sur le site de l’Insee.
N’hésitez pas à consulter la FAQ du ministère de l’économie et des finances concernant ce plafonnement, votre entreprise peut être concernée par ce plafonnement temporaire. : https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/enjeux/pouvoir-d-achat/foire-aux-questions-plafonnements-loyers-commerciaux-PME.pdf
Les cas de déplafonnement du loyer
Le loyer du bail peut être fixé à la valeur locative sans application de l’indice des loyers commerciaux ou de l’indice des activités tertiaires (permettant de plafonner le loyer) dans plusieurs situations. Le déplafonnement relève le plus souvent d’une révision à la hausse, c’est donc le bailleur qui en fera la demande. Mais le locataire peut également en faire la demande s’il estime que la valeur de son loyer a diminué.
La demande de déplafonnement du loyer peut être formulée :
- soit lors de la révision triennale du loyer
- soit lors du renouvellement du bail
Selon l’hypothèse dans laquelle vous vous situez, la demande répond à des conditions différentes.
♦ Déplafonnement lors de la révision triennale du loyer
Pour faire jouer le déplafonnement, et ne plus être tributaire du plafond fixé par l’indice, le bailleur doit apporter une double preuve :
- une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité
- ayant entrainé elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative
Facteurs locaux de commercialité … qu’est-ce que c’est ?
Ce sont tous les éléments environnants permettant de déterminer l’intérêt du commerce : lieu d’implantation, moyens de transport, importance de la rue, …
La modification de ces facteurs est appréciée au cas par cas par le juge, en fonction des effets directs sur votre commerce.
Ex : la création d’un centre commercial à proximité de votre commerce peut justifier le déplafonnement de votre loyer si le bailleur démontre que vous avez bénéficié d’une augmentation conséquente de clientèle entrainant une hausse de plus de 10 % de la valeur locative.
En tant que locataire, vous pouvez également demander le déplafonnement de votre loyer (à la baisse) si vous apportez cette double preuve.
Ex : vous démontrez que la disparition des commerces avoisinants est directement responsable de la chute de votre chiffre d’affaire ET que cela a entrainé une baisse de plus de 10% de la valeur locative de votre bail.
♦ Déplafonnement lors du renouvellement du bail
⇒ Déplafonnement lié à la durée du bail
Le montant du loyer est automatiquement déplafonné lorsque:
- Le bail s’est poursuivi tacitement au-delà de 12 ans en raison de l’inaction des parties (art. L. 145-34 du code de commerce)
Lorsqu’à l’issue du bail de 9 ans, les parties n’ont ni donné congé, ni demandé le renouvellement et que le bail s’est poursuivi aux conditions antérieures pour les 3 ans qui ont suivi, de sorte que le bail a eu une durée effective supérieure à 12 ans.
Un acte de révision de loyer signé à la fin du bail n’interrompt pas la durée du bail : les tribunaux (Cass. Civ. 3e, 14 octobre 1992, n° 91-13313) considèrent que l’acte de révision n’est qu’un avenant de révision du loyer.
Conséquence : le bail s’est poursuivi au-delà de 12 ans et ne bénéficie pas du plafonnement (doit être calculé en fonction de la valeur locative).
- Le bail initial a été conclu pour une durée supérieure à 9 ans ou est renouvelé pour une durée supérieure à 9 ans
Ex : un bail, consenti et accepté pour une durée de 9 ans et 1 trimestre échappe aux règles du plafonnement du loyer.
Le cas du bail assorti d’une clause-recette :
Certains baux, notamment ceux situés dans les centres commerciaux, prévoient un loyer variable fixé selon un pourcentage du chiffre d’affaire du locataire, assorti ou non d’un loyer minimum garanti. La fixation du loyer renouvelé, assorti d’une clause-recette échappe au statut des baux commerciaux et n’est régit que par le contrat signé entre les parties.
Conseil FNA Pour éviter les risques de déplafonnement, il est recommandé au locataire :
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⇒ Déplafonnement lié à des modifications notables
Lors du renouvellement du bail, certaines modifications apportées au bien loué peuvent avoir pour conséquence de faire échec au plafonnement du loyer. Ces modifications peuvent être invoquées tant par le locataire (baisse du loyer) que par le bailleur (hausse du loyer). La charge de la preuve pèse sur le demandeur.
Sur quels éléments peuvent porter ces modifications ? (art. L. 145-34 du code de commerce) :
- Les caractéristiques du local (ex: adjonction d’une surface supplémentaire)
- La destination des lieux ou une amélioration importante (ex: garage étendant son activité à la vente de VO)
- Les obligations respectives des parties (ex : remplacement d’une chaudière par le bailleur au lieu du locataire)
- Les facteurs locaux de commercialité
Le code de commerce exclut expressément comme élément modificatif les prix des loyers pratiqués dans le voisinage. Le bailleur ne peut donc pas déplafonner votre loyer au seul motif que les prix des loyers ont augmenté dans le quartier. Les prix des loyers sont par contre retenus pour les révisions de loyer.
Exemples de modifications ayant justifié un déplafonnement du loyer :
- Réunion de deux locaux afin d’accroitre la surface de vente (ouverture d’une baie dans un mur en vue de relier 2 locaux jusqu’alors distincts – CA Paris 6 avril 1990).
- Autorisation de changement de commerce donnée postérieurement à la prise d’effet du bail
- Travaux d’amélioration réalisés par le bailleur, lorsqu’ils excèdent les travaux mis à sa charge et sont d’une certaine importance
- Sur l’appréciation des facteurs locaux de commercialisation, un même facteur peut avoir des effets différents selon le commerce en cause : la mise en rue piétonnes peut être positive pour un commerce d’épicerie et négative pour un garage. De manière générale, l’appréciation par les juges s’effectue in concreto, c’est-à-dire en fonction de l’intérêt que représente cette évolution pour le commerce.
Depuis la Loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises du 18 juin 2014
Création d’un mécanisme de lissage des hausses de loyer : la règle de déplafonnement du loyer ne peut aboutir à une variation, pour une année, de plus de 10 % du dernier loyer acquitté, dans 3 cas : renouvellement du bail, révision triennale, clause d’échelle mobile.
Cette limitation s’applique:
> en cas de modification notable de la valeur locative : caractéristiques du local, destination des lieux, obligations respectives des parties, facteurs locaux de commercialité, …
> si une clause du contrat relative à la durée du bail fait exception au plafonnement.
Le législateur a souhaité protéger les locataires des abus liés au déplafonnement.
⇒ Déplafonnement des locaux monovalents
Définition : Local construit en vue d’une seule utilisation ou qui selon la jurisprudence, a été affecté par des aménagements à une seule utilisation de sorte qu’il faudrait exécuter des travaux considérables pour les affecter à un autre usage. Il appartient au bailleur d’en apporter la preuve. En cas de départ du locataire, le bailleur ne peut relouer ces locaux que pour un commerce identique.
Les garages et les stations-service peuvent être considérés par les tribunaux comme des locaux monovalents. Mais le caractère monovalent est refusé lorsque le garage ne comporte aucun aménagement particulier en dehors d’un poste de graissage ou de 2 plaques tournantes et 2 fosses inutilisées en sous-sol, assimilable à une cave.
Pour cette raison le prix du bail des locaux monovalents peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée, par exemple un pourcentage du chiffre d’affaire. Il échappe aux règles de plafonnement.
Le cas particulier de la déspécialisation
Déspécialisation partielle : déplafonnement du loyer uniquement lors de la 1ere révision triennale suivant la notification d’extension partielle d’activité si les activités adjointes entrainent une modification de la valeur locative.
Déspécialisation plénière : transformation totale de la nature du fonds exploité. En compensation, le déplafonnement immédiat du loyer est possible ainsi que le paiement d’une indemnité au profit du bailleur.