Embaucher un salarié étranger implique de respecter certaines obligations et formalités, à défaut, de lourdes sanctions peuvent être prononcées. Avant toutes démarches posez-vous les bonnes questions.
Les nouveautés de la loi « immigration et intégration »
- La régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers en tension
La loi « immigration et intégration » du 26 janvier 2024 LOI n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration institue un dispositif temporaire de régularisation des travailleurs étrangers, en situation irrégulière (qui n’ont pas de droit au séjour ni d’autorisation de travail) qui sont employés dans certains métiers en tension jusqu’au 31 décembre 2026.
Pour connaitre les métiers en tension par région : Arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Ce listing sera actualisé au moins une fois par an.
L’employeur n’intervient pas dans la procédure (auparavant oui), seul le salarié peut prendre l’initiative de demander un dossier d’admission exceptionnelle au séjour par le travail sous certaines conditions cumulatives :
- Avoir exercé comme salarié pendant au moins 12 mois consécutifs ou non au cours des 12 derniers mois un métier en tension au regard du listing ci avant ; toujours occuper un tel métier, justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au mois 3 ans en France, et ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, incapacité et ou déchéance mentionnée sur le bulletin 2 du casier judiciaire.
Notez que l’attribution de la carte de séjour n’est ni automatique ni de droit, le préfet apprécie au cas par cas la situation. Une fois le dossier complet déposé, un récépissé autorisant à travailler est délivré au demandeur.
La loi met en place un dispositif sans intervention de l’employeur, alors que des contrôles « par tous moyens » de la « réalité de l’activité alléguée » seront possibles, et que par conséquent, devraient nécessiter l’intervention de l’employeur, à suivre …
- Les sanctions encourues en cas d’emploi d’étrangers sans titre de travail
Une nouvelle amende administrative remplace la contribution spéciale et la contribution forfaitaire de l’OFII.
Une instruction du ministère de l’Intérieur et de la Justice est parue le 5 février 2024, relative aux sanctions applicables aux employeurs en cas d’emploi irrégulier de travailleurs étrangers : Instruction relative à la lutte contre les filières d’exploitation des étrangers en situation irrégulière
Pour rappel : un employeur qui employait un travailleur sans titre de travail devait verser à l’OFII une contribution spéciale et forfaitaire.
Désormais, l’employeur est passible d’une nouvelle amende administrative unique (qui remplace la contribution spéciale et forfaitaire) et qui peut être infligée dans les cas suivants :
- Si emploi d’un étranger sans titre ;
- Ayant un titre de travail mais étant employé dans une catégorie professionnelle, profession ou zone géographique autres que celles mentionnées sur son titre.
L’amende sera traitée directement par les services de la direction de l’immigration de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), au vu des PV constatant l’emploi d’étrangers sans titre et des rapports administratifs réalisés, mais également au regard des capacités financières de l’auteur, du degré d’intentionnalité, du degré de la gravité de la négligence commise et des frais d’éloignement du territoire Français du ressortissant étranger.
Son montant est au plus égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti par travailleur concerné et peut être majorée si réitération avec un maximum de 15 000 fois le minimum garanti. Nous sommes dans l’attente du décret d’application afin que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés et est prononcée sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être engagées.
En cas d’articulation entre amende administrative et sanction pénale, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.
En parallèle, l’amende pénale est renforcée pour un employeur qui embauche, ou conserve à son service ou emploi pour une certaine durée un salarié non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée. Outre la peine de 5 ans d’emprisonnement qui est maintenue, l’amende pénale passe de 15 000 à 30 000 € par travailleur concerné, et son champ d’application est élargi au cas de l’emploi d’un étranger dans une autre catégorie professionnelle, une profession ou zone géographique différentes de celles mentionnées sur le titre. Elle passe de 100 000 à 200 000 € lorsque l’infraction est commise en bande organisée, avec une peine de 10 ans d’emprisonnement.
La loi immigration a par ailleurs renforcée les échanges d’informations entre les autorités : entre les corps de contrôle et les plateformes de main d’œuvre étrangère (PFMOE).
Qu’elle est la nationalité du futur recruté ?
Il faut impérativement vous assurer que ce salarié étranger a le droit de travailler en France, cela dépend de sa nationalité. Article L. 8251-1 du code du travail.
Il doit être détenteur d’une autorisation de travail ou être originaire d’un pays qui ne nécessite pas cette autorisation.
Sont exclus de l’obligation de détenir une autorisation de travail :
- Les ressortissants des États membres de l’Union européenne (UE) qui ne sont plus soumis à une période transitoire ainsi que les membres de leurs familles : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède ;
- Les ressortissants des trois États parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) non membres de l’UE, à savoir la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande ;
- Les ressortissants de la Confédération suisse, régis par l’accord franco-suisse en date du 21 juin 1999.
Ils peuvent donc travailler en France sans être tenus de détenir un titre de séjour, mais être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.
A savoir : il existe une autorisation provisoire de séjour pour les personnes déplacées en provenance d’Ukraine
Le cas particulier des citoyens algériens
Ils font l’objet de certaines exceptions en raison des Accords d’Évian. Ils ont besoin d’une autorisation de travail pour être embauchés en tant que salariés en France. Cependant, aucune autorisation de travail ne leur est réclamée s’il s’agit d’une activité salariale :
- D’une durée inférieure ou égale à trois mois ;
- Et, dans l’un des domaines suivants :
- missions d’audit et d’expertise en tant que salarié détaché sous contrat ;
- enseignement en tant que professeur invité ;
- séminaires professionnels ;
- production cinématographique, audiovisuelles, spectacle ou mannequinat ;
- services à la personne.
ATTENTION : les conditions sont cumulatives
Par ailleurs, sur la base de l’instruction du 5 février 2024, les préfets peuvent délivrer un titre de séjour aux ressortissants du Maghreb malgré les accords bilatéraux qui lient ces pays à la France.
- pour les ressortissants algériens, les préfets peuvent au titre de leur pouvoir général d’appréciation, à les admettre exceptionnellement au séjour en s’inspirant des critères de l’instruction.
- pour les ressortissants tunisiens et marocains, ils pourront se voir délivrer au cas par cas, selon le pouvoir discrétionnaire du préfet, un titre de séjour « métiers en tension » dans les conditions prévues par l’instruction.
Les démarches à accomplir
Si le salarié étranger n’est pas originaire d’un des pays cités plus haut et réside déjà en France
- Il faut vérifier qu’il détient un titre de séjour en cours de validité valant autorisation de travail ;
Sachez que si l’intéressé exerce une activité réglementée, il doit être autorisé à exercer cette activité particulière.
- Vérifier que le titre est authentique auprès de la préfecture dont dépend le lieu d’embauche, au moins 2 jours ouvrables avant la date d’effet de l’embauche. Sans réponse de la préfecture au bout de 2 jours ouvrables suivant votre demande, celle-ci est considérée comme étant remplie.
Si le salarié étranger n’est pas originaire d’un des pays cités plus haut et réside à l’étranger
Dans un premier temps, vous devez obtenir un document de Pôle emploi, attestant que vous avez recherché un salarié résident déjà en France. Pour obtenir cette attestation, il faut publier une offre d’emploi sur le site de Pôle emploi et la maintenir durant 3 semaines minimum, si au bout de 3 semaines vous n’avez pas pu recruter, il faudra réaliser un dossier d’introduction ;
- La procédure d’introduction se fait sur le site internet du ministère de l’intérieur : Etrangers en france-interieur-gouv.fr
- La DREETS examine les pièces transmises par l’employeur et dispose de 2 mois pour rendre sa décision qui est transmise par courrier électronique au salarié et l’employeur.
Le coût pour l’employeur ?
Si l’autorisation de travail est accordée, vous devez vous acquitter d’une taxe à l’occasion de la première délivrance du titre de séjour.
Cette taxe est due par l’employeur qui embauche le travailleur étranger ou qui accueille le salarié détaché. Elle est exigible à la fin du mois au cours duquel intervient le premier jour d’activité professionnelle en France du travailleur étranger ou du salarié détaché.
La taxe OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) est due pour les autorisations de travail portant sur des durées supérieures à 3 mois, sauf pour les saisonniers agricoles pour lesquels elle est due dès le 1er jour.
Son montant varie en fonction de la durée du contrat, du niveau de rémunération du salarié et du type de contrat de travail.
Pour une embauche d’une durée égale ou supérieure à 12 mois, le montant de la taxe est de :
- 55 % du salaire brut mensuel si le salaire est inférieur 2 fois le montant du SMIC mensuel brut ;
- 2 350, 26 € si le salaire est supérieur à 2 fois le montant du SMIC mensuel brut
Pour un emploi temporaire de plus de 3 mois et de moins de 12 mois, le montant de la taxe est de :
- 74 € si le salaire est inférieur ou égal au SMIC ;
- 210 € si le salaire est compris entre 1 SMIC et 1,5 SMIC ;
- 300 € si le salaire est supérieur à 1,5 SMIC (2 620,80 € bruts) ;
- 72 € pour le recrutement d’un jeune professionnel (étudiants étrangers qui viennent de terminer leur cursus sur le territoire français) ;
- 50 € par mois d’activité salariée complet ou incomplet pour un emploi à caractère saisonnier.
Le recouvrement de la taxe appartient désormais à la direction générale des finances publiques, vous avez 3 mois pour la payer suivant la délivrance de l’autorisation de travail.
Les sanctions en cas d’embauche illégale d’un travailleur étranger
Il faut être très vigilant car les sanctions sont lourdes : Voir plus haut loi immigration et intégration et modifications amendes administratives et pénales.
- Embaucher un salarié étranger dans des conditions différentes de celles mentionnées sur le titre de travail (fausse déclaration, fraude) est passible d’1 an d’emprisonnement et 3 000 € d’amende ;
- Embaucher un salarié dépourvu de titre de séjour est passible d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et 15.000 € d’amende ;
- Embaucher un salarié dépourvu de titre de séjour en bande organisée est passible d’une peine de 10 ans d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende, l’amende s’élève à 500.000 € pour une société.
De plus, des peines complémentaires peuvent être prononcées en parallèle de la peine principale. Elles peuvent prendre la forme d’une interdiction d’exercer, une confiscation des biens, une fermeture de l’entreprise, …).
Les formalités communes à toutes embauches
Vous avez fait les vérifications nécessaires, obtenu l’accord de l’administration, il faut désormais respecter la procédure commune à toutes les embauches :
- La DPAE doit être faite dans les 8 jours précédents la date de début du contrat de travail ;
- Si le salarié étranger n’est pas immatriculé auprès de l’assurance maladie, c’est à vous de le faire sur le site AMELI : immatriculation travailleur étranger sécurité sociale
- Le salarié doit bénéficier d’une visite d’information et de prévention dans les 3 mois à compter de la date d’embauche ;
- Remise d’un contrat de travail ;
- Inscription dans le registre du personnel.
Quid du licenciement d’un salarié dont le titre de séjour est expiré ?
En tant qu’employeur d’un salarié étranger vous devez vérifier son titre de séjour et être particulièrement attentif à la date d’expiration du document et ses conséquences.
Un employeur avait licencié un salarié car son titre était expiré, le salarié a porté l’affaire devant les tribunaux pour contester son licenciement, la Cour de cassation – Cass soc 29 novembre 2023 a rendu la décision suivante.
Pour rappel, vous ne pouvez pas garder un salarié de nationalité étrangère qui n’a plus de titre de séjour lui permettant de travailler car il est expiré.
En l’espèce le salarié avait un titre de séjour arrivé à expiration mais malgré les relances de l’employeur, n’avait fait aucune démarche pour renouveler son titre, entrainant de facto son licenciement.
En effet, l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger est une cause objective justifiant le licenciement (pas de faute grave).
Cependant, en cas d’expiration du titre et en cas de demande de renouvellement dans les délais impartis soit dans les 2 mois précédant l’expiration du titre, le salarié peut continuer à travailler pendant 3 mois dans l’attente du renouvellement de son titre. Le licenciement n’est donc pas possible au cours de ces 3 mois.
Dans notre affaire, le salarié reprochait à l’employeur de l’avoir licencier sans attendre le délai de 3 mois. La Cour de cassation décide que le délai s’applique au salarié ayant fait la démarche de demande de renouvellement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, le salarié n’ayant fait aucune démarche, l’employeur pouvait donc le licencier sans attendre le délai de 3 mois. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.