Les conventions de forfait en jours ont été créées par la loi Aubry, puis modifiées par la loi Travail du 8 aout 2016.
Le forfait annuel en jours est un outil permettant de verser au salarié un salaire forfaitaire identique chaque mois en incluant les heures supplémentaires, mais aussi d’aménager le temps de travail permettant de déroger aux horaires collectifs.
Le principe du forfait jour est qu’il est sans référence horaire, étant donné que le nombre d’heures de travail du salarié est impossible à déterminer au regard de sa fonction. Par conséquent, on ne distingue pas les temps de travail effectif, les pauses et les temps de trajet.
La mise en place du forfait annuel en jours n’est pas automatique : il faut un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou de groupe ou, à défaut, une convention ou un accord de branche qui l’autorise expressément, et l’insertion d’une clause dans le contrat de travail ou dans un avenant. C. trav., art. L. 3121-63.
Il faut également suivre l’évolution de la jurisprudence et s’adapter aux décisions de la Cour de cassation qui nous donnent des éléments relatifs aux conditions de licéité des conventions de forfait annuel en jours, notamment le caractère supplétif des convention de forfait lorsqu’un accord d’entreprise ou de branche n’a pas prévu certaines clauses.
Existence d’une convention ou d’un accord collectif préalable
La Convention collective des services de l’automobile (CCNSA), prévoit différentes dispositions relatives au forfait en jours aux articles suivants, en référence à l’avenant 70 du 3 juillet 2014 :
- ARTICLE 1.09 – ORGANISATION DU TRAVAIL – f) Forfait en jours (Avenant n° 70 du 3 juillet 2014 *)
- ARTICLE 4.06 – FORFAIT EN JOURS (Avenant n° 70 du 3 juillet 2014 *)
Salariés éligibles
ARTICLE 1.09 – ORGANISATION DU TRAVAIL – f) Forfait en jours (Avenant n° 70 du 3 juillet 2014 *)
1 – Salariés visés : « Les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonction … peuvent conclurent une convention de forfait en jours … »
L’accord collectif qui prévoit la conclusion de forfait en jours détermine les catégories de salarié susceptibles de conclure une convention de forfait en jours. Article L. 3121-64 du Code du travail.
Par conséquent, au sein de votre entreprise, il est possible de proposer une convention de forfait en jours seulement aux cadres, qui disposent vu leur fonction d’une totale autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Notez qu’un cadre dirigeant dans la mesure où il n’est pas soumis à la législation sur la durée du travail, ne peut être soumis à un forfait en jours.
Nombre de jours travaillés
Article 1.09 f) – 2 nombre de jours de travail – » le nombre de jours travaillés sur la base duquel le forfait est défini ne peut excéder 218 jours. »
Par conséquent, le nombre de jours travaillés dans l’année fixé par l’accord collectif ne peut excéder 218 jours C. trav., art. L. 3121-44 et L. 3121-63 ; il s’agit d’un plafond que vous ne pouvez dépasser, le salarié devant travailler 218 jours comme indiqué.
La convention individuelle de forfait
La mise en place du forfait jour doit être proposée au salarié qui est en droit de le refuser. Son refus ne pourra être à lui seul un motif de licenciement si la convention a été conclue après le 20 aout 2008. Il vous faut donc l’accord exprès du salarié qui passe par une clause figurant dans le contrat de travail ou un avenant qui renvoie à la convention individuelle si la clause du contrat sur le forfait en jours est imprécise.
L’absence d’écrit ou d’un écrit pas assez précis, permettrait au salarié de réclamer le paiement d’heures supplémentaires si il demandait l’annulation de la convention. Par ailleurs, l’absence d’écrit dans le cadre d’un forfait jour pourrait être constitutif du délit de travail dissimulé au regard de l’absence de mention d’heures supplémentaires sur le bulletin de salaire.
La clause du contrat de travail, de l’avenant ou de la convention individuelle de forfait, doit contenir les éléments suivants :
- Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait : exclusivement les cadres autonomes dans la CCNSA ;
- La période de référence du forfait via la CCNSA : « La convention de forfait indique la période annuelle sur laquelle elle s’applique, qui peut être l’année calendaire ou bien la période de référence pour les congés payés visée à l’article 1-15 b) ou toute autre période définie par un accord d’entreprise ou d’établissement ».
- Le nombre de jours travaillés et le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours ;
- Le décompte et l’organisation des jours travaillés : il appartient à l’employeur de tenir un décompte du nombre de journées ou demi-journées travaillées en faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi journées travaillées. Ce document est sous la responsabilité de l’employeur et peut être rempli par le salarié. Toute journée comportant pour partie du temps de travail, même dans des proportions très faibles, doit être comptabilisée comme un jour travaillé, sauf à identifier la prise effective d’une demi-journée de repos ;
- Documents de décompte des jours travaillés : la durée du travail doit être décomptée chaque année par récapitulation du nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié concerné dans un document annuel que l’employeur doit tenir à disposition de l’inspection du travail pendant 3 ans – article D 3171-10 du Code du travail ;
- Incidence de l’embauche ou de la rupture du contrat de travail en cours d’année, sachant que le plafond de 218 jours a été calculé sur la base de 30 jours ouvrables de congés payés.
Dans la CCNSA f) forfait jours 2 – nombre de jours de travail, il est précisé : « Pour les salariés ne bénéficiant pas d’un congé annuel complet, le nombre de jours de travail est augmenté à concurrence du nombre de jours de congés légaux et conventionnels auxquels il ne peut prétendre » ;
- Les règles relatives aux durée maximales du travail doivent être garantis pour la Cour de cassation et ce, même si ces salarié ne sont pas soumis à un décompte horaire du temps de travail ;
- Le respect des temps de repos : repos quotidien de 11 heures minimum et hebdomadaire soit 35 heures consécutives : 24 heures + 11 heures consécutives ; interdit de travailler plus de 6 jours par semaine ;
- La rémunération du salarié via la CCNSA : f) Forfait en jours (Avenant n° 70 du 3 juillet 2014 *) – 4 – Rémunération ;
- Le droit à la déconnexion exercé par le salarié (modalités) ;
- Incidence des congés et des absences : interdiction à ces salariés de récupérer les jours d’absence sauf dérogations légales (intempéries, force majeure, inventaire …). En conséquence, les jours d’absence maladie n’augmentent pas le plafond de 218 jours.
- Prise en compte des jours de congés conventionnels ;
- Possibilité de travailler au-delà du forfait (optionnel) : en accord avec l’employeur, le salarié peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire ;
- Les modalités de suivi du forfait
Mise en place d’un entretien annuel obligatoire qui doit être organisé par l’employeur et qui doit porter sur la charge de travail qui doit être raisonnable, l’organisation du travail, l’articulation entre l’activité professionnelle, la vie personnelle et familiale et la rémunération du salarié.
N’oubliez pas d‘indiquer sur le bulletin de salaire la nature et le volume du forfait : « forfait annuel 218 jours ».
Sachez que la loi travail de 2016 a modifié le contenu des conventions de forfait et qu’en principe, l’accord collectif instaurant le forfait jours doit comporter des dispositions précisant les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail des salariés, et les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, et sur l’organisation du travail dans l’entreprise – Article L.3121-64 II du code du travail.
Du coup, certains accords antérieurs à 2016, sont devenus incomplets ou insuffisants car ils ne comportent pas toutes ces dispositions.
La question était la suivante : sort de la convention individuelle de forfait en jours si l’employeurs ne respecte pas les dispositions supplétives.
Pour pallier à ce problème, le législateur a prévu un dispositif « de rattrapage ou béquille » qualifié de mesures supplétives, qui permet à l’employeur de conclure une convention de forfait (même si l’accord collectif est insuffisant ou incomplet) sous condition de mettre en place unilatéralement les mesures nécessaires pour pallier les lacunes de l’accord collectif sur le suivi de la charge de travail du salarié. Article L 3121-65 du Code du travail.
Ces mesures sont les suivantes : établir un document de contrôle ; que la charge de travail soit compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, organiser une fois par an un entretien avec le salarié afin d’évoquer sa charge de travail.
Si vous ne respectez pas a minima ces dispositions, la convention de forfait sera déclarée nulle par les tribunaux avec notamment pour conséquence une demande de rappel de salaire au titre du paiement d’heures supplémentaires de la part du salarié. Décision de la Cour de cassation arrêt du 10 janvier 2024.
Pour un modèle de convention individuelle de forfait en jours : Convention de forfait en jours