Principes généraux sur la mise en place de l’astreinte
La mise en place d’astreintes concerne plus particulièrement le secteur du dépannage. En conséquence, tout employeur qui organise des astreintes pour ses salariés « dépanneurs » se doit de respecter le cadre légal et conventionnel afin de garantir la conformité avec le droit du travail et éviter tout risque de contentieux ou de sanction administrative. Sachez que la notion d’astreinte est en grande partie fixée par la jurisprudence.
L’astreinte peut être organisée par voie d’accord collectif d’entreprise ou de branche : ARTICLE 1.10 e CCNSA – RÉGLEMENTATION DES PÉRIODES DE TRAVAIL ET DE REPOS, qui fixe leur mode d’organisation et la compensation financière ou en repos à laquelle elles donnent lieu. Il détermine également les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés, sachant qu’ils doivent être informés de la programmation individuelle des astreintes dans un délai raisonnable. À défaut d’accord, les astreintes sont mises en place par décision unilatérale de l’employeur qui fixe le mode d’organisation et la compensation après information et consultation du CSE et information de l’inspecteur du travail.
Pour rappel, une astreinte est une période de temps pendant laquelle le salarié est sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail : article L 3121-9 du Code du travail.
Le salarié ne doit pas être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, et doit rester libre, pendant son temps d’astreinte, de vaquer à des occupations personnelles.
Les astreintes et la jurisprudence
ATTENTION : la jurisprudence de la Cour de cassation et la CJUE (Cour de justice union européenne) tendent à requalifier l’astreinte sur la notion de temps de travail effectif ou temps d’astreinte véritable. Cf : Cass soc 26 octo 2022, N) 21-14-178 – CJUE 9 mars 2021 – C-344/19, D.J. c/Radiotelvizija Slovenija).
Notez le : dès lors qu’il est fait obligation au salarié de demeurer dans des locaux imposés par l’employeur, même s’il ne lui est pas demandé d’effectuer un travail, il s’agira d’un temps de travail effectif (Cour de Cassation sociale du 2 avril 2003, n° 01-40032).
La Cour de cassation ayant renvoyé l’affaire devant une autre Cour d’appel et dans l’attente de sa décision, qui on l’espère nous donnera plus d’éléments, il faut être très vigilant lors de la mise en place des astreintes dans votre entreprise, et ce malgré toutes les contraintes que vous rencontrez.
Pour en savoir plus : Jurisprudence astreinte
Conseils et préconisations pour une meilleure gestin des astreintes
- Informer les salariés concernés sur les modalités de l’astreinte et obtenir leur accord préalable par écrit (via le contrat de travail) ;
- Eviter d’imposer au salarié une réponse immédiate quand l’astreinte se déclenche, laissez lui un délai pour répondre, par conséquent, pas de phrase du type : une réponse du salarié est nécessaire « dans la seconde qui suit l’appel » ;
- Concernant le délai d’intervention : un délai immédiat ou très bref ne convient pas, il faut un délai d’intervention raisonnable supérieur à 30 minutes qui permettrait au salarié de vaquer librement à ses occupations ; il en est de même pour l’obligation de proximité immédiate des locaux par le salarié ;
- Eviter les périodes d’astreinte trop longues et récurrentes : une semaine par mois parait raisonnable ;
- Prévoir un système de rotation des astreintes entre les salariés pour respecter les règles de durée maximale du travail et de repos quotidien et hebdomadaire ;
- Surtout ne pas mentionner que l’exécution de l’astreinte doit se faire depuis le domicile du salarié ou d’un lieu proche et immédiat de celui-ci ;
- Sur l’organisation, l’information et les délais de prévenance : en référence à l’article 1.10 e) Conditions d’emploi particulières de la CCNSA et du code du travail : la programmation individuelle des périodes d’astreinte doit être communiquée par tout moyen conférant date certaine, au moins 15 jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles (au moins un jour franc dans ce cas). A défaut d’accord, l’employeur doit la leur communiquer par tout moyen conférant date certaine au moins 15 jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu’ils en soient avertis au moins un jour franc à l’avance – C. trav. art. L 3121-12 et R 3121-3.
- Remettre impérativement au salarié un document récapitulatif tous les mois indiquant le nombre d’heures d’astreinte et la compensation correspondante. Il faut le conserver pendant un an minimum (3 ans c’est mieux) et le tenir à la disposition de l’inspection du travail ;
- Mettre en place un système de suivi et d’évaluation de la gestion des astreintes pour permettre une amélioration continue de la pratique ;
- Il est essentiel de gérer la planification des astreintes, cela implique de déterminer le nombre d’employés nécessaires pour couvrir les périodes d’astreinte, ainsi que les compétences requises pour répondre aux situations d’urgence ;
- Il est utile de mettre en place un calendrier de rotation des astreintes pour éviter la fatigue excessive des employés, et respecter la législation régissant les périodes d’astreintes. Savoir qui a déjà été planifié en astreinte récemment.
INSERER DANS LA CLAUSE D’ASTREINTE
- La contrepartie financière ou sous forme de repos à la période d’astreinte ;
- Bien définir la programmation des périodes d’astreintes, ses modalités de mise en place, le délai de prévenance du salarié ;
- Indiquer le mode d’organisation de l’astreinte : service / atelier concernés, modalités d’intervention ;
- Ne pas oublier à chaque fin de mois pour les salariés ayant effectué une astreinte de leur remettre un document récapitulatif du nombre d’heures accomplies au cours du mois écoulé et la compensation qui en découle ;
- Préciser l’incidence du temps d’intervention pendant une astreinte sur le temps de repos des salariés et donc des limites qui permettent de garantir les temps de repos quotidien hebdomadaires à ne pas dépasser, ainsi que les durée maximales.
Astreinte et intervention
Quand un salarié est d’astreinte, il ne réalise pas une prestation de travail, sauf en cas d’intervention. Par conséquent, la période d’astreinte sans intervention n’est pas du temps de travail effectif.
A défaut, pendant une période d’astreinte, si le salarié effectue une intervention, la durée de l’intervention constitue un temps de travail effectif et, à ce titre, est prise en compte pour l’application des règles relatives à la durée du travail (calcul des durées maximales de travail, détermination et paiement des heures supplémentaires…).
Pour le calcul de la durée du travail et des éventuelles heures supplémentaires, sont du temps de travail effectif : la durée des déplacements effectués dans le cadre des missions exécutées par le salarié, la durée des trajets à partir du domicile du salarié sous astreinte pour se rendre directement sur les lieux d’intervention, ou pour y retourner après une intervention, la durée des interventions sur site.
Si le salarié n’intervient pas, la période d’astreinte n’est pas déduite de son temps de repos.
Astreinte et temps de repos
Les salariés dont le contrat de travail prévoit une clause d’astreinte doivent être normalement assurés de bénéficier, entre chaque période quotidienne de travail, d’un repos au moins égal à 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives, soit un total cumulé de 35 heures.
Cependant, une compensation en repos devra être donnée d’un commun accord chaque fois que l’interruption entre deux périodes quotidiennes de travail aura été au moins égale à 11 heures, mais non consécutives ; cette compensation devra être plus importante lorsque l’interruption quotidienne sera demeurée au total inférieure à 11 heures.
Lorsque le salarié n’est pas amené à intervenir pendant sa période d’astreinte, « la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien » (article L 3121-10 du Code du Travail).
En fin de mois, l’employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.
ATTENTION : bon nombre d’entreprises organisent les astreintes par semaine complète. Le salarié d’astreinte alterne périodes de travail et d’astreinte sans interruption. De telles entreprises se trouvent en situation de triple infraction : non-respect du repos quotidien, non-respect du repos hebdomadaire, non-respect de la limite à 6 jours de travail par semaine.
Exemples de calcul du repos journalier obligatoire : au moins 11 heures consécutives
Pour un salarié d’astreinte de 18 h à 8 h le lendemain :
1er exemple : pas d’intervention
18 h |
Aucune intervention |
8 h |
⇒ Au moins 11 heures de repos consécutives ;
⇒ Paiement de l’astreinte
2ème exemple : intervention
18 h |
18 h – 21 h Intervention de 3 heures |
11 heures sans intervention |
8 h |
⇒ Au moins 11 heures de repos consécutives (de 21 h à 8 h) ,
⇒ Paiement de l’astreinte ;
⇒ Paiement des 3 heures d’intervention (travail effectif) + indemnité de panier .
3ème exemple : intervention
18 h | 3 heures sans intervention |
21 h – 0 h Intervention de 3 heures |
8 heures sans intervention |
8 h |
⇒ Repos de 11 heures non consécutives et repos compensateur à négocier ;
⇒ Paiement de l’astreinte ;
⇒ Paiement des 3 heures d’intervention (travail effectif) + indemnité de panier .
4ème exemple : intervention
18 h |
4 heures sans intervention |
22 h – 2 h Intervention de 4 heures |
6 heures sans intervention |
8 h |
⇒ Repos de moins de 11 heures et repos compensateur supérieur au cas précédent ;
⇒ Paiement de l’astreinte ;
⇒ Paiement des 4 heures d’intervention (travail effectif) + indemnité de panier.
Rémunération de l’astreinte
La Convention collective nationale des Services de l’automobile (article 1.10 e-1) indique : » Les périodes d’astreinte doivent faire l’objet d’une compensation financière, indépendamment du fait qu’elles donnent lieu ou non à des interventions. Cette compensation peut prendre la forme d’une prime mensuelle fixe, ou bien d’une prime calculée en fonction du nombre, du moment et de la durée des astreintes effectivement tenues « .
Dans tous les cas, le salaire de base devra tenir compte des contraintes du travail les week-end et jours fériés et devra être supérieur au salaire minimum conventionnel de l’échelon du salarié.
Pour ce qui est du temps de travail, seule la durée des interventions (et des déplacements) est comptée comme temps de travail effectif, la durée des astreintes (sans intervention) pouvant se confondre avec le temps de repos. Donc si les interventions sont faites en heures supplémentaires, il faudra veiller à ne pas dépasser le contingent de 220 heures annuelles. Par ailleurs, si un salarié effectue plusieurs interventions au cours d’une même astreinte, il faudra veiller à ce qu’il ait son temps de repos hebdomadaire. La convention collective apporte des précisions à ce sujet (article 1.10 e-1).
Contrat de travail
Il doit prévoir : la rémunération spécifique des astreintes et leurs modalités. Mais attention, depuis l’arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2022, surtout n’insérez plus ce type de phrase qui pour la jurisprudence ne permet pas au salarié de vaquer librement à ses occupations personnelles au cours de la période d’astreinte soit : « permanence tenue au domicile ou en tout lieu autre que le lieu de travail, contact programmé avec une centrale d’appel…). Le contrat doit également contenir les conditions de repos journalier et hebdomadaire, et les compensations en repos doivent être indiquées dans le contrat de travail (ou un avenant). Il sera en outre indispensable d’y mentionner le travail éventuel la nuit, les jours fériés dont le 1er mai et lors d’un repos journalier ou hebdomadaire (le dimanche).
Si une telle clause ne figure pas dans le contrat de travail initial, il faut l’y annexer sous forme d’avenant.
En effet, si le contrat de travail ne prévoit pas le travail habituel le dimanche et les jours fériés, les heures travaillées un jour férié ou un dimanche ouvrent droit à une majoration de 100% du salaire horaire brut de base, qui s’ajoute le cas échéant à celles pour heures supplémentaires !
Il ne faut surtout pas oublier d’établir tous les mois un document qui récapitule les heures d’astreintes effectuées et les contreparties financières mise en place.
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Modèle de Clause d’astreinte
(selon l’article 1.10 –e- de la convention collective)
Du fait que (l’entreprise)….. exerce une activité de dépannage-remorquage, elle assure des permanences de service : M……. effectuera donc des astreintes.
La programmation des périodes d’astreinte sera portée à la connaissance de M. … au moins 15 jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que M…. en soit averti au moins un jour franc à l’avance.
Dans le cadre de ses astreintes, M…… se tiendra prêt, en dehors des horaires d’atelier, à répondre rapidement à une demande d’intervention.
Ces astreintes se tiendront au lieu de son choix; il pourra y être joint par l’intermédiaire : détailler les outils mis à sa disposition.
Pendant les périodes d’astreinte, M……. effectuera des interventions en-dehors des horaires d’atelier, qui pourront l’amener à travailler lors d’un repos journalier ou hebdomadaire, ainsi que la nuit, les jours fériés et le 1er mai.
Les conditions de repos journalier et hebdomadaire et les compensations en repos seront assurées de la manière suivante : ……..
Les périodes d’astreinte donneront lieu à une prime d’astreinte (au choix, préciser : par astreinte, par semaine, par mois)
Les interventions effectuées lors des périodes d’astreinte constituent du temps de travail effectif.