Le 22 août 2021, la loi climat et résilience a mis fin au monopole des constructeurs automobiles sur la pièce de rechange de carrosserie en ouvrant partiellement la concurrence sur certaines pièces détachées automobile. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, certaines pièces sont totalement ouvertes à la concurrence et peuvent désormais être produites par des équipementiers.
La protection des pièces visibles de carrosserie, un principe ancien
Le constructeur dessine et conçoit des nouveaux modèles en permanence. Les véhicules sont protégés par le droit de la propriété intellectuelle. Le droit français confère la possibilité de cumuler plusieurs protections, au choix de son auteur. C’est la théorie de l’unité de l’art.
- Droit d’auteur en tant qu’œuvre de l’esprit,
- Propriété industrielle : dessins et modèles (protection de son apparence), la marque (signe distinctif) et enfin les brevets associés.
Pourquoi les pièces de carrosserie sont-elles dites captives ?
Le droit des dessins et modèles tend à protéger les créations qui présentent une qualité esthétique et un caractère utilitaire. Le constructeur va légitimement faire enregistrer son nouveau modèle y compris son apparence produit (lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux). S’agissant des pièces, une fois incorporées dans le véhicule, elles doivent rester visibles lors de leur utilisation normale par l’utilisateur final.
La protection au titre des dessins et modèles confère au constructeur un droit de propriété exclusif et un monopole d’exploitation englobant la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation, ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle.
Par ailleurs, sur le fondement de l’article L 513-5 du code de la propriété intellectuelle, cette protection était, jusqu’au 31/12/2021 valable 5 ans renouvelable tous les 5 ans sur 25 ans.
De fait, le constructeur pouvait agir au titre d’une contre façon contre tout tiers vendant des pièces de carrosserie sans son autorisation. Ce monopole de droit visait à empêcher que d’autres profitent des investissements et des idées conçues par lui. Il peut également agir pour protéger son droit d’auteur sur le véhicule.
Il n’y avait jusqu’alors donc pas de concurrence sur ce marché. Une saine concurrence se mesure en effet aux nombres de concurrents (atomicité), à la faculté d’entrée d’un nouveau concurrent sur des produits que l’on considère comme substituables. Ce jeu entre les acteurs a en pratique une incidence sur le prix souvent à la baisse. Le consommateur, libre de son choix, va en effet faire un arbitrage entre le prix qu’il est prêt à payer et la qualité souhaitée. Sur le marché de la pièce captive, ce choix ne s’opérait pas, ni au niveau du consommateur, ni bien entendu au niveau du réparateur.
La libéralisation des pièces de carrosserie, une longue bataille
Cette bataille, elle a été menée au niveau national et surtout européen. Les Etats Membres de l’UE n’ont pas tous la même protection. Certains ont une libre concurrence. Se sont vite posées devant les tribunaux, notamment la chambre criminelle de la cour de cassation, des problématiques liées au transit des pièces entre états membres et la protection effective de ces pièces.
La communauté européenne a recherché à harmoniser les législations à plusieurs reprises. Une directive 98/71 CE du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins et modèles s’est traduite par une impossibilité de trouver un accord menaçant même l’adoption de la directive. Puis, à nouveau un règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dans lequel est inscrit le principe d’une libéralisation des pièces de carrosserie mais seulement en tant que disposition transitoire. Il faut comprendre qu’un constructeur peut demander une protection sur le fondement de sa législation nationale mais aussi européenne (pour les dessins et modèles). Si la protection est européenne, la clause de réparation est invocable.
Le long combat pour faire évoluer notre législation nationale menée en tête par la FEDA (fédération de la distribution automobile) est une victoire. Les lignes ont enfin bougé grâce à la loi Climat et Résilience (article 32) publiée le 22 août 2021.
La Loi Climat et Résilience ajoute une restriction aux droits conférés aux constructeurs et réduit le temps de la protection
Le 22 août 2021, l’article 32 de la loi climat et résilience a mis fin au monopole des constructeurs automobiles sur la pièce de rechange en ouvrant partiellement la concurrence sur certaines pièces détachées automobile.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, toutes les pièces de « vitrage » sont totalement ouvertes à la concurrence. Il en est de même pour les autres pièces visibles (rétroviseurs, optiques, carrosserie) produites par les équipementiers dits « de première monte ».
Les autres équipementiers pourront quand à eux produire et commercialiser ces pièces à l’issue d’une période de 10 ans à compter de l’enregistrement du dessin ou du modèle de la pièce (contre 25 ans auparavant).
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