La publicité faite par un garagiste indépendant pour la vente ou la réparation de véhicules d’une marque donnée est-elle, en toutes hypothèses, constitutive d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité ?
Depuis le règlement européen d’exemption 1400/2002, de nombreux agents de marque ont perdu le panneau constructeur, soit parce qu’ils ne sont pas en mesure de satisfaire le nouveau cahier des charges du constructeur, soit parce qu’ils ne souhaitent pas réaliser tous les nouveaux investissements requis. Ainsi, certains constructeurs ont perdu près du tiers des membres de leur réseau secondaire.
Néanmoins, compte tenu de leur expérience et des relations développées depuis souvent de très nombreuses années avec leur clientèle, ces anciens agents de marque souhaitent parfois continuer à intervenir tout spécialement sur la marque du constructeur considéré et diffuser auprès du public leur compétence particulière. Beaucoup s’interrogent alors sur la possibilité de recourir à la notion de « spécialiste » d’une marque.
Dans ce domaine, il convient de se référer à un arrêt de principe de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) en date du 23 février 1999.
En effet selon la CJCE, « les articles 5 et 7 de la première directive 89/104 ne permettent pas au titulaire d’une marque d’interdire à un tiers l’usage de sa marque en vue d’annoncer au public qu’il effectue la réparation et l’entretien de produits revêtus de cette marque, mis dans le commerce sous la marque par le titulaire ou avec son consentement, ou qu’il est spécialisé dans la vente ou la réparation et l’entretien de tels produits, à moins que la marque ne soit utilisée de manière telle qu’elle peut donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre l’entreprise tierce et le titulaire de la marque, et notamment que l’entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution du titulaire de la marque ou qu’il existe une relation spéciale entre les deux entreprises »1.
Cette décision repose sur la théorie communautaire de l’épuisement du droit de marque, consacrée en France par l’article L. 713-4 du Code de propriété intellectuelle qui transpose la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988.
Article L. 713-4 du Code de propriété intellectuelle Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l’Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits. |
Il convient par ailleurs de souligner que la Cour de cassation s’était déjà prononcée dans le même sens que la CJCE.
En définitive, le fait pour un professionnel de se prétendre « spécialiste » de telle ou telle marque n’est pas répréhensible en soi.
Cependant, dès lors que l’usage de la marque est susceptible de créer une confusion dans l’esprit du consommateur, en lui donnant l’impression que le professionnel appartient au réseau du constructeur ou qu’il entretient des relations commerciales avec le constructeur, le professionnel risque alors d’être sanctionné sur le fondement de la concurrence déloyale.
Il en est ainsi, notamment, lorsque le professionnel utilise les logos, dessins ou couleurs de la marque.
Dans cette hypothèse, la responsabilité pénale du professionnel fautif peut même être mise en cause sur la base soit de la contrefaçon, soit de la publicité fausse ou de nature à induire en erreur.
Deux exemples concrets issus des tribunaux :
- Un ancien agent Citroën se présente comme « citroëniste indépendant » sur ses documents publicitaires et appose sur le toit de son garage une enseigne « Citroëniste » avec les lettres « iste » écrites en plus petit corps : considéré comme un acte parasitaire, dès lors que l’utilisation publicitaire du nom commercial est faite par un ancien agent de la marque (Cass. Com. 29-06-1993, n° 91-21.764)
- Un ancien concessionnaire Volvo qui persiste à prendre des initiatives et à se présenter comme spécialiste Volvo dans des opérations publicitaires aboutissant à la vente de véhicules de la marque Volvo : considéré comme un acte parasitaire, dès lors que ces agissements interviennent après la cessation du contrat de concession (Cass. Com. 04-01-1994, n° 92-12.476).
Par ailleurs, il faut bien évidemment justifier de sa qualité de spécialiste de la marque et veiller à ne pas porter atteinte à l’image de la marque.
Attention : la jurisprudence concernant l’usage de la marque d’un constructeur, et plus généralement les réseaux de distribution, est très évolutive. Les tribunaux se prononcent au cas par cas en tenant compte des éléments de fait qui leur sont soumis.