Un arrêt récent de la Cour de Cassation remet partiellement en cause l’obligation de désignation du conducteur par le chef d’entreprise en cas d’infraction routière constatée par radar automatique.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2017, lorsqu’une infraction routière est commise avec un véhicule dont la carte grise est établie au nom d’une personne morale, le chef d’entreprise doit communiquer aux autorités, dans les 45 jours suivant l’envoi ou la remise de la contravention, les coordonnées du conducteur du véhicule. S’il ne le fait pas, il doit payer une contravention de 675 € pour non-désignation du conducteur, minorée à 450 euros et majorée à 1875 euros.
De nombreux chefs d’entreprise ont été verbalisés, notamment des artisans et professions indépendantes telles que des écoles de conduite, au motif que le chef d’entreprise avait réglé – de bonne foi – le montant de la contravention sans au préalable désigner le conducteur ou s’auto-désigner !
Dans un arrêt du 21 avril 2020, la Cour de cassation précise le cadre juridique de l’application de cette obligation de désignation en la limitant aux seules entreprises dotées d’une personnalité morale, à savoir les sociétés commerciales (SA, SARL, SAS, EURL, …).
Par conséquent, toujours selon la Cour de cassation, « l’immatriculation d’un véhicule avec le numéro de Siret de l’entrepreneur ne confère pas, pour ce seul motif, à son propriétaire ou détenteur la qualité de personne morale, de sorte que son dirigeant ne peut être poursuivi ».
Autrement dit, dès lors que le dirigeant de l’entreprise est en nom propre, auto-entrepreneur ou profession libérale, il n’a pas à être sanctionné pour non-désignation du conducteur. La contravention pourra être réglée directement par le chef d’entreprise sans que lui soit reprochée cette non-désignation.
Par contre, si la société est constituée sous forme de société commerciale, le représentant légal doit continuer de désigner la personne responsable de cette infraction (salarié, client, lui-même), sous peine de recevoir un avis de contravention pour non-désignation.
Cet arrêt a donc apporté une précision très utile pour les indépendants mais ne remet pas en cause le principe même de l’obligation de désignation pour les sociétés commerciales.
Quelles conséquences pratiques ?
L’Etat a du modifier les avis de contravention, afin de tenir compte de cet arrêt. Il est nécessaire en effet de préciser les conditions de désignation, en faisant la différence entre une entreprise individuelle et une société commerciale.
⇒ https://www.antai.gouv.fr/professionnel/reglementation/
Vous êtes dirigeant d’une entreprise individuelle, auto-entrepreneur, profession libérale et vous recevez un avis de contravention pour une infraction commise par radar automatisé. Comment réagir ?
Conformément à l’arrêt de la Cour de cassation, vous pouvez payer directement la contravention, à condition que le véhicule soit directement immatriculé à votre nom, ce qui entrainera un retrait de points sur votre permis de conduire. Si vous contestez la réalité de l’infraction pour une raison légale (vol ou vente du véhicule, erreur de forme, …), il vous est toujours possible de la contester en envoyant une requête en exonération dans les 45 jours de l’émission de l’avis, sans désigner le conducteur ni s’auto-désigner.
Si vous recevez par la suite un avis de contravention pour non-désignation, nous vous conseillons de formuler une requête en exonération en faisant expressément référence à l’arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 2020, et en fournissant tout justificatif permettant de démontrer le statut de votre entreprise (ex : extrait K-bis pour les commerçants, extrait D1 pour les artisans). Vous justifierez ainsi ne pas être dans l’obligation de désigner le conducteur.
Attention ! Il faut bien distinguer l’avis de contravention pour une infraction constatée par radar automatique et l’avis de contravention pour non-désignation du conducteur !
La Cour de cassation ne s’est prononcée que sur cette seconde contravention. Par conséquent, si en tant qu’artisan ou profession libérale vous n’avez pas l’obligation de désigner le conducteur responsable de l’infraction, pour autant vous devrez payer la contravention faisant suite à une infraction constatée par radar automatique.
Enfin, la jurisprudence n’est pas rétroactive ; il n’est pas possible de demander un remboursement des contraventions déjà réglées pour non-désignation.
Cour de cassation, chambre criminelle, 21 avril 2020 – arrêt n° 19-86.467