Le commerce intra-communautaire de véhicules d’occasion connait depuis de nombreuses années une fraude importante qui s’appuie sur une utilisation abusive du régime de TVA sur la marge, réservé aux seuls biens d’occasion n’ayant pas ouvert droit à déduction.
Le décret du 24 juin 2015 vise à renforcer les obligations du professionnel de l’automobile souhaitant appliquer le régime de TVA sur la marge.
Le service national de délivrance des quitus ou votre SIE peut vous demander de justifier du régime de TVA sur la marge, par la production d’une attestation signée par le titulaire du certificat d’immatriculation étranger. Cette procédure vous est expliquée en détail dans cette note et nous vous proposons un modèle d’attestation (cf. rubrique « documents complémentaires » pour télécharger ce modèle). |
Si vous achetez des véhicules d’occasion dans d’autres pays de l’Union Européenne, vous pouvez être concerné par ces mesures.
LA TVA SUR LA MARGE
Les assujettis-revendeurs sont des professionnels qui achètent des biens d’occasion en vue de les revendre. C’est le cas notamment du professionnel de l’automobile (garage, concessionnaire, mandataire agissant pour le compte de l’acquéreur du véhicule) qui achète des véhicules d’occasion en Europe en vue de les revendre sur le territoire français.
Sous certaines conditions, ces professionnels sont passibles de la TVA. Mais cette TVA s’applique seulement sur la marge, c’est-à-dire sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat.
Quelles sont les conditions d’application du régime de TVA sur la marge ?
Pour prétendre à l’application du régime de TVA sur la marge (et non plus du régime de TVA sur le prix de vente total), le professionnel doit justifier avoir lui-même acquis le bien sous certaines conditions :
- Avoir acheté un bien d’occasion
D’un point de vue fiscal (pour le paiement de la TVA) et plus particulièrement du point de vue des échanges intra-communautaires, le Code général des Impôts prévoit que les véhicules automobiles sont considérés comme des biens neufs lorsque leur livraison est effectuée :
– dans les six mois suivant la première mise en service (- de 6 mois)
– ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres (- de 6000 km)
Dès lors que l’une des deux conditions est remplie, le véhicule est considéré comme neuf au regard de la TVA.
Exemple 1: un véhicule qui a deux ans mais n’a parcouru que 4 000 kilomètres est neuf au regard de la TVA.
Exemple 2: un véhicule qui a quatre mois et a parcouru 15 000 kilomètres est neuf au regard de la TVA.
Exemple 3: un véhicule qui a dix mois et a parcouru 6 500 kilomètres n’est pas neuf.
Conséquence : le régime fiscal d’une acquisition intracommunautaire (lorsque vous achetez un véhicule dans un autre Etat membre) s’appliquera en fonction de la qualification fiscale du véhicule : véhicule neuf ou véhicule d’occasion.
Seules les livraisons intracommunautaires de véhicules d’occasion peuvent donner lieu à l’application du régime de la TVA sur la marge.
Une seconde condition est cependant nécessaire pour l’application du régime de TVA sur la marge :
- Le bien d’occasion ne doit pas avoir ouvert droit à déduction (votre propre vendeur ne doit pas avoir récupéré la TVA)
Le régime de la marge s’applique aux ventes par un professionnel de l’automobile de véhicules d’occasion qui lui ont été livrés :
- Soit par un non-redevable de la TVA (particulier ou assujetti exonéré)
- Soit par une personne qui n’est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison (bénéficiaire de la franchise en base ou assujetti-revendeur ayant appliqué lui-même le régime de la marge)
Pour l’application du régime de la marge, le véhicule ne doit pas avoir ouvert droit à déduction lors de son acquisition par le professionnel.
Conséquence : la facture d’achat du véhicule qui vous est remise par votre fournisseur étranger ne fait donc pas apparaître la TVA (seul le montant TTC apparait) et il doit mentionner clairement que la vente bénéficie du régime de la marge dans son Etat membre. N’oubliez pas de vérifier également son n° de TVA intracommunautaire.
En quoi consiste à la fraude à la TVA sur la marge ?
Depuis de nombreuses années, certains négociants automobiles appliquent indument le régime de TVA sur la marge en faisant croire que la TVA a déjà été réglée dans le pays d’origine du véhicule.
Le schéma de fraude est le suivant :
Un négociant français achète un véhicule haut de gamme auprès d’un fournisseur établi dans un Etat membre (ex : Espagne). Celui-ci lui délivre une facture indiquant l’application du régime de TVA sur la marge. Or, ce fournisseur qui n’a d’autre rôle que celui de service écran établissant une facture mensongère, a lui-même acquis ce véhicule auprès d’un négociant du pays d’origine de ce véhicule (ex : Allemagne) selon le régime général de TVA.
- Dans cette hypothèse, l’application du régime de la TVA sur la marge par le négociant français constitue une fraude, le véhicule ayant donné lieu à déduction de TVA dans le pays d’origine.
- Cette fraude permet de céder à des particuliers un véhicule haut de gamme à un prix largement minoré dès lors que la cession, en France, ne subit quasiment aucune TVA.
- L’administration fiscale procède à des contrôles au moment de la délivrance du « certificat fiscal », également appelé quitus fiscal, nécessaire à l’immatriculation du véhicule en France. Ce contrôle est cependant purement formel et dépend de la qualité des documents présentés. Le recours à des sociétés écran, destinées à rendre plus opaque le circuit de facturation, rend ces contrôles très difficiles.
Les dispositions issues du décret de 2015 visent à renforcer les obligations administratives sur le commerce intra-communautaire de VO afin de lutter contre cette fraude.
Les obligations issues du décret du 24 juin 2015
Depuis le 1er juillet 2015, date d’entrée en vigueur du décret, le professionnel de l’automobile qui souhaite appliquer le régime de la marge doit justifier du régime de TVA appliqué par le vendeur initial étranger titulaire du certificat d’immatriculation, lorsqu’il n’a pas acquis le véhicule directement auprès de lui (1).
En outre, c’est désormais au professionnel, agissant au nom et pour le compte de l’acquéreur du véhicule, de demander lui-même à l’administration fiscale le certificat fiscal nécessaire à l’immatriculation du véhicule d’occasion en France (2).
1- La justification du régime de TVA sur la marge
Article 242 quaterdecies du Code général des impôts, annexe 2
Chaque fois que le régime de la marge est « revendiqué » par le professionnel de l’automobile (c’est-à-dire par l’assujetti-revendeur lui-même ou un mandataire agissant au nom et pour le compte de l’acquéreur final du véhicule), celui-ci doit fournir un certain nombre de documents à son centre des impôts pour se voir délivrer le certificat fiscal :
- Une copie du certificat définitif d’immatriculation délivré à l’étranger,
- Une copie de la facture d’achat du véhicule qui lui a été remise,
L’administration fiscale peut demander la communication des originaux de ces documents. Ils seront ensuite restitués au demandeur. En cas de refus de sa part, le certificat fiscal ne lui sera pas délivré. Notez que ces documents étaient déjà demandés par les centres des impôts avant la parution du décret.
Attention: lorsque le professionnel de l’automobile n’a pas acquis directement le véhicule auprès du titulaire du certificat d’immatriculation (c’est le cas lorsqu’il existe un ou plusieurs intermédiaires entre le titulaire du certificat d’immatriculation situé à l’étranger et le revendeur final situé en France), il doit en outre fournir au centre des impôts :
- Une copie de la facture de vente du véhicule par le titulaire (étranger) du certificat d’immatriculation indiquant que cette vente n’a pas été soumise à la TVA
OU
- A défaut de pouvoir fournir ce document : le vendeur professionnel devra fournir une attestation signée par le titulaire (étranger) du certificat d’immatriculation, mentionnant qu’il n’a lui-même pas soumis cette vente à la TVA ou qu’il n’est pas assujetti à la TVA.
Mentions obligatoires que le titulaire du certificat d’immatriculation doit faire figurer sur l’attestation :
- ses nom et prénom ou sa raison sociale,
- son adresse,
- son n° individuel d’identification à la TVA,
- le n° et la date d’émission de la facture de vente,
- les nom et prénom ou la raison sociale et l’adresse de l’acquéreur de son véhicule,
- les caractéristiques du véhicule.
Nous vous proposons un modèle d’attestation à faire remplir par le titulaire étranger du certificat d’immatriculation. Téléchargez ce modèle dans la rubrique « documents complémentaires » ci-dessous. |
Conseil pratique : demandez ce document à votre fournisseur
Si vous appliquez du régime de la TVA sur la marge, vous devez demander ces documents à votre propre fournisseur ou à défaut directement auprès du titulaire du certificat d’immatriculation étranger.
Si vous ne produisez pas ces documents, le centre des impôts ne vous délivrera pas le certificat fiscal et le véhicule ne pourra pas être immatriculé en France. A défaut, vous pourrez obtenir le certificat fiscal en réglant, auprès du centre des impôts, la TVA sur le prix total du véhicule (et non pas la TVA sur la marge).
Si cette attestation n’est pas rédigée en français, le vendeur professionnel devra joindre à cette attestation une traduction certifiée. Notez que l’obligation de traduire les documents étrangers existait avant la parution de ce décret
En effet, l’administration exige que les documents étrangers soient obligatoirement accompagnés, pour l’accomplissement de certaines démarches administratives ou la reconnaissance de certains droits, de leur traduction par un traducteur agréé. On parle de traduction « certifiée » ou « officielle ».
Vous pouvez obtenir la liste des traducteurs agréés auprès de votre mairie ou de votre cour d’appel.
2 – La demande de certificat fiscal
Pour l’application du régime de la marge, il appartient désormais aux professionnels de l’automobile de demander eux-mêmes le certificat fiscal auprès du centre des impôts après avoir réuni l’ensemble de ces documents.
Dans cette hypothèse du régime de la marge, le professionnel de l’automobile ne peut plus demander à son client de se rendre au centre des impôts pour procéder à cette formalité.
L’ensemble de ces dispositions est applicable depuis le 1er juillet 2015.
Vous trouverez sous ce lien l’Instruction Fiscale du 2 septembre 2015 présentant ces nouvelles dispositions.