Le pouvoir disciplinaire de l’employeur

Un de vos salariés, ne respecte pas ses horaires de travail, a un comportement inapproprié, ne respecte pas les consignes de travail……

A plusieurs reprises vous l’avez interpelé oralement sur votre mécontentement en lui demandant de se reprendre, mais rien n’y fait.

Vous décidez de le sanctionner, mais vous ne savez pas comment procéder.

Qu’est-ce qu’une faute?

Selon le code du travail « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ». Art. L.1331-1 CT.

Il faudra identifier l’agissement considéré comme fautif et appliquer la sanction adéquate.

Comme il n’existe pas de définition légale de la faute, on va considérer qu’il s’agit d’un comportement du salarié qui ne correspond pas à l’exécution normale de la relation contractuelle, qui se manifeste par un acte positif ou une abstention volontaire.

Notez-le : certains comportements ne sont pas sanctionnables :

  • L’exercice du droit de grève n’est pas une faute, ni un motif de sanction ;
  • La participation à une manifestation publique en dehors du temps de travail sauf si elle cause un trouble dans l’entreprise compte tenu de la fonction du salarié et de la nature de l’activité de l’entreprise ;
  • Les opinions émises par les salariés dans le cadre de leur droit d’expression ;
  • L’exercice du droit de retrait du poste de travail en cas de situation de danger grave et imminent ;
  • Le refus pour un salarié à temps plein de travailler à temps partiel ;
  • Respect du principe de non-discrimination, L.1132-1 et L 1132-4 CT : aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique…

Attention : un fait imputé à un salarié, dès lors qu’il relève de sa vie personnelle, ne peut constituer une faute. Cass. Soc ; 16déc. 1997, n° 95-41.326, n° 4955 P. A titre d’exemple, vous ne pouvez pas prononcer une sanction disciplinaire fondée sur le contenu d’une correspondance privée adressée au salarié sur son lieu de travail, ou le cas d’un salarié qui se fait adresser sur son lieu de travail une revue destinée à des couples échangistes. Le trouble objectif survenu dans l’entreprise suite à la lecture du contenu de ce courrier ne peut donner lieu, à lui seul, à une sanction disciplinaire. Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40.803,

Par conséquent, seul un trouble caractérisé apporté au bon fonctionnement de l’entreprise et découlant directement du comportement du salarié vous autoriserait à d’utiliser votre pouvoir disciplinaire.

Le cas de la suspension ou du retrait du permis de conduire du salarié

  • L’infraction a été commise hors temps de travail 

Au cours du Week end, votre salarié a : pris le volant sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiant, a commis un infraction au code la route, et suite à un contrôle, se retrouve avec un permis de conduire suspendu ou retiré. Comment gérer cette situation ?

L’infraction ayant eu lieu hors du temps de travail, il est impossible de licencier le salarié pour faute, le caractère disciplinaire ne peut être retenu, mais rien ne vous empêchera de le licencier pour cause réelle et sérieuse (pas de notion de faute) au regard du poste occupé par celui-ci.

En effet, si la fonction de votre salarié nécessite l’usage d’un véhicule (commercial sur le terrain) et que la perte de son permis ne lui permet plus d’exécuter ses fonctions, vous pourrez le licencier pour cause réelle et sérieuse pour trouble causé au service ou à l’entreprise. 

A contrario, si la suspension ou le retrait du permis permet au salarié d’exécuter son travail car certaines tâches ne nécessitent pas la conduite d’un véhicule, pas de licenciement possible car vous ne pouvez pas justifier d’un trouble causé au service ou à l’entreprise. Il faudra dans ce cas réaménager le poste du salarié, en lui interdisant toute conduite de véhicule. Il est toujours opportun de formaliser a minima par écrit le fait que la poste est « aménagé » du fait de la perte ou de la suspension du permis qui débute à telle date et se finit à telle autre. A titre d’exemple un mécanicien ne pourra plus faire d’essai sur les voitures mais pourra toujours en effectuer la maintenance et les réparations.

  • L’infraction a été commise pendant le temps de travail 

Si les faits privent temporairement ou définitivement de son permis le salarié et qu’ils ont été commis dans l’exercice de ses fonctions, le licenciement disciplinaire est possible dans la mesure où un manquement aux obligations contractuelles doit être démontré.

Vous pourriez être tenté d’insérer une clause prévoyant le rupture du contrat de travail en cas de retrait ou de suspension du permis. Attention, la jurisprudence de la Cour de cassation rappelle « qu’aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu’une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement ». Le licenciement ne peut être exclusivement motivé sur ce cas.

A défaut, n’hésitez pas à indiquer que vous êtes en droit de demander au salarié de pouvoir présenter à votre demande l’original de son permis.

La connaissance des faits fautifs

Vous disposez d’un délai de 2 mois pour engager une procédure disciplinaire à compter du jour où vous avez pris connaissance du ou des agissements fautifs de votre salarié, sauf si des poursuites pénales sont engagées dans le même délai (art. L. 1332-4 – CT). Passé ce délai, il y a prescription, vous ne pouvez plus rien faire.

ATTENTION : le code du travail indique « à compter du jour où l’employeur en a connaissance… ».

Quel sens recouvre le mot employeur ? Vous en tant que représentant de l’entreprise et donc titulaire du pouvoir de direction ou le responsable de l’atelier qui est le supérieur direct du salarié ?

La Cour de cassation en sa chambre sociale du 23 juin 2021, n° 20-13.762, précise les contours du terme « employeur », suite à une procédure de licenciement le 7 juin 2012. Le salarié avait tenu des propos dénigrants et portant atteinte à l’entreprise devant des clients lors d’une réunion le 6 avril 2012. Les faits se sont déroulés devant son supérieur hiérarchique qui a établi un rapport, transmis à l’employeur le 17 mai 2012 pour des faits datant du 6 avril. Le salarié a été convoqué le 7 juin à un entretien préalable pour des faits survenus le 6 avril soit plus de 2 mois après, et licencié le 13 juillet.

Pour la Cour de cassation, le mot employeur s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même s’il n’est pas titulaire de ce pouvoir.

Le délai de prescription court donc à compter du jour où le supérieur hiérarchique a connaissance des faits.

Qu’est-ce qu’une sanction ?

A la lecture de l’article L 1331-1 du Code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Attention, il peut être difficile de distinguer si les observations faites à l’encontre d’un salarié constituent une sanction disciplinaire ou non. L’enjeu est important car en droit français le principe est : « une faute, une sanction », car il est interdit de sanctionner deux fois les mêmes faits. En effet, à défaut de grief nouveau, des faits déjà sanctionnés ne peuvent faire l’objet d’une seconde sanction, car l’employeur a alors épuisé son pouvoir disciplinaire à l’égard des faits déjà sanctionnés. Cass. soc., 25 mai 2004, n° 02-44.272 Cass. soc., 3 févr. 2004, n° 01-45.989.

Exemple : des avertissements constituent une sanction et les faits déjà sanctionnés par un avertissement ne peuvent faire l’objet d’une deuxième sanction (licenciement …) en l’absence d’élément nouveau, c’est la persistance du comportement fautif qui permet de justifier une nouvelle sanction. 

A été considéré comme étant une sanction, un message électronique de l’employeur adressant divers reproches à un salarié et l’invitant de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure le mois suivant.

N’ont pas été considérés comme étant une sanction : des lettres de l’employeur se bornant à demander à un salarié de se ressaisir et contenant des propositions à cette fin ; des courriers adressés au salarié lui demandant de modifier son comportement. Cela a été considéré comme un simple rappel à l’ordre. Le salarié ne peut dès lors pas en demander l’annulation.

Vous êtes libre du choix de la sanction sous réserve :

  • D’appliquer une des sanctions prévues par le règlement intérieur obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés ;
  • De respecter les règles disciplinaires prévues par la convention collective (rien dans la CCN des services de l’automobile) ;
  • De ne pas sanctionner pour un motif discriminatoire ;
  • De ne pas infliger de sanction pécuniaire : des retenues sur salaires sanctionnant un comportement fautif sont interdites, le retrait d’une prime de rendement pour tout autre raison qu’une baisse de rendement. En cas de dommage causé au véhicule de l’entreprise, vous ne pouvez pas demander au salarié de rembourser les frais de réparation sauf si ce dernier a commis une faute lourde. Seul le cas de la mise à pied disciplinaire ou de la rétrogradation est autorisé ;
  • De veiller à prononcer une sanction proportionnelle à la faute commise.

Les sanctions les plus courantes sont : le blâme, l’avertissement, la mise à pied disciplinaire, la rétrogradation et le licenciement.

En droit français parlera de sanction mineure comme l’avertissement et de sanctions majeures comme la mise à pied disciplinaire, la rétrogradation, le licenciement. La différence étant que les sanctions mineures ne nécessitent pas la mise en place d’un entretien préalable alors que les sanctions majeures sont obligatoirement précédées d’un entretien préalable.

La procédure applicable aux sanctions mineures

Le choix d’un avertissement, sanction mineure ne nécessite pas la mise en place d’un entretien préalable. Mais si vous pensez qu’un entretien préalable serait utile pour une vraie prise de conscience du salarié de ses erreurs ou problème, vous pouvez décider de le convoquer, mais en respectant la procédure disciplinaire des sanctions plus graves (délais, courrier entretien …).

Si vous optez pour une sanction mineure sans entretien préalable, il faudra notifier par écrit la sanction retenue en indiquant explicitement et clairement les griefs retenus contre le salarié. Votre décision doit être motivée et écrite par courrier recommandé ou remis en main propre contre décharge. N’oubliez pas le délai de 2 mois pour sanctionner à compter de la date des faits fautifs.

La procédure applicable aux sanctions lourdes

Cela concerne une mise à pied disciplinaire, une rétrogradation, voire un licenciement. Il s’agit d’une sanction ayant une incidence immédiate ou non sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Le délai de prescription de 2 mois s’applique également à la date des faits fautifs.

Vous désirez sanctionner votre salarié sans aller sur le terrain du licenciement, la procédure est la suivante :

  • Convocation du salarié à un entretien préalable à sanction disciplinaire (modèle sur le site) ;
  • Le salarié pourra se faire assister exclusivement par un salarié de l’entreprise ;
  • Pas d’obligation de respecter un délai légal entre l’envoi du courrier ou sa remise en main propre et la date de l’entretien, mais fortement conseillé de respecter au minimum 3 jours afin que le salarié puisse se faire assister ;
  • Il faut respecter obligatoirement un délai minimum de 2 jours ouvrables après l’entretien, pour l’envoi en recommandé ou remise en main propre au salarié du courrier de sanction (toujours très motivée), et respecter un délai maximum de 1 mois après le jour de l’entretien pour sanctionner.
  • Le fait d’avoir choisi l’option entretien préalable à sanction disciplinaire ne vous oblige pas à sanctionner lourdement, vous pouvez décider d’un simple avertissement.

Vous décidez d’aller sur le terrain du licenciement, il faut mettre en place la procédure suivante :

  • Convocation du salarié à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (modèle sur le site) ;
  • Le salarié pourra se faire assister par un salarié de l’entreprise ou par un conseiller du salarié extérieur si vous n’avez pas d’instance représentative du personnel ;
  • Il faut respecter un délai légal de 5 jours ouvrables entre l’envoi ou la remise du courrier et la date de l’entretien, il vaut mieux prévoir 8 jours par sécurité ;
  • Les délais minimum et maximum sont identiques ;
  • Le fait d’avoir choisi l’option entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, ne vous oblige pas à sanctionner lourdement, vous pouvez décider d’un simple avertissement, d’une mise à pied ou de licencier votre salarié.

La procédure vous est désormais familière, il va falloir vous préparer à mener au mieux l’entretien qu’il soit préalable à sanction ou pouvant aller jusqu’au licenciement.

Comment se comporter au cours de l’entretien ?

  • C’est vous en tant que représentant de l’employeur (ou votre représentant) qui menez l’entretien ;
  • Au début de l’entretien, vous expliquez au salarié pourquoi vous l’avez convoqué, vous lui indiquez les griefs qui lui sont reprochés et attentez en retour qu’il vous fournisse des explications. L’entretien est un lieu d’échange et de discussion, le but est d’éclaircir certains points. Il peut arriver qu’avant l’entretien vous vouliez licencier le salarié or, ses explications vous ont convaincu et vous décidez d’une sanction plus légère.
  • Attention surtout à la fin de l’entretien, ne jamais indiquer au salarié qu’il sera licencié ou mise à pied (souvent les salariés demandent ce qu’ils vont encourir), mais que vous avez entendu les explications fournies et que rien n’est décidé ;
  • Prenez des notes au cours de l’entretien, cela vous sera utile pour la rédaction du futur courrier, qui pour information doit être motivé, reprendre ce qui a été dit et évoqué, vous ne pouvez pas ajouter d’autres choses ;
  • Vous pouvez vous faire assister par le responsable direct du salarié si cela est nécessaire, mais jamais par un avocat ou une personne extérieure. Ne soyez jamais plus de deux, l’entretien n’est pas un procès mais un échange.
  • Si le salarié vient accompagné d’un conseiller du salarié, demandez lui sa carte. Il pourra intervenir au cours de la discussion, poser des questions, mais gardez à l’esprit que c’est vous qui menez l’entretien ;
  • N’imposez pas une durée minimale ou maximale pour l’entretien, cela doit durer le temps nécessaire.

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