Tenue vestimentaire, coiffure, barbe, tatouages, piercings, grossophobie ….
Le Défenseur des droits interpelle les employeurs sur les pratiques de discrimination tant lors de l’embauche que lors du déroulement de carrière, et formule une série de recommandations dans un document : « Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2019-205 sur l’apparence physique, 2 octobre 2019″.
Le document énonce :
– les règles applicables concernant l’interdiction de prendre en compte l’apparence physique lors du recrutement et lors de la relation d’emploi
– l’interdiction et la sanction du harcèlement discriminatoire fondé sur l’apparence physique ;
– les restrictions qui peuvent être permises en matière d’exigences vestimentaires et de présentation et la nature des sanctions éventuelles en cas de non-respect.
Les employeurs sont invités à :
– définir dans un document écrit (règlement intérieur, contrat de travail, note de service, circulaire etc…) toutes les contraintes et restrictions éventuelles en matière d’apparence physique ;
– veiller à prévenir toute discrimination et tout fait de harcèlement discriminatoire fondé sur l’apparence physique et à sanctionner de manière effective et dissuasive les agissements discriminatoires ;
– former leur personnel sur la question.
Cadre juridique
L’apparence physique des salariés peut être définie comme l’ensemble des caractéristiques physiques et des attributs visibles propres à une personne (tenue vestimentaire, coiffure, barbe, tatouage, minceur, etc.). Elle relève de leur liberté individuelle.
Il est interdit de prendre en compte l’apparence physique du salarié lors du recrutement ou de la relation d’emploi sous peine de commettre une discrimination (article L 1132-1 du Code du travail).
Toute entreprise d’au moins 300 salariés et toute entreprise de recrutement doit former ses chargés de recrutement à la non-discrimination à l’embauche, en renouvelant cette formation au moins une fois tous les 5 ans (article L 1131-2 du Code du travail).
Des restrictions à la liberté des salariés ne sont admises que si elles sont
- justifiées par la nature de la tâche à accomplir ;
- proportionnées au but recherché ;
- ou liées principalement à des raisons de santé, d’hygiène, de sécurité, ou encore à l’image de l’entreprise, la décence ou la nécessité d’être identifié par la clientèle.
⮲ L’employeur peut ainsi exiger le port d’une tenue de travail destinée à protéger le salarié lors de l’utilisation de produits ou d’outils dangereux, cette obligation étant justifiée par la nature de la tâche à accomplir.
- Nous vous conseillons d’y consacrer une clause dans le contrat de travail de vos salariés, précisant l’obligation d’utiliser les équipements de protection (tenue de travail, chaussures de sécurité, gants et masques de protection, bouchons d’oreille, etc.) et de respecter les consignes de sécurité sous peine de sanctions.
L’employeur peut interdire le port de tenues considérées comme indécentes susceptibles de créer un trouble dans l’entreprise ou de choquer la clientèle. Dans ce cas, il doit définir les restrictions dans un document écrit à l’attention des salariés.
Annexes et exemples
La « Décision-cadre » du Défenseur des Droits comporte cinq annexes qui définissent les règles applicables en matière de discrimination sur l’apparence physique et citent de nombreux exemples. En voici quelques extraits.
Annexe 1 : Obésité et grossophobie
Annexe 2 : Tenues vestimentaires
Tenue conforme aux règles d’hygiène et de sécurité
L’employeur peut exiger le port d’une tenue de travail destinée à protéger le salarié contre l’utilisation de produits ou d’outils dangereux pour autant que cette obligation soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
L’employeur peut également légitimement imposer à son personnel médical, tout comme de tout salarié en contact avec des aliments ayant vocation à être servis au public (restauration, industrie alimentaire, etc.), une hygiène irréprochable en raison du risque de transmission de maladie (ex : obligation de porter des ongles courts et soignés, le cas échéant sans vernis ni faux-ongles). La tenue sale d’un ouvrier charcutier qui avait fait l’objet de remarques défavorables de la part de la clientèle a ainsi été considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Tenue correcte et soignée
Si de simples négligences vestimentaires ne peuvent pas justifier un licenciement, l’employeur est a priori en droit d’exiger que ses salariés en contact avec le public soient coiffés et habillés de manière convenable. Ces exigences reconnues par la jurisprudence semblent justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées par rapport au but de servir au mieux la clientèle.
Dès lors, le grief tiré du non-respect de l’obligation faite au salarié par le règlement intérieur de porter une tenue en harmonie avec les couleurs de l’enseigne, ou d’être « correctement coiffé » ne peut être considéré comme revêtant un caractère discriminatoire.
Tenue décente
L’employeur peut interdire le port de tenues considérées comme indécentes susceptibles de créer un trouble dans l’entreprise ou de choquer la clientèle.
A ainsi été jugé justifié le licenciement d’une salariée qui se déplaçait dans les bureaux de l’entreprise vêtue d’un chemisier transparent sans soutien-gorge.
Un employeur ne peut pas reprocher à une cadre de s’être présentée chez un client en jeans et en bottes alors qu’une telle tenue n’est, en elle-même, de nos jours et dans un tel contexte, en rien incongrue ni déplacée, mais demeure au contraire parfaitement correcte, y compris pour un ingénieur d’études, pour autant du moins qu’elle soit normalement soignée.
Codes vestimentaires obéissant à des stéréotypes de genre
Une agente d’exploitation d’une société de sécurité, transgenre et en phase de transition, qui était venue travailler maquillée et vêtue d’une jupe et de talons hauts, avait également été licenciée par son employeur au motif que son comportement était déloyal et portait atteinte au sérieux, au professionnalisme et à la crédibilité de l’entreprise vis-à-vis de ses clients. L’employeur estimait qu’un homme habillé en femme était déguisé et qu’il s’agissait d’un « déguisement curieux ». La cour d’appel de Grenoble a jugé le licenciement discriminatoire car fondé sur l’apparence physique et le sexe du salarié.
Annexe 3 : Coiffures
Des restrictions peuvent être admises en matière d’hygiène, de santé et de sécurité, ou encore si elles sont en lien avec l’image de marque.
Un employeur est en droit de sommer un employé de banque ayant la tête rasée sur les côtés et surmontée d’une crête jaune centrale gominée de revenir à une coiffure plus discrète
Cheveux texturés (afro, tresses, etc.) et discrimination fondée sur l’origine
Des restrictions concernant la coiffure du cheveu texturé ou des exigences de coiffure obéissant à des normes euro-centrées sont susceptibles de caractériser des discriminations fondées sur l’apparence physique rapportée à l’origine ethnique.
Annexe 4 : Barbes
Annexe 5 : Tatouages et piercings
Les considérations générales liées à l’image de l’entreprise privée ou à l’obligation de dignité des fonctionnaires et agents publics ne permettent pas, en tant que telles, de justifier des restrictions générales et absolues en matière de tatouage et de piercing. Les employeurs privés et publics doivent dûment justifier le caractère approprié et proportionné de ces restrictions.
Piercings et image de marque
La tendance actuelle démontre que les juridictions sont devenues nettement plus permissives y compris concernant des postes où les salariés sont en contact avec la clientèle voire dans des métiers de représentation.
Retrouvez sous ce lien la « Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2019-205 sur l’apparence physique, 2 octobre 2019″ https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/decision-cadre_apparence_physique.pdf