Après plusieurs mois de débats houleux, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, a été validée par le Conseil constitutionnel en date du 14 avril, puis promulguée et publiée au JO du 15 avril 2023. LOI n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Attention, si la loi a été promulguée et publiée au JO, la plupart des mesures sont entrées en vigueur le 1er septembre 2023 et certaines nécessitent la mise en place de décrets d’application. D’autres, sont d’ores et déjà applicables depuis le 16 avril 2023.
Focus sur les principales mesures de la réforme des retraites qui vont impacter salariés et employeurs, ainsi que les décrets d’application parus au JO.
Les 2 premiers décrets sur la réforme des retraites ont été publiés au JO du 4 juin 2023 : ils concernent l’augmentation progressive de l’âge de la retraite et de la durée de cotisations, ainsi que les modalités de départ anticipés pour les carrières longues, handicap, inaptitude et incapacité permanente.
- Décret n° 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi n° 223-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- Décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 portant application des articles 10 et 11 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Age légal de départ à la retraite
Il va falloir travailler plus longtemps du fait du relèvement progressif de l’âge légal de départ en retraite qui passe de 62 à 64 ans à compter du 1er septembre 2023.
Cette mesure augmente l’âge actuel de départ à la retraite (62 ans) de 3 mois par année de naissance au 1er septembre 2023, jusqu’à atteindre 64 ans pour les générations nées à partir du 1er janvier 1968.
Les premiers impactés sont les personnes nées après le 31 août 1961.
Année de naissance de l’assuré |
Âge légal de départ à la retraite (hors départs anticipés) |
Durée d’assurance requis |
1955, 1956 et 1957 |
62 ans |
166 trimestres |
Entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 |
62 ans |
167 trimestres |
Entre le 1er janvier et le 31 août 1961 |
62 ans |
168 trimestres |
Entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1961 inclus |
62 ans et 3 mois |
169 trimestres |
1962 |
62 ans et 6 mois |
169 trimestres |
1963 |
62 ans et 9 mois |
170 trimestres |
1964 |
63 ans |
171 trimestres |
1965 |
63 ans et 3 mois |
172 trimestres |
1966 |
63 ans et 6 mois |
172 trimestres |
1967 |
63 ans et 9 mois |
172 trimestres |
1968 |
64 ans |
172 trimestres |
1969 |
64 ans |
172 trimestres |
Augmentation de la durée de cotisations
En parallèle du report de l’âge légal, le Conseil constitutionnel a validé l’accélération du calendrier (réforme Touraine) de l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite taux plein, soit 172 trimestres représentant 43 annuités. Voir tableau ci-avant.
Cette mesure prend effet au 1er septembre 2023, donc pour les générations nées après le 31 août 1961.
L’âge de 67 ans pour bénéficier automatiquement d’une retraite à taux plein reste inchangé au 1er septembre 2023.
Annulation de la pension ou de la demande de pension
La réforme applicable au 1er septembre 2023, va impacter certains assurés.
En effet, certains devront décaler la date de liquidation de leur pension de vieillesse puisqu’ils n’auront pas atteint le nouvel âge légal à la date à laquelle ils envisageaient de partir, alors que d’autres devront décaler leur départ pour atteindre la nouvelle durée d’assurance requise pour un taux plein.
Pour les salariés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre 2023, et qui la pension prend effet après le 31 août 2023, pourront demander l’annulation de leur pension ou de leur demande de pension, en faisant une demande entre le 5 juin et le 31 octobre 2023.
Les départs anticipés
Pour carrières longues
Le dispositif des carrières longues est maintenu avec la création de 4 bornes d’âge. Le décret supprime la borne d’âge de début d’activité de 17 ans et ajoute celles de 18 et 21 ans.
Par conséquent, les salariés qui justifient de la durée d’assurance cotisée requise (de 4 à 5 trimestres validés avant la borne d’âge), pourront partir en retraite anticipée.
Les salariés nés avant le 1er septembre 1961, ne sont pas concernés.
A – Salariés nés après le 1er septembre 1961 ayant commencé à travailler avant 16 ans : départ à 58 ans sous conditions :
- Avoir cotisé 5 trimestres avant la fin de l’année civile du 16ème anniversaire (ou 4 si né entre le 1er octobre et le 31 décembre) ;
- Avoir enregistré le nombre de trimestres requis : entre 169 et 172 trimestres, selon l’ année de naissance.
B – Salarié ayant commencé à travailler avant 18 ans : départ à partir de 60 ans, sous conditions :
- Avoir cotisé 5 trimestres avant la fin de l’année civile du 18ème anniversaire (ou 4 si né entre le 1er octobre et le 31 décembre) ;
- Avoir enregistré le nombre de trimestres requis : entre 169 et 172 trimestres, selon l’année de naissance.
C – Salarié ayant commencé à travailler avant 20 ans : départ entre 60 et 62 ans (selon l’année de naissance), sous conditions :
- Avoir cotisé 5 trimestres avant la fin de l’année civile du 20ème anniversaire (ou 4 si né entre le 1er octobre et le 31 décembre) ;
- Avoir enregistré le nombre de trimestres requis : entre 169 et 172 trimestres, selon l’année de naissance.
D – Salarié ayant commencé à travailler avant 21 ans : départ à partir de 63 ans, sous conditions :
- Avoir cotisé 5 trimestres avant la fin de l’année civile du 21ème anniversaire (ou 4 si né entre le 1er octobre et le 31 décembre) ;
- Avoir enregistré le nombre de trimestres requis : 172.
Pour en savoir plus, la CNAV a publié le 10 juillet 2023, une circulaire dédiée au régime de retraite anticipée pour carrières longues au 1er septembre 2023 Circulaire CNAV carrières longues
Pour connaître le nombre de trimestres requis selon l’année de naissance, utilisez le simulateur Info Retraite.
La clause de sauvegarde
C’est une nouveauté qui va s’appliquer aux salariés éligibles au dispositif de départ anticipé pour carrières longues avant le 1er septembre 2023 mais qui ne le seront plus après du fait de l’accélération du relèvement de la durée d’assurance requise.
Par conséquent, pour les salariés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 qui justifient avant le 1er septembre 2023, de la durée d’assurance requise avant l’entrée en vigueur de la réforme pourront demander à prendre leur retraite anticipée à compter du 1er septembre 2023, dans les conditions d’ouverture de droit applicables avant l’entrée en vigueur de la réforme.
Les salariés de la génération 1963 pourront prendre leur retraite anticipée en 2023, la clause leur permettra de partir s’ils justifient de 168 trimestres cotisés alors que 170 trimestres sont désormais requis du fait de la réforme.
Pour les travailleurs handicapés
Pour rappel : avant le 1er septembre 2023
Le droit à une retraite anticipée dès 55 ans est ouverte sous conditions d’une durée totale d’assurance, d’une durée cotisée et d’une situation de handicap soit un taux d’incapacité permanente d’au moins 50% ou handicap équivalent, justifiée pour chacune des durées.
Pour les non éligibles, une commission examine leur situation si ils sont atteints d’une IP d’au moins 80%.
A partir du 1er septembre
Le décret maintient l’âge de départ à la retraite anticipée des travailleurs handicapés (RATH) à partir de 55 ans.
Les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé ont été assouplies :
- le taux d’incapacité pour saisir la commission ad hoc au moment du départ qui permet une validation rétroactive de trimestres en situation d’handicap est abaissé de 80 à 50% ;
- la double condition de trimestres cotisés et validés est supprimée, seule la condition de trimestres cotisés est toujours en vigueur. La durée de cotisation correspond à la durée de cotisation de droit commun diminuée du nombre de trimestres suivant l’âge de départ à la retraite.
Conditions d’accès au dispositif après la réforme, pour une retraite anticipée des salariés lourdement handicapés
Année de naissance des assurés |
Age de départ anticipé |
Durée de cotisation de droit commun diminuée de : |
Nés jusqu’au 31 décembre 1962 |
55 ans |
61 trimestres |
56 ans |
71 trimestres |
|
57 ans |
81 trimestres |
|
58 ans |
91 trimestres |
|
59 ans |
101 trimestres |
|
Nés entre le 1er janvier 1963 et le 31 décembre 1964 |
55 ans |
62 trimestres |
56 ans |
72 trimestres |
|
57 ans |
82 trimestres |
|
58 ans |
92 trimestres |
|
59 ans |
102 trimestres |
|
Nés entre le 1er janvier 1965 et le 31 décembre 1966 |
55 ans |
63 trimestres |
56 ans |
73 trimestres |
|
57 ans |
83 trimestres |
|
58 ans |
93 trimestres |
|
59 ans |
103 trimestres |
|
entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 |
55 ans |
62 trimestres |
56 ans |
72 trimestres |
|
57 ans |
82 trimestres |
|
58 ans |
92 trimestres |
|
59 ans |
102 trimestres |
|
Nés entre le 1er janvier 1970 et 31 décembre 1972 |
55 ans |
61 trimestres |
56 ans |
71 trimestres |
|
57 ans |
81 trimestres |
|
58 ans |
91 trimestres |
|
59 ans |
101 trimestres |
|
Nés à partir du 1er janvier 1973 |
55 ans |
60 trimestres |
56 ans |
70 trimestres |
|
57 ans |
80 trimestres |
|
58 ans |
90 trimestres |
|
59 ans |
100 trimestres |
Pour incapacité permanente
Avant la réforme, les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ayant entrainé une incapacité permanente (IP) pouvaient partir dès 60 ans. Avec la réforme, la loi fait une différence selon le taux d’IP.
Le départ à la retraite sera possible :
- dès 60 ans, pour les salariés qui justifient d’un taux d’IP d’au moins 20 % ;
- 2 ans avant l’âge légal (64 ans) soit 62 ans à terme pour un taux compris en 10 et 19 %.
Notez qu’avec la réforme, il y a la suppression différenciée de la condition d’identité de lésions qui ne sera exigée que dans le cas ou l’IP est d’au moins 20 %. En fait, elle sera mise en œuvre via la transmission de la demande au médecin conseil de la caisse.
Pour inaptitude et invalidité
Il s’agit d’un nouveau cas de départ à la retraite anticipée.
Avant la réforme : un salarié reconnu inapte ou justifiant d’une incapacité permanente au moins = à 50 % bénéficie d’une retraite à taux plein à 62 ans même sans durée d’assurance requise.
Au 1er septembre 2023, l’âge de départ à la retraite des personnes inaptes ou invalides à partir de 62 ans est maintenu.
Les salariés éligibles sont les suivants :
- Ceux obtenant leur retraite au titre de l’inaptitude au travail ;
- Ceux bénéficiant d’une pension d’invalidité à laquelle succède la retraite au titre de l’inaptitude au travail ;
- Les bénéficiaires de l’allocation adultes handicapés, (AAH) déclarés inaptes au travail ;
- Ceux justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50%, reconnu par la commission départementale d’aide aux personnes handicapées.
Mise en place d’une retraite minimum à 85 % du SMIC
Soit une pension minimum d’environ 1 200 euros bruts, avec complémentaire incluse, pour ceux pouvant justifier d’une carrière complète et ayant eu un salaire proche du SMIC toute leur vie active.
Applicable au 1er septembre 2023.
Cumul emploi retraite
Deux nouveaux décrets parus au JO du 11 Août précisent les contours : du cumul emploi retraite, notamment l’acquisition de nouveaux droits à la retraite à compter du 1er septembre 2023, et de la retraite progressive.
- Décret n° 2023-751 du 10 août 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive : Cumul emploi retraite – retraite progressive
-
Décret n° 2023-753 du 10 août 2023 portant application de l’article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive : Cumul emploi retraite – retraite progressive
Pour en savoir plus : cumul emploi retraite au 1er septembre 2023
Retraite progressive
Elle est également impactée par la loi sur la réforme des retraites avec de nouvelles dispositions au 1er septembre 2023.
Pour rappel : la retraite progressive permet aux salariés de moins de 60 ans (âge légal moins 2 ans) et qui ont 150 trimestres d’assurance, de poursuivre leur activité professionnelle à temps partiel ou réduit tout en bénéficiant d’une fraction de leur pension.
Dès le 1er septembre 2023, des modifications apparaissent.
Elle sera possible au moins 1 an avant l’âge légal à la retraite : nécessite la parution d’un décret
Notez que six cavaliers législatifs ont cependant été censurés, mais ils pourraient être intégrés dans la future loi travail en préparation pour l’été.
Il s’agit de : l’index seniors, le CDI seniors, le départ anticipé pour les fonctionnaires, un suivi médical spécifique des salariés exposés à certains risques, d’un dispositif d’information des assurés sur le système de retraite par répartition, du transfert au recouvrement des cotisations AGIRC ARRRCO aux URSSAF.
- Le transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO et APEC
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, adoptée le 4 décembre 2023, annule le transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO et de la cotisation APEC qui était prévu au 1er janvier 2024, face aux inquiétudes de partenaires sociaux.
Par conséquent, les institutions de retraite complémentaire du régime AGIRC-ARRCO resteront compétentes pour assurer le recouvrement des cotisations. La loi opère également un rétablissement des dispositions de coordination entre les réseaux URSSAF et AGIRC ARCCO
Au regard de cette réforme qui risque de vous impacter en fonction de la génération à laquelle vous appartenez, la FNA ne peut que vous conseiller de vous rapprocher des services de l’assurance retraite, même si ceux-ci risquent d’être débordés, car ils sont les seuls à pouvoir vous renseigner au cas par cas, en fonction de votre âge et du déroulement de votre carrière professionnelle.
En fonction des données inscrites sur votre relevé de carrière, vous pouvez simuler votre date de départ sur le site suivant : https://la-reforme-des-retraites-et-moi.fr/.
Régime social unique pour les mises à la retraite et les ruptures conventionnelles individuelles
Pour inciter les entreprises à conserver plus longtemps leurs salariés senior, la loi portant réforme des retraites harmonise le régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Avant la réforme, vous deviez vous acquitter d’une contribution patronale sur les indemnités de mise à la retraite, dont le taux était de 50%. Avec la réforme, cette contribution est remplacée par une contribution patronale spécifique de 30% sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisation.
Ce nouveau régime s’applique pour les ruptures de contrat de travail au 1er septembre 2023, sans décret préalable.
Régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle
Si le salarié n’a pas l’âge pour bénéficier d’une pension vieillesse : extension de l’exonération de cotisations et de CSG/CRDS.
Si le salarié a l’âge pour bénéficier d’une pension vieillesse : le forfait social de 20% est remplacé par une contribution patronale de 30% sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisation.
Pour les ruptures de contrat de travail au 1er septembre 2023, sans décret préalable.
Les éclaircissements de la LFSS 2024 et de la mise à jour du BOSS sur l’application du régime social de l’indemnité.
La LFSS 2024 met fin aux incertitudes concernant le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse, générées par la loi sur la réforme des retraites d’avril 2023.
Pour rappel, depuis le 1er septembre 2023, un nouveau régime social unique s’applique issu de la loi du 14 avril 2023, mais il manquait de clarté.
La règle était la suivante : l’indemnité de RC est exonérée de cotisations sur la part non imposable, dans la limite du 2 PASS, mais pour un salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite, l’indemnité est imposable en totalité, se posait un problème d’interprétation.
La LFSS 2024 lève l’ambiguïté tout en s’alignant sur la mise à jour du BOSS du 28 novembre 2023.
Désormais, les indemnités de RC sont exonérées de cotisations et de CSG/CRDS dans la limite de deux PASS, y compris quand elles sont imposables, à hauteur du montant le plus élevé entre soit le minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement, soit 50 % de l’indemnité ou 2 fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture.
Le régime fiscal est quant à lui différencié : l’indemnité est exonérée d’impôt (dans les limites prévues par la législation), mais pas pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite.
Rachat de trimestres études supérieures et rachat des périodes de stage
En attente de décret.
Prise en compte de nouvelles périodes d’activité non salariée
Sport de haut niveau par exemple, applicable au 1er septembre 2023.
Valorisation des trimestres de retraite acquis dans le cadre du C2P
Applicable pour le calcul de la pension de retraite au 1er septembre 2023.
Dispositif de reconversion professionnelle via le C2P et le CPF
Concerne les salariés exposés à certains facteurs de risques : port de charges lourdes, posture pénible, vibration mécanique : en attente de décret