Un de vos salariés vous informe qu’il s’est blessé sur son lieu de travail. Vous voulez en savoir plus sur vos obligations légales. Avez vous une obligation de déclaration, comment devez vous faire …
La procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) modifiée par le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, s’applique aux accidents et maladies déclarés depuis le 1er décembre 2019.
La date de survenance de l’accident est indifférente. Seule la date de déclaration de l’accident importe pour appliquer la nouvelle procédure.
La réforme porte essentiellement sur les délais de la procédure d’instruction, et l’ensemble des délais qui sont désormais décomptés en jours francs.
Notez le : pour décompter en jours francs, on exclut le jour de l’évènement qui initie le point de départ du délai, puis on décompte chaque jour de 0 h à 24 h. Si le dernier jour survient un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est reporté au premier jour ouvrable suivant.
Attention : le décret N° 2023-452 du 9 juin 2023 (JO du 12 juin), instaure pour l’employeur, une obligation d’information sous 12 heures, en cas d’accident mortel.
Le cas particulier de l’accident du travail mortel
Instauré par le décret N° 2023-452 du 9 juin, au regard de la gravité absolue suite à un accident mortel.
Lorsque survient le décès d’un salarié victime d’un accident du travail, il vous incombe de prévenir l’inspection du travail immédiatement, et au plus tard dans les 12 heures suivant le décès du salarié.
L’inspection du travail compétente est celle du lieu de survenance de l’accident.
Si vous avez connaissance du décès après l’expiration du délai imparti de 12 heures, il faudra en apporter la preuve, reportant de ce fait le délai à compter du moment où vous avez eu connaissance de l’accident mortel.
Quelles informations donner à l’inspection ?
- Nom – raison sociale, adresses postale et électronique, téléphone de l’entreprise ou établissement, qui emploie le salarié ;
- Si l’entreprise où l’accident s’est produit est différente de l’entreprise employeur il faut donner ses coordonnées ;
- Nom – prénoms de la victime et date de naissance ;
- Date – heure – lieu et circonstances de l’accident ;
- Identité et coordonnées des témoins si nécessaire.
Information par tout moyen permettant de conférer date certaine à l’envoi.
En cas de non respect du délai de 12 heures, vous risquez une amende de 1 500 €, portée à 3 000 € si récidive pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales – Article R 4741-2 du code du travail.
Les obligations déclaratives qui suivent concernent tous types d’accident du travail (mortel ou non).
Définition de l’accident du travail
«Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise» : article L 411-1 du Code de la sécurité sociale.
Déclaration de l’accident
- Faut il systématiquement établir une déclaration d’accident du travail ?
Sachez que vous ne pouvez préjuger du caractère professionnel de l’accident constaté ou signalé. Par conséquent, vous devez déclarer auprès de la CPAM tout accident survenu à l’occasion du travail dont vous avez eu personnellement connaissance, ou par le signalement de la victime ou d’un tiers.
Donc même si vous avez des doutes sur les causes, que les blessures apparentes sont minimes, il faut faire une déclaration.
Le salarié doit informer son employeur dans les 24 heures de son accident. Cette déclaration peut être faite verbalement sur le lieu de l’accident. À défaut, elle doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou, depuis le 1er décembre 2019, « par tout moyen conférant date certaine à sa réception » (article R 441-2 modifié du code de la sécurité sociale).
L’employeur doit déclarer l’accident dans les 48 heures (ne comprenant pas les dimanches et jours fériés) suivant sa connaissance, au moyen du document Cerfa 14463*02 ou sur net-entreprises, auprès de la CPAM. Vous pouvez également le faire par LRAR, ou depuis le 1er décembre 2019, « par tout moyen conférant date certaine à sa réception » (article R 441-3 modifié du code de la sécurité sociale).
La déclaration de l’accident par l’employeur est obligatoire, même en l’absence d’arrêt de travail du salarié.
Vous devez également faire une déclaration :
- Si le salarié demande l’établissement d’une déclaration d’AT plusieurs mois après la survenance de l’accident dont il se dit victime ;
- Le salarié vous communique un AT immédiatement après un entretien préalable qui lui aurait causé un traumatisme psychologique.
NOTRE CONSEIL : afin de faire une déclaration la plus claire possible, l’employeur doit demander au salarié :
- D’exprimer précisément les circonstances de son accident : date, heure, lieu, cause et conséquences ;
- Si d’autres personnes ont été impliquées dans l’accident de travail ;
- Si des témoins ont assisté à l’accident, et dans l’affirmative, lui demander de communiquer leurs noms, fonctions et dans la mesure du possible leurs coordonnées.
Les réserves formulées par l’employeur
Vous avez des doutes sur l’existence de l’accident, ses circonstances, son origine professionnelle, n’hésitez pas émettre des réserves motivées qui vous permettront de mettre en évidence d’éventuelles incohérences entre la déclaration du salarié et ses conditions de travail, ou l’absence de fait accidentel ou de lésion.
- Quel délai ?
Vous avez 10 jours francs pour émettre des réserves après la déclaration, afin afin que celles-ci puissent être effectivement prises en compte par l’organisme social.
Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur a effectué sa déclaration ou, si la déclaration émane de la victime ou de ses représentants, à compter de la date à laquelle il en a reçu un double. Les réserves pourront également être adressées par tout moyen conférant date certaine à leur réception (article R 441-6 modifié du code de la sécurité sociale).
Formuler des réserves contraint la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) à instruire le dossier de façon contradictoire et d’une manière plus précise : enquête/questionnaire, communication du dossier …
En cas de réserves, la décision rendue par la CPAM sans instruction préalable est inopposable à l’employeur (Cour de cassation 2e civ., 23 janvier 2014, n° 12-29420; Cass. 2e civ., 6 novembre 2014, n° 13-23805).
NOTEZ LE : en date du 18 janvier 2023, Net-entreprises indique sur son site : Net entreprises – réserves accident du travail, qu’il est désormais possible d’ajouter des réserves aux déclarations d’accident du travail (DAT) en ligne. Cette opération est possible dans les 10 jours francs après la réalisation de la DAT concernée.
Une fois saisies, ces réserves seront transmises directement à la CPAM du salarié pour traitement.
Les réserves doivent être motivées sur :
- Les circonstances de temps et de lieu de l’accident ;
- La matérialité du fait accidentel (Cour de cassation 2e civ., 25 janvier 2018, n° 17-11272) ;
- Ou encore, sur l’existence d’une cause étrangère au travail (Cour de cassation 2e civ., 10 octobre 2013, n° 12-25782) ;
- Ne cochez pas la case « constaté » mais « rapporté » lorsque vous n’avez pas assisté visuellement aux circonstances du sinistre ;
- N’utiliser pas de terme médicaux mais des termes généraux pour décrire les lésions ;
En général, il convient de formuler des réserves motivées auprès de la CPAM dès la déclaration d’accident du travail, en joignant si nécessaire un courrier d’accompagnement au formulaire Cerfa, quitte à les développer par la suite.
La Cour de Cassation a récemment rappelé que les réserves sont considérées comme recevables dès lors qu’elles portent sur la matérialité du fait accidentel (Cour de cassation civile du 4 avril 2019, n°18- 11778). Il en va de même lorsque les réserves portent de surcroît sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident (Cour de cassation civile du 9 mai 2019, n°18-15485) ou encore sur l’existence d’une cause étrangère (Cour de cassation civile du 10 octobre 2013, n°12-25782). En revanche, ne peuvent être considérées comme des réserves motivées une simple mention indiquant que l’employeur émet des réserves sans plus d’indication (Cour de cassation civile du 17 février 2011, n°10-15.276 et du 10 octobre 2013, n°12-25782).
La présence d’un tiers dans la survenue de l’accident
- Qu’est ce qu’un tiers ? selon l’article L.454-1 du Code de la sécurité sociale, il s’agit d’une « personne autre que l’employeur ou ses préposés », dans les faits il ne s’agit pas d’un salarié de la même entreprise, mais un passant, un livreur, client, sous-traitant
Exemples situation complexes
- Intérimaire blessé par un salarié permanent de l’entreprise utilisatrice dans laquelle il est détaché
Dans ce cas d’espèce l’intérimaire et le salarié permanent travaillent sous la même direction, ils sont considérés comme collègues et non comme des tiers même si leur employeur est différent ;
- Salarié blessé par la défaillance d’une machine
Si le propriétaire de la machine n’est pas l’employeur, il est possible de mentionner un tiers responsable, à savoir l’entreprise propriétaire de l’engin.
- Le salarié est blessé par un animal
Dans ce cas, le propriétaire de l’animal devra être identifié pour être mentionné comme tiers responsable de l’accident.
Comment informer la CPAM du tiers responsable ?
Il existe un encart spécialement dédié à l’existence d’un tiers dans la déclaration d’accident du travail (CERFA n°14463*03 ou directement en ligne via le site net-entreprises). Doivent y être mentionnés les nom, adresse et société d’assurance du tiers.
Si l’employeur est empreint d’un doute sur la qualification du tiers, il lui est conseillé de remplir cet encart à titre conservatoire, charge à la caisse de statuer.
N’oubliez de joindre une copie du constat amiable ou du PV de police ou gendarmerie, dans le cas d’un accident de la circulation.
Si vous ne connaissez pas le tiers responsable ?
Si vous ne connaissez pas l’identité du tiers responsable, vous pouvez mentionner son existence dans la déclaration d’accident, l’assurance maladie pourra se rapprocher du salarié victime et engager éventuellement un recours.
Sachez que vous pouvez à tout moment signaler l’existence d’un tiers responsable, il n’y a pas de délai maximum.
Les conséquences pour l’employeur ?
La CPAM dispose d’un service « recours contre tiers » chargé de recouvrer les conséquences financières auprès du responsable de l’accident ou de son assureur.
Si la CPAM parvient à ses fins, le coût moyen relatif à l’accident en question sera réduit ou supprimé totalement de l’assiette de calcul des taux de cotisation AT de l’employeur, en fonction du pourcentage de responsabilité retenu. L’employeur bénéficiera de la rectification du recalcul du taux de cotisation AT/MP si le recours contre le tiers aboutit. Les conséquences financières de l’évènement sont reportées sur la compagnie d’assurance du tiers responsable.
Notez que cette possibilité d’obtenir une baisse des taux AT en présence d’un tiers responsable n’est accessible aux employeurs qu’en cas d’accident de travail et non d’accident de trajet. En effet, le coût des accidents de trajet est mutualisé au niveau national et apparait sur les taux AT par le biais d’une majoration incompressible fixée chaque année par décret, applicable à toutes les entreprises.
Vous avez donc intérêt à mentionner un tiers dans votre déclaration d’accident de travail transmise à la CPAM.
Dès réception de la notification de recalcul, vous pourrez consulter votre compte AT /MP sur le site net entreprises. fr. Le cout moyen imputé à l’accident sera proratisé selon le pourcentage de responsabilité reconnu.
Comment obtenir le remboursement des cotisations indues ?
Dès réception du courrier de la caisse régionale notifiant les nouveaux taux de cotisations, vous devez en envoyer une copie à votre URSSAF avec une demande d’avis de crédit régularisant votre situation. Dès que vous aurez connaissance du montant du crédit, vous pourrez le déduire directement sur vos prochains bordereaux de cotisations.
Cependant, il existe certains obstacles : vous n’arrivez pas forcément à obtenir le nom de la société d’assurance du tiers responsable et encore moins le numéro de contrat au moment de la rédaction de la déclaration d’accident de travail. La CPAM se contente alors d’écrire audit tiers. S’il ne répond pas, le dossier s’arrête là ;
- Certaines CPAM exigent une condamnation pénale avant d’engager un recours contre l’assurance du tiers. Or, la plupart de ces accidents n’atteignent jamais ce stade (sauf accident extrêmement grave et/ou faute intentionnelle) ;
- Si la demande de la CPAM à l’assurance du tiers reste sans réponse, le dossier s’arrête là.
Comme vous pouvez le constater, la CPAM a une part importante dans cette reconnaissance, son investissement est primordial.
Délai d’instruction par la CPAM
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dispose d’un délai de 30 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident, ou pour engager des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées de la part de l’employeur (article R 441-7 modifié du code de la sécurité sociale).
La phase d’investigation est obligatoire si l’employeur émet des réserves ou en cas de décès de la victime.
En cas d’investigations, la CPAM disposera de 90 jours à partir de la même date pour statuer. Dans ce cas, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident sera adressé à l’employeur dans les 30 jours mentionnés ci-dessus, à charge pour ce dernier de le retourner dans les 20 jours. Une enquête complémentaire pourra en outre être diligentée, ou devra l’être en cas de décès. La Caisse informera les parties de la date d’expiration du délai de 90 jours lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête (article R 441-8, I- modifié du code de la sécurité sociale).
A l’issue de ses investigations et au plus tard 70 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial, la CPAM mettra le dossier à la disposition des parties, ceux-ci disposant alors de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations. Au terme de ce délai, les parties pourront consulter le dossier sans formuler d’observations.
Les parties seront informées des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier et de celle au cours de laquelle elles peuvent formuler des observations au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation (article R 441-8, II- modifié du code de la sécurité sociale).
Procédure spécifique pour les rechutes
La rechute suppose un fait nouveau : soit l’aggravation de la lésion après consolidation de la blessure; soit l’apparition d’une nouvelle lésion après guérison. La rechute doit être subie, sans intervention d’une cause extérieure et doit être la conséquence exclusive de l’accident du travail survenu antérieurement.
La présomption d’imputabilité de l’accident du travail ne s’applique pas en cas de déclaration de rechute : il appartient à la CPAM qui décide de prendre en charge une lésion à titre de rechute d’apporter la preuve, en cas de contestation de l’employeur, du lien de causalité entre cette lésion et l’accident antérieur (Cour de cassation 2e civ., 9 novembre 2017, n°16-22.552).
La CPAM a 60 jours francs à compter de la réception du certificat médical de la rechute ou de la nouvelle lésion pour statuer sur son caractère professionnel et sur son lien avec la maladie ou l’accident précédent.
L’employeur a 10 jours francs à compter de la date de réception du courrier de la CPAM pour émettre des réserves au médecin conseil ou directement à la caisse.
Dans le cas où la rechute où la nouvelle lésion intervient avant que la CPAM n’ait eu le temps de statuer sur le caractère professionnel du 1er sinistre, le point de départ du délai de 60 jours est repoussé à la date de la reconnaissance de ce sinistre.
Un accident du travail n’est pas anodin et peut augmenter vos cotisations AT/MP, n’hésitez pas à analyser les causes afin qu’elles ne se reproduisent pas. Rendez vous sur le site de l’INRS Agir suite à un AT