Ce dispositif institué par la loi travail N° 2022-1598 du 21 décembre 2022, confirmait la volonté du législateur de priver le salarié qui abandonne son poste du droit à l’allocation chômage. Un décret d’application était attendu pour en fixer les modalités d’application.
C’est désormais possible avec la parution au JO du 18 avril, du décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 : Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023.
Pour rappel, jusqu’à son entrée en vigueur, il était fait une application stricte du principe selon lequel la démission ne se présume. Par conséquent, un abandon de poste ou une absence injustifiée prolongée ne caractérisait pas la volonté non équivoque de démissionner.
Depuis le 19 avril 2023, sous certaines conditions, la présomption de démission en cas d’abandon de poste peut être reconnue. Sa mise en place nécessite le suivie d’une procédure particulière qu’il faut respecter.
La mise en demeure
Pas de précipitation pour envoyer le courrier si un de vos salariés est absent depuis quelques jours et que vous n’avez pas de nouvelles de sa part. A titre d’exemple, si le salarié est malade, il a 48 heures pour vous informer et justifier de son absence, il peut y avoir des circonstances particulières qui ne lui permettent pas de vous contacter.
Par conséquent, attendez avant d’envoyer la mise en demeure (3 jours au minimum).
Le contenu et la forme de la mise en demeure
- Elle doit être écrite, envoyée par recommandé avec accusé de réception, mais une remise en main propre contre décharge est également possible ;
- Elle doit contenir différentes mentions :
Elle doit enjoindre le salarié à justifier son absence et à reprendre son poste dans un certain délai.
Le délai minimum retenu par le décret est de 15 jours calendaires (dimanche et jours fériés compris), qui débute à compter de la première présentation du courrier. Ayez à l’esprit que les délais postaux pour un recommandé peuvent être longs et qu’il est plus raisonnable de mettre un délai plus long, le courrier devant indiquer la date butoir de reprise du travail.
Notez-le : il est fortement conseillé d’insérer dans le courrier les conséquences de l’inaction du salarié soit : rappeler que faute d’avoir repris son poste à l’issue du délai imparti, il sera présumé démissionnaire et par conséquent n’aura pas droit aux allocations d’assurance chômage.
Par ailleurs, n’oubliez pas que dans le cas d’une démission, un préavis est obligatoire. La mention du préavis devra également être intégré dans le courrier.
Au regard de tous ces éléments, votre salarié sera présumé être démissionnaire si vous constatez :
– qu’il a abandonné son poste volontairement et qu’il n’a aucun justificatif ;
– qu’il n’a pas repris son poste après la date butoir inscrite dans la mise en demeure.
Si ces 2 conditions sont remplies et que le préavis exécuté ou non a pris fin, le contrat est rompu dans le cadre d’une démission.
Nous ne pouvons que vous conseiller d’envoyer pour confirmation au salarié, un courrier l’informant qu’il est présumé démissionnaire et que le contrat a pris fin à telle date et que le solde de tout compte est tenu à sa disposition.
Le recours du salarié
Le salarié peut toujours faire obstacle à la présomption de démission s’il peut justifier d’un motif légitime. Il peut dans un courrier en réponse à votre mise en demeure justifier son absence.
Le décret contient une liste non exhaustive des motifs concernés :
- Des raisons médicales
A titre d’exemple : le salarié pourra justifier son absence par une visite chez le médecin qui lui aura prescrit un arrêt de travail pour le jour même, le certificat médical devra être daté du jour de son abandon de poste.
- L’exercice du droit de retrait si le salarié avance l’existence d’un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ;
- L’exercice du droit de grève ;
- Le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
- La modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Si le salarié entend se prévaloir d’un motif légitime, il devra indiquer dans un courrier en réponse à votre mise en demeure, sur quel fondement il entend faire obstacle à la présomption de démission.
Si son recours est légitime, la procédure de présomption de démission ne doit pas être poursuivie.
La procédure en cas de contestation du salarié
A l’issue du délai indiqué dans le courrier de mise en demeure, le salarié est présumé avoir démissionné s’il ne reprend pas le travail ou ne justifie pas d’un motif légitime.
Il pourra contester devant le Conseil de prud’hommes la rupture de son contrat de travail pour présomption de démission. L’affaire sera portée directement devant le bureau de jugement qui se prononcera sur la nature de la rupture et ses conséquences et statuera au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Les conséquences en cas de non-réponse du salarié à la mise en demeure ?
Votre salarié reste muet à l’envoi du courrier de mise en demeure et ne reprend pas son travail à la date fixée.
La procédure se poursuit, le salarié est présumé démissionnaire.
Il en est de même si le salarié répond qu’il ne reprendra pas son poste.
La présomption de démission va-t-elle se substituer au licenciement pour faute ?
Pouvez vous continuer à licencier pour faute un salarié qui a abandonné son poste ?
A lecture du questions / réponses ministériel la réponse est négative, il est indiqué : « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ». Nous étions malgré tout dans l’attente d’une confirmation du ministère du Travail la situation étant incertaine.
En date du 27 avril, le ministère du Travail confirme qu’il écarte tout recours au licenciement disciplinaire en cas d’abandon de poste d’un salarié. « Si la rupture de contrat de travail est motivée par l’abandon de poste, l’employeur est obligé de mettre en demeure et d’attendre un délai de 15 jours. Pour constater un abandon de poste, l’employeur est (tenu) d’effectuer cette procédure. L’employeur ne peut désormais plus utiliser l’abandon de poste comme un fait motivant une faute grave ou lourde ». Le questions-réponses sera mis à jour dans ce sens.
Pour plus d’information le ministère avait mis en place un questions / réponses qui a été retiré de son site. Cela est peut être en lien avec le syndicat Force Ouvrière qui attaque le décret et le Q/R du ministère devant le Conseil d’Etat qui a ce jour n’a pas encore statué. En attendant la procédure décrite est toujours applicable.