La rupture conventionnelle individuelle (RCI) est un mode de résiliation autonome du contrat de travail à durée indéterminée, tout comme le sont le licenciement et la démission. Il s’agit d’une procédure de rupture amiable du contrat de travail ayant les mêmes conséquences qu’un licenciement, mais qui est soumise à des conditions de forme et de fond spécifiques.
Il ne s’agit ni d’un licenciement, ni d’une démission. La RC ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, il faut s’assurer que le libre consentement du salarié existe et qu’il ne fait pas l’objet de pressions ou menaces.
Ne sera évoqué dans la présente note que la RC d’un salarié non protégé.
Champ d’application
Tous les employeurs et salariés peuvent conclure une RCI. Les salariés protégés (membres du CSE, DS…) sont également éligibles mais avec une procédure particulière.
Exceptions : elles concernent tous les salariés sous CDD et les contrats d’apprentissage – Circ. DGT no 2009-04, 17 mars 2009, qui ne peuvent conclure une RC.
Par ailleurs, il est impossible de rompre la période d’essai via une RC – article L. 1231-1 du Code du travail.
Si le salarié est en arrêt maladie, accident du travail ou maladie professionnelle, congé maternité ?
Dans ces hypothèses, il existe des dispositions protectrices pour les salariés, la question se pose de savoir si dans ces différents cas une RC est possible ?
Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, il a été validé par la jurisprudence qui admet que soit conclue une rupture conventionnelle dans la plupart des cas de suspensions du contrat de travail particulièrement « protégés » par le législateur soit :
- Une RC signée pendant une période de suspension du contrat de travail, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle – Cass. soc., 12 févr. 2002 ;
- Une RC intervenue pour un salarié déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail ou une maladie professionnelle – Cass. soc., 9 mai 2019. Dans ce cas, l’indemnité de licenciement est doublée comme pour un licenciement ;
- Une RC avec un salarié dont l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle ;
- Une RC pendant la durée du congé de maternité d’une salariée, ainsi que dans les quatre semaines qui suivent celui-ci – Cass. soc., 25 mars 2015 ;
- Une RC conclue avec un salarié en arrêt maladie d’origine non professionnelle – Cass. soc., 30 sept. 2013, n° 12-19.711.
Il faut savoir que, dès lors qu’un accord de GPEC a été signé ou qu’un licenciement économique d’au moins dix salariés sur une même période de trente jours a été engagé, les employeurs doivent s’interdire de conclure des conventions individuelles de rupture, sauf à démontrer que la raison est étrangère au motif économique. Le but étant de ne pas détourner les licenciements pour motifs économiques en signant une RCI.
Puis je licencier le salarié après lui avoir proposé une RCI ?
La proposition préalable d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un motif de désaveu de la cause fondant le licenciement ultérieur. Pour les juges rien n’empêche donc un employeur de rechercher une solution amiable avant de procéder par la voie du licenciement. CA Poitiers, ch. soc., 10 juill. 2013, n° 11/05381.
La procédure à suivre dans le cadre d’une RC
Sachez avant toute décision, que la situation est différente en fonction de qui est à l’initiative de la demande de RC.
- Si c’est vous employeur qui proposez la mise en place d’une rupture conventionnelle au salarié, dans ce cas, le salarié est en position de force, et sera réticent à quitter l’entreprise de son propre chef. Il tentera de négocier son départ en vous demandant du supra légal, soit au delà de ce que propose la loi.
- Si c’est lui qui est à l’initiative de la demande, il tentera de négocier du supra légal mais étant demandeur, il n’est plus en position de force.
L’entretien préalable à la RC
La signature de la convention individuelle de rupture doit être précédée d’un ou plusieurs entretiens entre les parties au cours desquels le salarié et l’employeur peuvent se faire assister – C. trav., art. L. 1237-12.
- Si c’est le salarié qui est à l’initiative de la demande
Pas de formalisme imposé sur le sujet, mais une demande orale faite par un salarié doit être suivie d’une demande écrite, par courrier, mail voire sms.
De votre côté, vous analysez la situation et lui répondez par écrit positivement ou négativement, mais il faut lui répondre. Si vous acceptez sa demande, vous pouvez directement le convoquer à un entretien préalable pour une RCI.
- Si c’est l’employeur qui est à l’initiative de la RC
En général, il y a au préalable des échanges oraux entre les 2 parties, pendant lesquels l’employeur évoque la mise en place d’une possible RCI. Si le salarié ne s’y oppose pas, vous le convoquez à un entretien préalable à rupture conventionnelle.
Le nombre d’entretien dépend de la situation, si c’est vous qui proposez la RCI au salarié, il faut vous attendre à ce qu’il réclame du supra légal. La négociation se fait souvent au cours du 1er entretien, le 2d est consacré à la signature des documents.
Le 1er entretien qui est obligatoire, est un entretien de cadrage, qui permet d’engager les pourparlers, d’échanger sur les motivations de chacun, d’informer sur les conséquences financières de la rupture (indemnité minimale légale, régime fiscal et social …). Le 2d concerne plus la signature de la convention de rupture.
L’absence d’entretien est une cause de nullité de la convention de rupture
- Modèle de courrier de convocation à une RC : Entretien préalable RC
Il vaut mieux pour une question de preuve, convoquer le salarié par écrit par lettre remise en main propre ou par recommandé A+R.
Le salarié peut se faire assister par un salarié de l’entreprise ou un conseiller du salarié extérieur. Par conséquent, même si aucun délai n’est imposé entre l’envoi du courrier et la date de l’entretien, laissez malgré tout quelques jours au salarié, si d’avance il voulait être assisté. Il doit vous en informer.
Attention, si le salarié est seul à l’entretien, vous devez mener l’entretien seul, mais si le salarié est assisté, vous pouvez être assisté par une personne de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, une personne appartenant à votre Fédération patronale ou un autre employeur relevant de la même branche. Il faut également informer le salarié si vous êtes assisté.
Si un seul entretien est envisagé, les deux parties peuvent le jour de l’entretien signer la convention de rupture dès lors qu’elle est postérieure à l’entretien – Cass. soc., 13 mars 2024.
Au cours de l’entretien, n’hésitez pas à informer le salarié des conséquences de la RC , soit à titre d’exemple :
- Le maintien gratuit des garanties frais de santé pendant 12 mois maximum, à compter de la rupture du contrat de travail ;
- Information sur le régime fiscale et social de l’indemnité de RC ;
- Droit à l’assurance chômage.
Le formulaire relatif à la RCI
C’est au cours de l’entretien, que vous allez remettre au salarié pour signature, le formulaire de rupture conventionnelle et de demande d’homologation dument rempli, qui doit être imprimé en 3 exemplaires, daté et signé par les deux parties précédé de la mention « lu et approuvé ».
N’hésitez pas à faire signer un accusé de réception au salarié, indiquant qu’il a bien reçu la convention de rupture, daté et signé par le salarié.
Un pour l’employeur, le 2d pour le salarié et le 3ème pour la Dreets.
Attention, il existe 2 formulaires dont un spécifique pour les salariés protégés : Formulaire rupture conventionnelle salarié non protégé
Pour information :
- La convention collective applicable est : CCNSA – convention collective des services de l’automobile – IDCC 1090 ;
- Concernant la rémunération mensuelle brute des 12 derniers mois : en cas de variation significative des salaires sur la période ou de situation particulière du salarié (maladie, maternité, temps partiel…), des précisions peuvent également être apportées par l’employeur ;
- Le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à celui de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9 du code du travail (soit l’indemnité légale de licenciement) ;
- La date envisagée de rupture du contrat de travail ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ;
- Aucun préavis n’est prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle. Les parties sont donc libres de prévoir une date de rupture de contrat de travail qui convienne à chacune mais, dans ce cas, elles devront nécessairement prendre en compte le délai laissé à la Dreets pour statuer sur la demande qui lui est présentée. Une fois les délais calendaires respectés, vous pouvez mettre une date de fin de contrat bien postérieure.
Le calendrier de la mise en place de la RC
A partir du moment où les parties ont signé la convention de rupture il faut bien respecter le calendrier.
- Le délai de rétraction
Dès la signature de la convention, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires (tous les jours comptent) pour exercer son droit de rétractation. C. trav., art. L. 1237-13, c’est à dire ne pas donner suite à la demande de RC, et par conséquent, poursuivre la relation de travail.
Le droit de rétractation est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie. C. trav., art. L. 1237-13;
- Décompte du délai de 15 jours
Le délai de 15 jours calendaires démarre le lendemain de la date de signature et se termine au quinzième jour à 24 heures.
- L’homologation de la convention
Elle ne peut être faite qu’à compter du lendemain de l’expiration du délai de rétractation, par l’une ou l’autre des parties (souvent l’employeur). Circ. DGT n° 2008-11, 22 juill. 2008.
Concrètement : il y a eu un entretien, les parties signent les documents, vous remettez une convention au salarié, c’est obligatoire, vous attendez que le délai de rétractation soit clos pour faire la demande d’homologation du document.
- Télétransmission de la convention
Depuis le 1er avril 2022, il n’est plus possible d’envoyer par voie postale ou de déposer directement à la Dreets la demande d’homologation de la rupture conventionnelle. Le dépôt reste toutefois envisageable si une partie n’est pas en mesure de télétransmettre la demande.
Le formulaire doit impérativement être transmis par téléservice : Téléservice, une fois le délai de rétractation terminé.
A réception par la Dreets compétente, la demande sera datée et un accusé de réception sera adressé aux deux parties.
- Délai d’instruction
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables (hors dimanche et jours fériés) pour s’assurer du respect des conditions légales et de la liberté de consentement des parties. C. trav., art. L. 1237-14. Ce délai commence à courir le lendemain du jour ouvrable de réception de la demande d’homologation par la Dreets et expire au dernier jour ouvrable d’instruction, à 24 heures. Au-delà, l’homologation est réputée acquise. Il y a homologation tacite dès lors qu’aucune réponse de l’administration n’est parvenue aux parties avant l’échéance du délai d’instruction.
Attention : ce n’est pas la date d’envoi de la demande d’homologation mais bien sa date de réception qui fait courir le délai de 15 jours ouvrables accordé à l’administration pour homologuer la demande.
Indemnisation du salarié
L’indemnité spécifique de rupture ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement soit :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
- 1/3 de mois pour les années à partir de 10 ans.
Notez que l’ancienneté du salarié s’appréciera à la date envisagée de la rupture du contrat.
Base de calcul : la moyenne des 3 (dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion) ou des 12 derniers salaires bruts mensuels ou, lorsque la durée de service du salarié est inférieure à 12 mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement, toujours sur la base du plus favorable.
Les salaires retenus pour calculer le salaire moyen des 12 derniers mois sont ceux « précédant » le licenciement, comparés à la moyenne des 3 derniers mois.
Dans ce dernier cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, est prise en compte prorata temporis.
Dans les deux cas, les rémunérations retenues sont celles versées jusqu’à la notification de la rupture et ne prennent pas en compte celles versées pendant le préavis.
Si le salarié est en arrêt de travail pour maladie : lorsque le contrat du salarié a été suspendu pour maladie au cours des derniers mois précédant la rupture du contrat, « le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des 12 ou des 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie ».
L’indemnité légale est versée à partir de 8 mois d’ancienneté.
Exemple : pour un salarié ayant une ancienneté de 13 ans et dont le salaire mensuel moyen est de 3 000 €, son indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à (3 000 × 1/4 × 10) + (3 000 × 1/3 × 3) = 10 500 €.
A cette indemnisation minimale pourra s’ajouter d’autres composantes comme la clause de non concurrence, indemnité de congés payés ….
Régimes fiscal et social de l’indemnité spécifique de rupture
Pour les RC depuis le 1er septembre 2023, l’indemnité spécifique de rupture :
- Est exonérée de cotisations et de CSG/CRDS dans les limites prévues par la législation sociale, y compris si le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse d’un régime légalement obligatoire ;
- N’est plus soumise au forfait social mais à une contribution patronale de 30 % applicable sur la fraction de l’indemnité exonérée de cotisations (assujettie ou non à CSG/CRDS). Cette contribution est due, que le salarié soit ou non en droit de bénéficier d’une retraite d’un régime légalement obligatoire ;
- Est imposable pour les salariés en droit de bénéficier d’une retraite d’un régime légalement obligatoire et exonérée pour les autres salariés à hauteur du montant le plus élevé entre :
– soit le minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement, sans limitation de montant ;
– soit 50 % de l’indemnité ou 2 fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture, la fraction exonérée au titre de ces critères ne pouvant excéder 6 fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement de l’indemnité.