Il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap vu son caractère discriminatoire. Seulement, les absences répétées et ou prolongées du salarié pourraient sous certaines conditions cumulatives, justifier un licenciement pour nécessité de remplacer un salarié absent.
Attention, ce type de licenciement n’est pas possible si le salarié est en arrêt suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle au regard de l’article L. 1226-9 du Code du travail n’autorise l’employeur à licencier le salarié qu’en raison d’une faute grave ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. Tout licenciement qui interviendrait sur ce motif serait nul de plein droit (Cass. soc., 16 décembre 2010, n°09-65.662).
Il en est de même si l’arrêt de travail est lié à la grossesse de la salariée.
La convention collective nationale des Services de l’automobile prévoit la possibilité pour l’employeur de licencier un salarié dont l’indisponibilité persiste et dont l’absence perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise (et non de l’atelier, service …).
Toutefois, de nombreux critères et conditions doivent être respectés, non seulement au regard des dispositions de la CCNSA, mais aussi de la jurisprudence, car un licenciement pour remplacer un salarié absent ou pour absences répétées, n’est jamais simple et peut être source de contentieux comme une requalification du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ouvriers, employés et agents de maîtrise
Il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié en arrêt de travail que : lorsque son absence persiste au-delà de 45 jours continus(article 2.10 –c- de la convention collective nationale des Services de l’automobile) et que l’employeur est dans l’obligation de le remplacer définitivement.
Personnel cadre
Il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié en arrêt de travail que : lorsque son absence persiste au-delà de 180 jours continus (article 4.08 –d – de la convention collective nationale des Services de l’automobile) et que l’employeur est dans l’obligation de le remplacer définitivement.
Clause dite « de garantie d’emploi »
La convention collective institue ce que l’on appelle une période « de garantie d’emploi » de 45 jours continus pour les ouvriers employés et agents de maîtrise, et de 180 jours continus pour les cadres.
Par conséquent, pas de licenciement ou déclenchement d’une procédure de licenciement au cours de cette période protectrice pour le salarié.
La Cour de cassation fait une interprétation très stricte de cette clause dans un sens favorable au salarié.
La protection s’applique pendant toute la durée prévue par la clause : l’employeur est tenu de maintenir le contrat de travail du salarié tant que la période d’absence visée par la convention collective n’a pas expirée. A défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cour de Cassation sociale du 11 juillet 2000, n° 98-41798).
Absences répétées
Lorsque la convention collective institue une période de garantie d’emploi en cas d’absence prolongée pour maladie, sans mentionner les absences répétées, l’employeur ne peut pas en déduire qu’il est autorisé à licencier un salarié dans cette hypothèse : la protection s’étend aux absences répétées.
Si le salarié n’a pas été absent de manière continue pendant la durée de garantie d’emploi, ses absences ne pourront pas constituer une cause de licenciement (Cour de Cassation sociale du 12 décembre 2000, nº 98‐46376, et du 18 juillet 2001, nº 99‐43829).
Par ailleurs, si les absences successives du salarié ne sont pas continues, elles ne peuvent pas se cumuler pour considérer que la période de garantie a pris fin, (Cour de Cassation sociale du 18 juillet 2001, nº 99‐43829, et du 8 mars 2000, nº 97‐ 45267).
La perturbation du fonctionnement de l’entreprise
Le licenciement fondé sur l’absence prolongée du salarié n’a pas de cause réelle et sérieuse, s’il n’est pas démontré que cette absence perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise.
La désorganisation du seul service où travaille le salarié est un motif insuffisant en soi, à moins que ce service ne soit essentiel à l’entreprise (Cour de Cassation sociale du 2 décembre 2009, n° 08-43486).
Le 6 juillet 2022, la Cour de cassation (cass. soc n°21-10261 D) a rendu un arrêt dans lequel elle confirme sa position. En l’espèce, l’employeur avait fait référence dans la notification de licenciement à la perturbation d’un « service ». La Cour de cassation rappelle que la lettre doit mentionner que c’est l’entreprise qui doit être désorganisée et non le seul service ou travaille le salarié.
Sinon, il faut démontrer que le service en question revêt un caractère « essentiel » et que par conséquent, c’est l’entreprise dans son ensemble qui est impactée.
Par exemple, est justifié le licenciement d’un conseiller commercial, dans la mesure où la nature de ses fonctions impose un apprentissage spécifique de la technique de vente et une formation sur le terrain qui rendent impossible le recours au travail intérimaire (Cour de Cassation sociale du 6 février 2008, n° 06-45762).
La perturbation du fonctionnement de l’entreprise est appréciée en fonction de chaque cas particulier par les juges du fond, la Cour de cassation se chargeant de vérifier si ces derniers ont bien constaté que l’entreprise était désorganisée.
Les cours d’appel, ne se contentent pas d’un seul critère pour évaluer la réalité d’une désorganisation de l’entreprise, ils en combinent plusieurs. « … les juges procèdent à une appréciation in concreto à partir de différents critères tenant au salarié (emploi occupé, qualification), à l’entreprise (taille, activité, organisation) et à la durée de l’absence » (CA Colmar, 26 janv. 2017, no 15/00486).
Taille de l’entreprise
La taille de l’entreprise est souvent expressément prise en compte lorsqu’il s’agit d’une TPE. Elle peut constituer alors un critère prédominant (CA Pau, 5 mai 2008, no 07/00813 : TPE du Bâtiment ; CA Versailles, 8 juin 2006, no 04/03055 : deux salariés).
Attention c’est certes un élément mais il doit être combiné avec d’autres.
Plus l’entreprise est petite, plus l’absence d’un salarié risque objectivement de créer une perturbation importante dans son fonctionnement.
Par exemple, il a été jugé que l’absence d’une secrétaire pendant presque deux mois perturbait le fonctionnement de l’entreprise, s’agissant d’une entreprise comprenant six salariés dont un seul poste de secrétaire (Cour de Cassation sociale 24 avril 1990, nº 87‐44817).
En revanche, dans une entreprise avec un effectif important, l’employeur a une marge de manœuvre non négligeable dans l’organisation du travail. Il sera alors difficile de prouver qu’il était impossible de s’organiser autrement, notamment par une permutation temporaire en interne.
Nature de l’emploi occupé par le salarié absent
Plus la qualification du salarié est élevée et spécifique, plus son absence est de nature à perturber le fonctionnement de l’entreprise.
A l’inverse, si le salarié absent est peu qualifié, l’impact est moins évident à établir. Il a ainsi été jugé que l’employeur ne démontrait pas de perturbation apportée à l’entreprise lorsque la faible qualification du salarié absent permettait facilement son remplacement provisoire (Cour de Cassation sociale 5 octobre 1999, nº 97‐42.882).
Il faut donc prendre en compte la nécessité pour le remplaçant de suivre une formation ou encore le délai nécessaire pour qu’il devienne autonome et opérationnel sur le poste, ou encore l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur au sein duquel le salarié absent travaille.
Le remplacement définitif du salarié par un CDI
Une des conditions de validité du licenciement du salarié absent de manière prolongée est que l’employeur soit contraint de procéder au remplacement définitif de l’intéressé.
Par conséquent, si la perturbation de l’entreprise peut être palliée par une nouvelle répartition du travail entre les salariés ou par l’embauche temporaire d’un autre travailleur, le remplacement ne sera pas considéré comme nécessaire : Cass. soc., 6 févr. 2001, no 98-43.933 : embauche d’un sous CDD.
Le remplacement doit être définitif et effectif dans un délai raisonnable après le licenciement, les juges apprécient ce délai en tenant compte : des spécificités de l’entreprise, de l’emploi concerné et des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement : Cass. soc., 12 oct. 2011, no 10-15.101.
Le caractère raisonnable du délai de remplacement du salarié licencié en raison de son absence pour maladie et de la nécessité de son remplacement définitif s’apprécie au regard de la date du licenciement.
Un délai de six mois entre le licenciement d’une directrice et son remplacement définitif a été jugé raisonnable.
Le recrutement peut aussi être effectué dans un délai raisonnable avant le licenciement, soit 2 mois avant le licenciement.
La nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié s’apprécie au cas par cas, et notamment au regard des fonctions exercées par le salarié et du secteur d’activité de l’entreprise : plus le salarié exerce des fonctions techniques, plus les juges considèrent que son remplacement définitif s’impose.
Le remplacement définitif du salarié absent suppose l’embauche d’un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée, soit pour occuper le poste du salarié licencié, soit pour pourvoir celui d’un autre salarié de l’entreprise muté au poste du salarié licencié (Cour de Cassation sociale du 20 février 2008, n° 06-46233).
Notez que la durée du travail du salarié embauché en CDI doit être équivalente à celle du collaborateur remplacé.
L’employeur peut transformer le CDD de remplacement en embauche définitive par la conclusion d’un CDI (Cour de Cassation sociale du 11 janvier 2012, nº 10‐15548).
ATTENTION : il ne faut pas se contenter d’invoquer la désorganisation de l’entreprise, il faut la prouver par tous moyens.
En revanche, ne répondent pas à la condition du remplacement définitif :
– une embauche en contrat à durée déterminée (CDD) ;
– le recours au travail intérimaire ;
– l’accueil d’un stagiaire ;
– le recours à un prestataire de services ;
– la réorganisation des équipes au sein de l’entreprise (sans embauche) ;
– le recours à un autre salarié de l’entreprise pour remplacer le salarié absent, hors du cas du remplacement en cascade.
L’employeur a la faculté de procéder à un remplacement en cascade : le salarié licencié est remplacé définitivement par un salarié muté en interne, tandis qu’un autre salarié est embauché en CDI pour pourvoir au poste du salarié muté. La seule condition est que l’employeur embauche en CDI un autre salarié au poste laissé vacant par le salarié muté (Cour de Cassation sociale du 15 janvier 2014, nº 12‐21179, et du 9 octobre 2013, nº 12‐15975).
Au sein d’un groupe, le salarié remplaçant doit être engagé dans l’entreprise qui emploie le salarié absent (c’est‐à‐dire celle qui licencie), et non au sein d’une autre entreprise du même groupe (Cour de Cassation sociale du 25 janvier 2012, nº 10‐26.502)
La durée du travail du salarié recruté pour pourvoir au remplacement définitif doit être identique à celle du salarié licencié (Cour de Cassation sociale du 6 février 2008, nº 06‐44389).
De même en cas de remplacement en cascade, la durée du travail du salarié embauché doit être équivalente à celle du salarié muté en interne sur le poste du salarié licencié.
Les éléments de preuve possibles
Le juge se laissera plus facilement fléchir si l’employeur est capable de chiffrer l’effet de la désorganisation. On parle de preuves et non de prévisions pessimistes.
L’employeur peut utilement apporter d’autres types de preuve, tels que les retards de livraison des produits ou des prestations au client, du fait de l’impossibilité de recourir à des contrats temporaires pour assurer la production ou l’exécution du service attendu (CA Douai, 31 janv. 2017, no 15/01.411).
Les attestations de client sont de bons moyens de preuve à condition qu’elles témoignent d’une perturbation suffisamment longue. Une seule réclamation d’un client, même important, ne suffit pas, à elle seule, à prouver une désorganisation de l’entreprise (CA Aix-en-Provence, 28 oct. 2016, no 15/01515).
Surcharge de travail des collègues : comment prouver cette surcharge de travail ? Par des attestations émanant des collègues surchargés (CA Rennes, 30 nov. 2016, no 15/06472), voire (s’il l’accepte) par un avis du médecin du travail, par le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation également.
Licenciement pour motif personnel
Le licenciement pour absence prolongée ou absences répétées doit respecter la procédure légale de licenciement pour motif personnel (articles L 1232-2 et suivants, R 1232‐1 et suivants du Code du travail).
Le licenciement pour absence prolongée ou absences répétées doit impérativement intervenir pendant la suspension du contrat de travail du salarié absent.
Ainsi, dès lors que le salarié malade a repris le travail après une absence prolongée, l’employeur ne peut pas prononcer son licenciement puisque son remplacement n’est plus nécessaire (Cour de Cassation sociale du 23 septembre 2003, nº 01‐43583).
Le licenciement ne peut pas non plus intervenir lorsque le salarié absent est déclaré apte à reprendre son travail (Cour de Cassation sociale du 30 mai 2007, nº 06‐42796), ou que la date du retour est fixée et imminente.
Trois mentions doivent obligatoirement figurer dans la lettre de licenciement, sans quoi il est considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il s’agit :
– de la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise ;
– et de la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent ;
– de la priorité de réembauchage dont le salarié privé de son emploi bénéficie pendant un an, s’il en fait la demande (articles 2.10 et 4.08 de la convention collective nationale).
Salarié protégé
Lorsque l’employeur envisage de licencier un salarié protégé en raison de son absence prolongée ou de ses absences répétées, il doit saisir l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement.
L’inspecteur du travail vérifiera la gravité des perturbations apportées au fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de remplacer définitivement le salarié.
Avant la saisine de l’inspection du travail qui intervient à la fin de la procédure, n’oubliez pas de consulter les membres du Comité social et économique.
Extraits de la convention collective nationale des Services de l’automobile
Article 2.10 –c de la convention collective – Nécessité de remplacement
« Lorsque le bon fonctionnement de l’entreprise est perturbé par l’absence temporaire d’un salarié, l’employeur recherche les mesures internes ou les solutions externes adaptées pour assurer la continuité du service. S’il apparaît que la continuité du service ne peut être assurée malgré la mise en œuvre de ces mesures, ou s’il n’existe aucune possibilité de remplacement temporaire, l’employeur peut être conduit à envisager le remplacement définitif du salarié absent. En tout état de cause, il ne pourra être procédé au licenciement de ce salarié que lorsque son indisponibilité persiste au-delà de 45 jours continus, et dans le respect de la procédure légale de licenciement. Si l’état de santé du salarié ne lui permet pas de se rendre en personne à l’entretien auquel il doit être préalablement convoqué, il aura la faculté de se faire représenter par un membre du personnel de l’entreprise. Le salarié ainsi privé de son emploi bénéficiera pendant un an d’une priorité de réembauchage, s’il en fait la demande.
Le salarié percevra l’indemnité de licenciement dans les conditions prévues par la présente convention collective. Il percevra également une indemnité compensatrice de préavis sous déduction des indemnités versées par la Sécurité sociale et l’institution de prévoyance pendant la période correspondant au préavis non effectué. D’autre part, les prestations de prévoyance à paiement échelonné dont le salarié bénéficiait avant le licenciement continueront de lui être versées dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visé à l’article 1-26″.
Article 4.08 –d de la convention collective – Nécessité de remplacement
« Lorsque le bon fonctionnement de l’entreprise est perturbé par l’absence temporaire d’un salarié, l’employeur recherche les mesures internes ou les solutions externes adaptées pour assurer la continuité du service. S’il apparaît que la continuité du service ne peut être assurée malgré la mise en œuvre de ces mesures, ou s’il n’existe aucune possibilité de remplacement temporaire, l’employeur peut être conduit à envisager le remplacement définitif du salarié absent. En tout état de cause, il ne pourra être procédé au licenciement de ce salarié que lorsque son indisponibilité persiste au-delà de 180 jours continus, et dans le respect de la procédure légale de licenciement. Si l’état de santé du salarié ne lui permet pas de se rendre en personne à l’entretien auquel il doit être préalablement convoqué, il aura la faculté de se faire représenter par un membre du personnel de l’entreprise. Le salarié ainsi privé de son emploi bénéficiera pendant un an d’une priorité de réembauchage, s’il en fait la demande.
Le salarié percevra l’indemnité de licenciement dans les conditions prévues par la présente convention collective. Il percevra également une indemnité compensatrice de préavis sous déduction des indemnités versées par la Sécurité sociale et l’institution de prévoyance pendant la période correspondant au préavis non effectué. D’autre part, les prestations de prévoyance à paiement échelonné dont le salarié bénéficiait avant le licenciement continueront de lui être versées dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visé à l’article 1-26″.