La Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans différentes matières, dont le droit social – articles 35 à 37, est parue au JO du 23 avril, elle s’applique depuis le 24 avril 2024. Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 – congés payes et maladie
Elle permet une fois pour toute de clarifier le cadre juridique du droit à congés payés en cas d’arrêt maladie d’origine professionnelle ou non.
Malgré tout, beaucoup de questions restent en suspend et son application va nécessiter un gros travail sur le fond, notamment pour les cabinets comptables. Un questions/réponses de l’état serait le bienvenu pour nous éclairer.
Les apports de la nouvelle Loi
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L’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt maladie ordinaire
L’article L 3141-5 du Code du travail est modifié. Il permet désormais à tous salariés en arrêt maladie ordinaire, d’acquérir des congés payés ce qui auparavant n’était pas le cas.
Cependant, un salarié en arrêt maladie non professionnelle ne pourra acquérir que 2 jours ouvrables par mois et non 2,5 jours ouvrables.
1) Le salarié a été malade toute l’année
Si le salarié est malade pendant toute la période d’acquisition des congés (1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours), dans ce cas, le salarié ne bénéficiera pas de la 5ème semaine mais de 4 semaines représentant 24 jours ouvrables maximum par an. Il y a un différentiel de 20 % par rapport au droit commun.
2) Le salarié a été malade une partie de l’année
Dans ce cas, il faudra appliquer et combiner 2 règles de calcul : la règle classique (ancienne) et la nouvelle règle issue de la loi.
A titre d’exemple : un salarié sur l’année de la période d’acquisition des CP (1er juin N-1 au 31 mai de l’année N) est en arrêt pendant 5 mois.
1er calcul = 2.5 *7 = 17,5 jours ouvrables de CP ; 2d calcul via la nouvelle loi = 2*5 = 10 jours ouvrables ; soit au Total = 27,5 = 28 jours ouvrables de CP.
Sur le calcul de l’indemnité de congés payés : la règle est modifiée, puisque la rémunération ne sera prise en compte qu’à hauteur de 80%. Par conséquent, 1 mois d’arrêt maladie donne droit à 2 jours ouvrables de congés payés, représentant 80% de 2,5 jours ouvrables.
A titre d’exemple : au cours de la période d’acquisition des CP, le salarié touche 2 000 euros ; il est malade 5 mois sur cette période. Il aura droit à 28 jours de CP (en faisant les 2 calculs).
La règle du 1/10ème sera de : (7*2 000) +(5*2 000 *80%) = 22 000 euros
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L’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie professionnelle (AT/MP)
L’article l 3141-5 du Code du travail est modifié, dans le sens où pour un salarié en arrêt maladie professionnelle, l’acquisition des congés payés ne se fait plus dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, mais sur toute la durée de l’arrêt de travail. Si le salarié est en arrêt depuis plus de 12 mois, il pourra continuer à acquérir des congés payés.
Notez également qu’il bénéficiera de 2,5 jours ouvrables de CP par mois, soit 30 jours ouvrables sur toute l’année, donc 5 semaines de CP, ce qui est plus favorable que pour un salarié en arrêt maladie ordinaire.
En arrêt pendant 2 ans, il bénéficiera de 2*5 semaines de congés payés.
Le report des congés payés
Différents cas de figure vont se présenter, il faudra donc bien vérifier la date d’acquisition des CP et la date de prise effective des CP dans votre entreprise (information employeur 3 mois avant sur les dates de prises de CP est donc importante).
La loi en son nouvel article L 3141-19-1 du Code du travail, prévoit un report de 15 mois minimum, pour prendre les CP acquis et qui n’ont pas pu être posés au cours de la période de prise de CP dans l’entreprise, du fait de l’arrêt de travail, d’origine professionnelle ou non.
Sachez que cette durée minimale de 15 mois peut être augmentée dans le cadre d’un accord d’entreprise ou d’un accord de branche.
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Le report de 15 mois pour les arrêts de moins d’un an
Le report est soumis à une information de l’employeur. La période de report de 15 mois, ne pourra débuter que si vous informez le salarié sur ses droits à congés à son retour. Articles L 3141-19-1 et L 3141-19-3 du Code du travail.
Cette information doit impérativement être faite dans le mois suivant la reprise du travail par le salarié, si vous ne faites rien, le report ne débutera pas. Le texte ne prévoit pas de durée d’absence minimale déclenchant l’obligation d’information de la part de l’employeur. On peut considérer que l’employeur sera tenu d’informer le salarié à l’issue de tout arrêt de travail et ce, même si l’absence n’affecte pas la durée des congés payés au regard des règles d’équivalence.
Si vous ne faites pas cette information, le salarié toujours dans votre entreprise, aura 2 ans pour agir.
L’information doit contenir les informations suivantes :
- Le nombre de jours de congé dont le salarié dispose ;
- La date limite de prise de ces congés.
L’information peut être effectuée par tous moyens conférant une date certaine à sa réception. La loi préconise l’information via le bulletin de salaire, mais nous ne pouvons que vous conseiller d’utiliser le bulletin de salaire si vous le désirez, mais également un document écrit remis au salarié et fait en 2 exemplaires pour plus de sureté, sachant que la période de report débutera à la date de réception de l’information. Pour le bulletin de salaire cela paraît plus difficile de prouver une date certaine de sa remise.
Par exemple, si le salarié reprend son travail avant l’expiration de la période de prise des congés payés et qu’il lui reste des jours de congés payés à prendre sur cette période, vous pourrez lui imposer de prendre les CP restants de sorte qu’il n’y ait pas de report mais un simple décalage des dates de congés payés (par écrit) ; ou ne pas lui faire prendre et le délai de report sera applicable.
La DGT a été interrogée par différents organismes sur différents scénarios possibles auxquels elle a répondu.
- Un salarié est malade de juillet à septembre 2024 ; il reprend son travail le 1er octobre 2024. La période d’acquisition des CP est du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 et la période de prise de CP est du 1er mai 2025 au 30 avril 2026.
Réponse de la DGT : le report de 15 mois peut concerner les CP acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 qui n’ont pas été déjà pris par le salarié au moment de son arrêt et s’il est dans l’impossibilité de les prendre à sa reprise du travail.
MAIS pour les CP qu’il acquis pendant son arrêt maladie de juillet à septembre 2024, le délai de report n’a pas vocation à s’appliquer pour cette période de juillet à septembre, ni d’ailleurs pour juin 2024. Comme le salarié a repris son travail avant le début de la période de prise de CP (1er mai au 30 avril) il pourra les déposer au cours de cette période.
Le salarié dans le 2d cas n’est pas dans l’impossibilité de prendre ses congés au cours de la période de prise des CP.
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Le report de 15 mois pour les arrêts de longue durée supérieurs à 12 mois
Une règle spécifique concerne les salariés en arrêt depuis au moins 1 an à la fin de la période d’acquisition des CP (au 31 mai de l’année en cours), car cela correspond à plusieurs périodes de référence consécutives.
Nous ne sommes plus dans le cas de CP antérieurement acquis avant l’arrêt de travail, mais de CP acquis pendant l’arrêt de travail, il faut bien faire la différence.
Dans ce cas, les CP acquis au titre de la période d’arrêt de travail sont automatiquement reportés sur une période de 15 mois qui débute à compter du terme de la période d’acquisition au titre de laquelle les congés ont été acquis, si à cette date le contrat est suspendu depuis au moins 1 an. Article L 3141-19-2 du Code du travail.
En conséquence, la période de report pourra démarrer et ce même si le salarié n’a pas repris le travail et même si l’employeur ne l’a pas informer de ses droits, car la période débute dès la fin de la période d’acquisition des CP (1 juin N-1 au 31 mai N).
- Si le salarié reprend son travail avant l’expiration de la période de report de 15 mois, cela entraine la suspension de la période jusqu’à ce que l’employeur informe le salarié de ses droits à CP acquis et du délai pour les prendre ;
- Si le salarié reprend son travail après l’expiration de la période de report de 15 mois, dans ce cas il perd ses droits à CP. Mais, les congés payés acquis pendant cette période sont reportés à leur tour, de sorte que l’employeur doit informer le salarié du nombre de jours de congés dont il dispose et la date butoir de prise des CP.
Cela signifie que, si l’arrêt de travail se prolonge ou que le salarié enchaine arrêts sur arrêts, il ne pourra pas cumuler jusqu’à une durée indéterminée les droits à CP acquis pendant ses arrêts.
Exemple : un salarié est en arrêt du 15 mars année N-2 au 31 mai année N.
Normalement sur la période d’acquisition du 1er juin N-1 au 31 mai N il a acquis 24 jours ouvrables si maladie et 30 jours ouvrables si maladie professionnelle.
La période de report de 15 mois débute le 31 mai N et va jusqu’au 31 août de l’année N+1 (15 mois).
Si le salarié prolonge son arrêt de travail et revient le 1er mars de l’année N +1, la période de report est suspendue au 1er mars N+1, mais 9 mois se seront écoulés sur les 15, il restera donc 6 mois de report qui débuteront dès que l’employeur aura informé le salarié de ses droits.
L’application rétroactive de la loi
Il est prévu une application rétroactive de la loi à compter du 1er décembre 2009 au 23 avril 2024 pour la règle d’acquisition des CP durant un arrêt maladie ordinaire et pour la période de report de 15 mois.
Par conséquent, sur la période du 1er décembre 2009 au 23 avril 2024, l’acquisition rétroactive des CP au titre d’un arrêt pour maladie ne peut pas conduire le salarié à bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de CP par période d’acquisition, compte tenu des jours déjà acquis sur ladite période à d’autre titres.
Pas d’application rétroactive de la loi concernant la suppression de la limite d’un an en cas d’arrêt d’origine professionnelle. Les salariés iront en justice pour demander des indemnités, en invoquant les dernières décisions de la Cour de cassation.
Délai pour agir en justice sont différents suivant la situation du salarié.
1) Le salarié est toujours en poste à la date de la parution de la loi
Il disposera de 2 ans pour agir en justice s’il désire réclamer ses droits à CP au titre des arrêts maladie survenus depuis le 1er décembre 2009. Par conséquent, les salariés en poste au 24 avril 2024 ont jusqu’au 23 avril 2026 pour agir. Après cette date, leur demande sera forclose.
Avec le jeu du report de 15 mois, certains droits passés risquent d’être perdus.
2) Le salarié n’est plus en poste à la date d’entrée en vigueur de la loi
La prescription salariale est de 3 ans, la loi ne prévoit pas de dispositions spécifiques les concernant. Par conséquent, un salarié dont le contrat de travail est rompu depuis plus de 3 ans à la date d’entrée en vigueur de la loi (24 avril 2024) ne pourrait pas agir en justice pour obtenir une indemnité compensatrice de CP.
Si le salarié a quitté l’entreprise depuis moins de 3 ans au 24 avril 2024, il faudra appliquer la règle du report.
Mais que faire si la convention collective prévoit des stipulations plus favorables que la loi ?
Notre CCN est plus favorable que la loi, elle prévoit en son article 1.15 a), une assimilation des périodes d’arrêt de travail indemnisées à du temps de travail effectif (2.5 jours ouvrables) donc plus favorable que la loi sur l’acquisition des CP en cas de maladie « ordinaire », mais limitée dans le temps, soit en l’espèce 3 mois.
Il faut savoir que les avantages du régime légal et ceux du régime conventionnel ne peuvent pas en principe se cumuler, le salarié devra bénéficier du régime qui lui est globalement le plus avantageux, sans panachage des avantages.
Si la durée de l’absence est inférieure à la durée assimilée par le régime conventionnel, c’est ce régime plus favorable qui sera appliqué. Mais si l’arrêt est prolongé et que le régime légal devient à un moment donné plus favorable, le calcul des droits à CP devra être régularisé en appliquant ce régime.
Il est donc conseillé d’attendre le terme de l’arrêt de travail pour définir le régime d’acquisition des congés le plus favorable au salarié. En l’espèce, la question se pose sur les 3 mois consécutifs assimilés par notre CCNSA comme du travail effectif et par conséquent permettant au salarié de bénéficier dans le cadre d’un arrêt maladie ordinaire, de 2.5 jours ouvrables et non 2 jours comme prévu par la loi.
Exemples et infographies
Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette nouvelle loi, l’administration diffuse des exemples sur son site : exemples cp et maladie
EXEMPLES
1 – Un salarié toujours en poste a été en arrêt maladie du 1.01.2011 au 29.02.2012 soit 6 mois.
Nous sommes dans le cas de reports de congés non pris pour les arrêts de moins d’1 an au terme de la période d’acquisition (c. trav. art. L. 3141-19-1).
Selon la DGT, la période de report de 15 mois commence à partir du moment où l’employeur informe le salarié de ses droits à congés acquis par le passé et du délai dont il dispose pour les prendre – c. trav. art. L. 3141-19-3.
Les jours de CP acquis peuvent être pris dans un délai de 15 mois courant à compter de l’information du salarié sur ses droits par l’employeur (par hypothèse après l’entrée en vigueur de la loi).
Si l’employeur n’informe pas le salarié sur ses droits, celui-ci a 2 ans à partir du 24 avril 2024 pour réclamer ses congés payé, soit jusqu’au 23 avril 2026 inclus.
2 – Un salarié toujours en poste a été en arrêt maladie du 1 janvier 2012 au 31 mai 2013 inclus soit 17 mois.
Dans l’entreprise, la période d’acquisition est du 1er juin N au 31 mai N + 1.
- on distingue la période d’acquisition de juin 2011 à mai 2012, pour l’arrêt maladie du 1 janvier 2012 au 31 mai 2012, et la période d’acquisition de juin 2012 à mai 2013 pour l’arrêt maladie du 1 juin 2012 au 31 mai 2013.
Dans cette situation selon la DGT.
- Pour les CP acquis du 1 janvier 2012 au 31 mai 2012, le contrat étant suspendu depuis 5 mois à la fin de la période d’acquisition : le 31 mai 2012, la règle générale de report s’applique.
Le délai de report de 15 mois débute à la date à laquelle le salarié est informé sur ses droits à congés (par hypothèse après l’entrée en vigueur de la loi), après quoi ils sont perdus.
Si l’employeur n’informe pas le salarié sur ses droits, celui-ci a 2 ans à partir du 24 avril 2024 pour agir en justice, soit jusqu’au 23 avril 2026 inclus, si l’employeur refuse de lui payer.
- Pour les CP acquis du 1 juin 2012 au 31 mai 2013, la règle de report dérogatoire s’applique car au 31 mai 2013 (fin de la période d’acquisition), le contrat était suspendu depuis 17 mois (supérieur à 1 an) du fait de l’arrêt maladie – c. trav. art. L. 3141-19-2.
La période de report de 15 mois court à compter de la fin de la période d’acquisition, soit du 31 mai 2013 au 31 aout 2014.
- Le salarié reprend le travail le 1 juin 2013, la période de report est suspendue puisque le salarié n’a pas reçu les informations sur ses droits à congés (la loi n’existait pas encore). Elle recommencera à courir à partir du moment où le salarié aura été informé de ses droits (si information le 1er juillet 2024, report jusqu’au 30 septembre 2025).
- Si l’arrêt maladie est prolongé avec reprise du travail le 1er avril 2014, le cours du délai de report de 15 mois a été suspendu, puisque le salarié n’a pas reçu les informations sur ses droits à congés (la loi n’existait pas). 9 mois de report se sont écoulés de juin 2013 à mars 2014 inclus, il reste 6 mois de report, qui recommencent à courir à partir du moment où le salarié a été informé de ses droits (si information au 1 juillet 2024, report jusqu’au 31 décembre 2024).
Dans les deux cas, pour les CP acquis du 1 juin 2012 au 31 mai 2013, 2 situations possibles au 24.avril 2024 :
- l’employeur informe le salarié de ses droits et les mois restant de la période de report courent à partir du moment où le salarié a été informé ;
- il n’informe pas le salarié sur ses droits et le salarié a 2 ans à partir du 24 avril 2024 pour agir en justice, s’il n’arrive pas à faire valoir ses droits auprès de son employeur.
- si l’arrêt de travail est prolongé jusqu’à fin août 2014 ou plus tard, le salarié aura perdu les CP acquis du 1 juin 2012 au 31 mai 2013. En effet, la période de report de 15 mois a expiré au 31 mai 2014. Une action en justice exercée dans les 2 ans de l’entrée en vigueur de la loi lui permettrait uniquement de récupérer les droits acquis de janvier 2012 à mai 2012.
3) Salarié malade du 1 juin 2019 au 31 décembre 2021 soit 31 mois, a quitté l’entreprise le 28 janvier 2022 (avant la loi ).
Dans l’entreprise, la période d’acquisition des CP va du 1er juin N-1 au 31 mai N et la période de prise va du 1er mai N au 30 avril N+1.
Selon la DGT
- Les CP acquis du 1er juin 2019 au 31 mai 2020 sont perdus car le délai de report de 15 mois pour ces congés courait du 31 mai 2020 au 31.05.2021, date à laquelle le salarié était toujours en arrêt (c. trav. art. L. 3141-19-2).
- Les CP acquis du 1er juin 2020 au 31 mai 2021 ne sont pas perdus car le délai de report, qui part du 31 mai2021 au 31 aout 2022, a été suspendu au retour du salarié le 31 décembre 2021. On suppose que le salarié n’a pas été informé de ses droits (l’obligation n’existait pas), de sorte que le solde de 7 mois de la période de report n’a jamais recommencé à courir.
- Les CP acquis du 1er juin 2021 au 31 décembre 2021 ne sont pas perdus car le salarié devait prendre ces congés entre le 1er mai 2022 et le 30 avril 2023, période à laquelle son contrat était déjà rompu.
- Le salarié peut agir en justice (attention à la prescription de 3 ans) ou se rapprocher de son ancien employeur pour les droits à congés acquis au cours de sa période de maladie comprise entre le 1er juin 2020 et le 31 décembre 2021, et qu’il n’a pas pris avant que son contrat de travail soit rompu.