Le 10 septembre 2025, deux arrêts décisifs de la Cour de cassation ont été publiés, mettant la France en conformité avec le droit européen sur le sujet épineux des congés payés.
Point N°1 : l’arrêt maladie pendant ses congés
La loi du 22 avril 2024 (qui permet au salarié d’acquerir des congés payés pendant un arrêt maladie) n’abordait pas le sujet du salarié qui tombe malade pendant ses congés payés.
C’est chose faite avec l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 – Arrêt du 10 septembre 2025, n°23-22.732 qui reconnait un droit au report des jours de congés payés coincidant avec un arrêt maladie.
- Pour rappel
Au regard de la jurisprudence constante du 4 décembre 1996 – Cass.Soc, 4 déc 1996- N° 93.44-907, un salarié malade pendant ses congés payés ne pouvait en exiger le report.
C’était sans compter sur l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice européenne qui fait la différence entre la finalité des congés payés qui sont dédiés aux loisirs, et l’arrêt maladie qui est dédié à la guérison et au rétablissement (CJCE du 20 janvier 2009).
La jurisprudence française était par conséquent, en décalage avec le droit européen. Une décision de la Cour d’appel de Versailles avait cependant autorisé ce report.
En juin 2025, la Commission européenne a contraint la France à réagir en engageant une procédure d’infraction et de mise en demeure de la France de se conformer au droit communautaire dans un délai de 2 mois à compter du 18 juin 2025.
Avec l’arrêt du 10 septembre, la Cour de cassation reconnait le droit au salarié de reporter ses jours de congés payés lorsqu’ils coincident avec un arrêt maladie dès lors que la maladie empêche le salarié de se reposer, à la seule condition que le salarié notifie son arrêt maladie à l’employeur.
Des questions restent en suspend comme les conditions de report, la prescription, la gestion en paye.
Comment va se passer le report ?
Le ministère du Travail confirme que le report est de 15 mois, il vient de prendre acte de cet arrêt, en ajustant en conséquence sa fiche sur les congés payés : Congés payés
Dès lors que des jours de congés payés, ont coïncidé avec un arrêt maladie, ils font l’objet d’un report, et en conséquence :
• les règles relatives au report des congés payés dans un contexte de maladie devront être respectées ;
• l’employeur devra observer la procédure d’information du salarié.
Attention, cela ne signifie pas que le salarié peut poser les jours de CP reportés n’importe quand. Le droit à congés payés s’exerce dans le cadre des règles prévues par le code du travail (période de prise, fixation des dates par l’employeur). En fonction de la durée il pourra y avoir un décalage dans les congés payés car nous serons toujours dans la période de prise de cp.
Exemple : la prise de cp décidée par l’employeur est du 1er juin au 30 septembre, si votre salarié est en CP la 1er semaine de juin et dépose un arrêt pour cette semaine, il pourra toujours prendre ses CP avant le 30 septembre donc pas de report de 15 mois, mais un décalage au sein de la même période de prise entre le 1er juin et le 30 septembre.
En tant qu’employeur il faudra malheureusement appliquer cette décision, même s’il ne s’agit que d’une jurisprudence de la Cour de cassation qui normalement devrait faire l’objet d’une transposition par le législateur en droit français.
Si d’avance vous ne désirez pas appliquer immédiatement cette décision et que vous préférez :
- Attendre que cette décision de jurisprudence va inciter les parlementaires à légiférer pour faire évoluer le Code de travail ;
- Miser sur le fait qu’un salarié pourrait aller devant les prud’hommes pour faire valoir ses droits et potentiellement ne pas avoir gain de cause.
Dans ces différents cas d’espèce, nous ne pouvons que vous conseiller d’anticiper et de garder sur un compte les sommes qui pourraient vous êtes réclamées.
Cette décision fait grand bruit auprès des organisations patronales et n’améliorera certainement pas les comptes de la sécurité sociale.
POINT N° 2 : prise en compte des jours de congés payés dans le décompte hedomadaire des heures supplémentaires
Reviment de jurisprudence de la Cour de cassation au regard de la seconde décision en date du 10 septembre 2025 relative aux congés payés pris en compte pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires – Arrêt du 10 septembre 2025, n°23-14.455
- Pour rappel
En droit français, l’article L 3121-28 du Code du travail, précise que constitue une heure supplémentaire toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire. En conséquence, seules sont prises en compte les heures de travail effectif pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires dues. Les jours de congés payés n’étant pas assimilés à du temps de travail effectif, ils n’étaient pas pris en compte pour la détermination des heures supplémentaires pour la jurisprudence – Cass soc 25 janvier 2017.
En droit de l’Union européenne (UE), toute mesure pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés est interdite : c’est le cas, par exemple, lorsque la prise de congé payé crée un désavantage financier.
Sous l’influence de la jurisprudence européenne, la Cour de cassation met le droit français en conformité avec le droit européen.
La question posée à la Cour de cassation était la suivante : le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires doit-il prendre en compte les jours de congés payés ?
La réponse est positive, la Cour de cassation écarte partiellement l’application de l’article L 3121-28 du code du travail. Elle décide que pour les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, les jours de congés payés doivent être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires.
- Exemple suite décision de la Cour de cassation
Avant la décision du 10 septembre : un salarié dont la durée est de 35 heures par semaine, fait 4 heures supplémentaires au cours de la semaine. Sur cette même semaine il prend des jours de congés payés.
Il a donc travaillé 39 heures, soit 4 heures supplémentaires à ajouter en paye mais rémunérées au taux normal sans majoration, les jours de CP étant exclus du déclenchement.
Avec le revirement de jurisprudence du 10 septembre 2025 : même situation sauf que les 4 heures supplémentaires seront rémunérées mais en plus elles seront majorées à hauteur de 25 %, les jours de congés payés sont désormais pris en compte pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Reste encore des questions en suspend : faut il raisonner sur 4 ou 5 semaines de congés ? Le droit européen ne garantit quant à lui que 4 semaines. On attend d’autres décisions de la Cour de cassation sur le sujet.